Irak – Etats-Unis : retrait militaire sur fond de missions inaccomplie et accomplie

C’est un retrait, la queue entre les jambes… ou presque. Pour l’observateur non averti. Neuf années presque après avoir envahi le territoire de l’Irak envers et contre toutes les prescriptions du droit international, les Etats-Unis d’Amérique s’en vont. Le contingent qui au plus fort du conflit a pu compter jusqu’à 160.000 soldats américains en même temps va se réduire à 150 instructeurs militaires.

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C’est la fin d’un cauchemar qui aura fait 4.500 tués parmi les G.I.’s et plus de 120.000 morts irakiens, soldats et civils compris. C’est aussi la fin de la longue attente de deux peuples qui voulaient pour le premier voir rentrer ses enfants envoyés à la mort dans une guerre incomprise et pour le second voir partir « l’occupant » toujours encombrant. Dès lors, l’inévitable bilan donne des résultats bien plus que mitigés. Et pourtant.

 

Ce qui avait motivé la « guerre préventive » déclarée par George Walker Bush à l’Irak en 2003, c’est la conviction qu’il avait brandie de la présence dans ce pays de stocks d’armes de destruction massive destinées à être utilisés contre les Etats-Unis. Guerre préventive. Notion fumeuse, en déphasage avec tout le droit international. Le Président américain n’avait pas hésité alors à susciter la théorisation et la justification d’un conflit armé basé sur cette sorte de « légitime défense proactive ». L’opposition à cette époque de la France, mais aussi de la Russie et de la Chine, éternels récalcitrants, au Conseil de Sécurité de l’ONU n’a eu d’autre effet que d’encourager la première puissance mondiale, qui se disait menacée, à agir seule. Bien sûr avec à ses côtés, son éternel et traditionnel allié britannique et une coalition constituée d’autres Etats plus ou moins artificiellement motivés. Le contexte international était alors celui de l’après 11 septembre 2001. Les Etats-Unis comptaient leurs amis et recherchaient leurs ennemis. Saddam Hussein qui a eu le tort de se réjouir publiquement de la destruction des Twin Towers et de la tragédie américaine subséquente, était de la seconde catégorie. Classé dans « l’Axe du Mal ». Et il fallait en finir avec lui.

Depuis mars 2003, le monde a successivement regardé se dérouler la fulgurante victoire de la coalition internationale, la fin du régime sanguinaire du Raïs de Bagdad et l’enthousiasme de tout un peuple libéré du joug de la servitude. Mais le spectacle a très vite changé d’allure. Terrorisme, nationalisme, corruption au sommet de l’Etat, guerre civile, accalmies et résurgences des violences… L’Irak post Saddam aura tout connu. Des crises politiques interminables aux procès expéditifs dont celui de l’ex-président capturé, jugé, condamné et pendu en décembre 2006. Des attentats suicides contre les soldats américains aux exactions commises par ceux-ci à la sinistre prison d’Abou Grahib. De l’impossible quête des armes de destruction massive au difficile retour dans le cercle fermé des pays exportateurs de pétrole. Neuf ans pratiquement après le début de la guerre, le retrait décidé par le successeur de George Bush et qui est désormais effectif pose la question de la résolution de tous ces problèmes.

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A en juger par le visage qu’offre l’Irak d’aujourd’hui, il est évident que rien n’a été réglé. Les Etats-Unis n’auront tout au plus réussi qu’à renverser le féroce Raïs, sans jamais avoir pu se faire reconnaître, pas plus que l’instant d’une liberté retrouvée, comme de véritables libérateurs. La situation politique en Irak est aujourd’hui d’une extrême fragilité. La situation sécuritaire demeure à la solde de milices terroristes et de groupes d’auto-défense tandis que l’armée nationale mise en place à grands frais par les alliés occidentaux, peine à faire ses preuves en matière de maintien de l’ordre et de la quiétude. La situation économique de l’irakien lambda s’est détériorée, comparativement à ce qu’elle était sous le dictateur, à en croire nombre d’Irakiens. L’accès à l’éducation, à la santé et aux loisirs pour tous reste une chimère.

On peut donc aisément comprendre pourquoi le président Barack Obama s’est bien gardé de tout triomphalisme lors de son discours annonçant le retrait des derniers soldats d’Irak, de même que la sobriété de la cérémonie de repli du drapeau américain à Bagdad. Il eut sans doute fallu rester une peu plus pour achever ce qui avait été entamé, mais la guerre d’Irak était devenue trop impopulaire. Rejetée par plus de 70% du public américain. A moins d’un an des élections présidentielles. Alors même que ce retrait était une promesse électorale du Président Obama. Il me semble même que quelles que puissent être les circonstances en Irak à l’heure actuelle, rien hormis un risque avéré d’invasion par l’Iran, ne pouvait plus expliquer le maintien des troupes américaines sur place.

Il faut tout de même noter que certains objectifs non dits sont quant à eux atteints. Et bien atteints. Les juteux chantiers de la reconstruction de l’Irak, mais aussi et surtout les contrats d’exploitation du brut irakien et d’équipement de la nouvelle armée irakienne en matériel, sont aujourd’hui du seul ressort des Etats-Unis d’Amérique et des pays ayant tenu leur rôle à leurs côtés jusqu’au bout. Qui a dit que le retrait d’Irak s’est opéré sur fond d’échec absolu ?

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