L’évangile du dialogue intergénérationnel

Jean Pliya, 80 ans, face à 1000 jeunes. C’était le pari engagé et gagné par un jeune prêtre béninois, le père Frédéric Kogué. Comme si celui-ci s’offrait le loisir d’inaugurer l’Aumônerie diocésaine de la Jeunesse dont il vient d’hériter la charge. C’était le 3 décembre au Palais des Congrès, dans la Salle rouge des grands jours, une Salle rouge archicomble. L’ouvrage du professeur Jean Pliya sous la forme d’une lettre ouverte adressée aux jeunes et sous le titre de « Jeunesse béninoise, sois fière », a servi de support à cet échange. L’auteur, écrivain, chrétien catholique engagé, professeur d’université… a autant de titres que de lettres pour engager et conduire ce dialogue intergénérationnel.

Mais rien n’était gagné à l’avance. On aurait pu craindre un déphasage de l’octogénaire face à la génération de l’informatique pour qui les gadgets numériques n’ont plus de secret. On aurait pu craindre une divergence de vues entre l’un, en passe de sortir d’un monde qui finit et des jeunes qui explorent les rivages d’un monde nouveau.

En effet, beaucoup de jeunes, dans leurs familles respectives, n’écoutent plus que d’une oreille distraite leurs parents, leurs aînés. Dans ces conditions, qu’ont-ils encore à se dire des représentants de deux générations qui, de moins en moins, regardent dans la même direction, articulent les mêmes visions, communient aux mêmes valeurs ? Que dira Jean Pliya de bien fondamental et de bien intéressant à de jeunes oreilles qui n’écoutent plus que les chants de sirènes des feuilletons venus de loin ? Voilà l’équation du rendez-vous de Jean Pliya avec 1000 de ses jeunes compatriotes.

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C’est dire que ce qui nous intéresse au premier chef, c’est davantage la forme de l’exercice et la pédagogie d’approche qu’il appelait que la substance des échanges entre Jean Plya et les jeunes. Dans le contexte d’une panne générale du dialogue intergénérationnel dans la plupart des familles, parents et enfants vivant comme des étrangers sous le même toit, comment Jean Pliya pouvait-il réussir à reprendre langue avec des jeunes ? Comment pouvait-il partager avec eux des préoccupations qui rencontrent leurs intérêts ?

Et le miracle, pour ainsi dire, se produisit. Jean Pliya a su trouver le bon angle d’attaque pour répondre à l’attente d’une jeunesse que nous croyions à tort irréversiblement frondeuse, rebelle, extravertie. Et des jeunes, tout aussitôt, voulaient en savoir plus, s’empressaient de vider le sac de leurs interrogations inquiètes et angoissées. Ces jeunes vivent un monde et dans un monde qu’ils ne connaissent pas assez. Sans guide attentif pour les aider à en décrypter le sens, à en découvrir les pièges. Les jeunes ont faim et soif d’écoute.

En fait, les jeunes veulent des points d’ancrage sûrs, un peu comme s’ils cherchaient à savoir à quoi ils pourraient s’accrocher ferme, tel le naufragé à sa bouée agrippé. Les jeunes veulent une ligne d’horizon dégagée capable de les attacher à quelques vérités, valeurs et certitudes, dans un monde devenu impitoyable en passe de perdre la suprême boussole qui est Dieu, la crainte de Dieu.

Le dialogue intergénérationnel est possible. Jean Pliya l’aura montré et démontré. En fait, beaucoup de parents ne savent pas comment parler à leurs enfants ou avec leurs enfants. Ils continuent de les voir tels qu’eux-mêmes ont été vus par leurs propres parents. Or, le monde change. Les centres d’intérêts se renouvellent et se diversifient.

Pour parodier un proverbe bambara bien connu, le vieillard Jean Pliya assis a pu voir plus loin et bien au-delà des horizons numériques d’une génération de jeunes debout, rompus aux faits et méfaits de l’informatique. Le temps passe. Le monde change. Les générations se suivent et se renouvellent. Mais il est des principes de vie qui ont toujours la verdeur des lois intangibles de la nature. Il est des valeurs de vie qui ne prennent la moindre ride. Par exemple, voler c’est pactiser avec le mal. Le vol est une contre-valeur. De même, si l’on trouvait de nouvelles manières de la vivre, dans des contextes nouveaux, la fraternité ne resterait pas moins la fraternité. Et elle la demeurera jusqu’à la fin des temps. Pour dire que le dialogue intergénérationnel se nouera prioritairement autour des principes et des valeurs, comme autant de bornes-repères sur le chemin de vie de la jeunesse

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