Pouvoir/opposition: la poignée de main

C’est incontestablement un bon signe : une forte délégation de l’opposition, représentée par l’Union fait la Nation (UN), était reçue dans la soirée du 22 novembre au Palais de la Marina par le locataire des lieux, le Président Boni Yayi. Il importe peu de savoir la teneur des échanges entre les deux parties. Ainsi que les motivations qui, de part et d’autre, ont rendu possible une telle rencontre. Affirmons que celle-ci intervient juste au lendemain de la visite dans notre pays du Souverain Pontife, le Pape Benoît XVI. Une visite placée, faut-il le rappeler, sous le signe d’un concept fort, celui de la réconciliation. Qui veut établir un lien de causalité entre la visite du Pape au Bénin et la visite des ténors de l’opposition au Palais de la Marina ? L’essentiel ici, c’est que des hommes, en dépit de leurs différences, sont allés à la rencontre d’autres hommes. C’est cela le plus important. C’est cela qui est porteur d’espérance.

Affirmons également que la visite des têtes d’affiche de l’opposition à Boni Yayi, intervient juste au lendemain de la publication de la lettre que l’Union fait la Nation a adressée au Pape. Mention est faite d’un certain nombre de dispositions qui plombent la gouvernance politique et socio-économique, tirent vers le bas notre démocratie. L’opposition ne saurait troquer ces diverses critiques contre une visite au Palais. De ce qui précède, deux remarques :

Publicité

– La première : ce n’est pas parce que le Pape a donné une seconde jeunesse au mot « Réconciliation » que la classe politique doit se croire soudainement investie de la mission d’illustrer le mot à tout prix, voire à n’importe quel prix. Comme si l’opposition et le pouvoir, touchés par la grâce, s’engageaient à regarder désormais dans la même direction.

– La deuxième : ce n’est pas parce que l’opposition et le pouvoir se rencontrent que l’une doit cesser de s’opposer et que l’autre doit cesser de gouverner. Il ne s’agit pas, que nous sachions, de nous laisser dissoudre dans un consensus mou en vue du partage du gâteau national. « Je mange, tu manges, nous mangeons… »

La rencontre opposition/gouvernement pourrait augurer d’une ère nouvelle : tourner une page plutôt rigide de notre histoire politique. Elle nous oriente vers l’adoption de pratiques politiques plus mâtures, plus adultes. Ce sont trois manières d’être, bien caractéristiques de notre vie nationale, que nous bousculons et que nous remettons en question.

1- Nous sommes jusqu’ici un pays où le fait d’être des adversaires politiques n’autorise ni à se regarder, ni à se parler, ni à collaborer sous quelque forme que ce soit. La moindre entorse à cette règle enfante un traitre. Et comme chacun tient à avoir les mains propres, une loi non écrite prescrit qu’entre adversaires on ne se donne point la main. Voilà ce que la rencontre opposition/ pouvoir pourrait bousculer.

Publicité

2- Nous sommes jusque là un pays où la politique repose sur deux leviers : la solidarité communautaire qui fait compter avant tout sur ses frères et ses amis et l’exclusion viscérale qui fonctionne sur le mode simpliste du « qui n’est pas avec moi est contre moi». Cela donne un pays où les démarcations sont plus extrapolitiques que politiques. Ainsi, sans vision, sans idée, sans direction d’action, la réalité nationale se réduit à une juxtaposition d’intérêts contraires fondés sur des affinités contestables au regard de l’intérêt général. Voilà ce que la rencontre opposition/pouvoir pourrait corriger.

3- Nous sommes jusque là un pays où le discours politique est négatif par essence. L’opposition ne voit en face d’elle que des cancres et des corrompus. Le pouvoir ne voit en face de lui que des aigris et des assoiffés du pouvoir. On veut admettre que la différence ne doit pas exclure l’échange, que les contradictions ne doivent ni différer ni étouffer le dialogue. Voilà ce que la rencontre opposition/pouvoir pourrait entériner.

Sommes-nous à la veille d’un tournant décisif dans notre vie politique ? Tout nous porte à le croire. Encore faut-il que les acteurs comprennent les enjeux de l’heure. Et s’engagent à accomplir leur mission historique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité