Un pas en avant, les dessous de la corruption : le nouveau film de Sylvestre Amoussou

C’est le titre du dernier et deuxième long métrage de Sylvestre  Amoussou, sorti ce mercredi 9 novembre 2011 en France, et à l’affiche à l’espace Saint Michel de Paris. ‘Un pas en avant, les dessous de la corruption’ est un polar politique dans lequel s’enchaînent enquête, péripéties, suspenses, poursuites et meurtres. Un polar qui traite, avec légèreté, d’un sujet universel  grave, celui de la corruption et de l’aide humanitaire mondiale, elle, allègrement détournée tant en aval qu’en amont par les acteurs censés en administrer  la gestion. Sylvestre Amoussou y relate justement  l’histoire d’un petit artisan à la recherche de son frère.

Publicité

Et qui se retrouve finalement embarqué dans une affaire de détournement d’aide humanitaire… Les principaux acteurs que sont : Thierry Desroses, Dieudonné Kabongo, Firmine Richard, Fatou N’Diaye  sont venus de France où ils étaient habitués à jouer des rôles secondaires. Le réalisateur et la production du film n’ont  pas lésiné sur les moyens en faisant venir au Bénin d’autres acteurs secondaires du Sénégal et des Antilles et des techniciens français. Des rôles secondaires et de figurants ont été réservés aux acteurs locaux.  A l’exception de Sandra Adjaho, actrice-interprète béninoise et résidente au Bénin,  qui hérita, à la faveur d’un casting époustouflant, du premier rôle féminin, Délali Godomey la femme du personnage principal. Un rôle qu’elle a su illuminer de sa beauté naturelle et  tout son talent d’actrice confirmée. Sylvestre Amoussou incarne lui-même, en déployant son immense talent d’acteur,  avec  gravité et parfois une fine candeur,  le personnage principal Koffi Godomey ; ce qui lui a valu le prix de la meilleure interprétation masculine au Fespaco et aux ‘Ecrans noirs’ du Cameroun. Le film décrochera aussi d’autres prix, tel que  le prix de la meilleure musique au Fespaco, etc.

 

Ce film tourné, dans des décors intérieurs et des décors naturels très pittoresques africains, se veut le témoin-projecteur  de  l’image d’une Afrique rayonnante, loin des clichés misérabilistes des fléaux dévastateurs, des conflits  et des  catastrophes surmédiatisées facturés par les occidentaux.

Le tournage du film a entièrement eu lieu au Bénin. Le décor et les paysages magnifient les villes de Cotonou, Abomey-Calavi, et subliment également les éco-systèmes des environs de la Cité lacustre de Ganvié, avec de magnifiques mangroves’, filmées sous un angle nouveau jamais réalisé jusque-lors, avec d’incroyables plans aériens !…

Publicité

Sylvestre Amoussou, nous allons bientôt vivre la sortie du film «Un pas en avant, les dessous de la corruption» en France. Quels sont les messages que vous véhiculez à travers cette œuvre ?

Sylvestre Amoussou : A travers mon film le message principal concerne la lutte contre la corruption.

Corruption qui existe aussi bien au sommet de l’Etat, qu’au  niveau du citoyen de base.

«  UN PAS EN AVANT – Les Dessous de la Corruption » ne peut pas à lui seul changer la situation africaine, mais mon intention principale est de susciter chez le spectateur l’envie de se battre contre la corruption, de prendre part aux élections locales, faisant ainsi un pas vers la démocratie.

Dans ce film, je redonne également sa place à la femme. Sans les femmes, l’homme n’est rien. Et je pense qu’avec plus de femmes aux postes suprêmes il y aurait moins de guerre. Une femme pense toujours à l’avenir de ses enfants et donc à l’avenir de son pays.

L’Assemblée nationale béninoise a adopté le 29 Août dernier  le projet de loi contre la corruption et les infractions connexes en République du Bénin. «Un pas en avant, les dessous de la corruption» a bénéficié d’une aide du gouvernement béninois. Tout ceci augure d’une bonne volonté de prise de conscience du fléau par les autorités béninoises. Ne projetez-vous pas une collaboration avec les autorités gouvernementales pour la diffusion du film au Bénin ?

Sylvestre Amoussou :  J’espère que ce ne sera pas une loi de plus qui ne sera pas appliquée. Je suis allé vers le gouvernement pour qu’il organise une projection au BENIN, pour le moment c’est toujours lettre morte. Je le déplore car je pense que le gouvernement ne donne pas une place assez importante au cinéma qui peut développer humainement et économiquement un pays. Face à la mondialisation, et à l’ère d’internet le gouvernement n’a pas pris toute l’importance de posséder  et contrôler son image aussi bien au niveau national qu’international. Mais je ne désespère pas, bien au contraire.

Les dessous de la corruption, comme l’indique le titre, est un film sur la corruption. Qu’est-ce qui fait son originalité ?

Sylvestre Amoussou : Sa  plus grande originalité : son mode de financement. En effet, la majorité des fonds vient aussi bien de la société civile africaine que des politiques africains qui commencent à comprendre que seule l’image qu’ils financent peut restituer une image positive du continent. Même si le film critique la société africaine actuelle, il dessine une Afrique moderne, belle et qui gagne.  Cette image ne sera jamais financée par l’occident.

Réaliser un film nécessite beaucoup de moyens financiers. Comment avez-vous financez le vôtre, tout en conservant cette originalité qui vous est très chère ?

Sylvestre Amoussou : J’ai été soutenu par le gouvernement du Bénin, la société civile béninoise, le fonds de France indépendant qui a apporté un apport de 70 000 euros et le centre du cinéma marocain. Le film est totalement indépendant. Je suis libre de dire ce que bon me semble. C’est très important, car il n’est pas biaisé ni orienté. La plupart des films africains sont financés par la France. Ce qui est problématique puisqu’elle veut en retour qu’on parle d’elle selon son point de vue. D’ailleurs, les médias français comme France télévisions, refusent de parler de ce film car ils ne veulent pas apporter de l’importance à un film qui met en cause les relations que la France entretient avec l’Afrique. Peu de salles de cinéma ont accepté de le diffuser. Seul le dirigeant de l’espace Saint Michel à Paris a accepté de le diffuser car il s’est basé sur la qualité du film tout simplement. Nous espérons que le public l’aimera pour qu’il soit diffusé dans d’autres salles.

Parfait ! Ainsi quelques institutions et de diverses personnalités au Bénin et ailleurs en Afrique, donc des gens parfaitement intègres,  mais aussi certainement quelques corrompus et corrupteurs, vous ont soutenu pour la réalisation de ce film. Peut-on y voir le signe d’un acte d’espoir  en pensant à certains, et un acte de repentance en pensant à d’autres de vos financiers  qui traînent eux des casseroles en la matière ?

Sylvestre Amoussou :  En tout cas je l’espère. Mais il est vrai qu’il y a toute une éducation à refaire car le colon a bien ancré la corruption dans nos civilisations et certains africains se l’ont totalement appropriée et même sont devenus maître en la matière. Nos dialectes ne possèdent pas le mot « corruption ». La langue française oui ! Et n’oublions pas que pour qu’il y ait des corrompus il faut à la base des corrupteurs.

On a vu que certains  membres du gouvernement du pays, théâtre du film, étaient ‘ hyper-corrompus’, notamment le Premier Ministre.  Ne craignez-vous  pas une confusion possible avec les membres  du gouvernement béninois vue que le film a été entièrement tourné au Bénin ?

Sylvestre Amoussou : Non. Le film a été effectivement entièrement tourné au Bénin, c’est un choix juste de mise en valeur de notre pays, à travers ces beaux paysages et son effort infrastructurel pour se mettre à niveau des normes touristiques internationales. Le pays théâtre du film reste les Etats-Unis d’Afrique. Vous voyez bien d’ailleurs que son drapeau est une bannière étoilée représentant l’ensemble des Etats africains.  Il n’y a, non plus, aucune confusion possible entre le premier ministre actuel du BENIN et le premier ministre corrompu de mon film. Pour deux grandes raisons : la première est que  le poste de premier ministre n’existait pas dans le gouvernement  du BENIN  au moment du tournage. La seconde raison est que mon film bien que tourné au BENIN ne parle pas du cas du BENIN mais d’un pays lambda situé en Afrique.                                                                                                         N’oublions pas que le film parle également de la corruption internationale et de l’abus des ONG.  Les béninois savent bien que le premier ministre actuel est l’architecte du développement du pays. Et soutenir la projection de « UN PAS EN AVANT – Les Dessous de la Corruption » ne ferait que confirmer la bonne volonté du gouvernement dans sa lutte contre la corruption.

Quels sont vos projets ????

Sylvestre Amoussou : Je travaille actuellement sur un autre long métrage qui relate le drame des rapports Nord-Sud. Il faut combattre la corruption pour plus de démocratie en Afrique. Mais pas de manière brutale comme le font les occidentaux. Dénonçons la corruption pour avancer et construire un monde meilleur à nos enfants. Je pense que le cinéma africain a un rôle à jouer. Faire un film coute très cher mais l’Afrique a aussi besoin de rêver. Si elle veut être indépendante elle doit financer son image.

Interview exclusive de Sylvestre Amoussou, accordée le mardi 8 Novembre 2011.

Propos recueillis par Guillaume ADOUVI.

Un pas en avant, les dessous de la corruption.

Film béninois en projection à : l’Espace Saint Michel – 75006 PARIS

Séances : 14 h, 16 h, 18 h, 20 h et 22 h tous les jours.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité