Pour le Conseil de l’Entente des peuples

Faire renaître le Conseil de l’Entente de ses cendres. C’est ce à quoi se sont attelés, à Cotonou, pas moins de six chefs d’Etat. L’une de nos plus vieilles organisations d’intégration sous-régionale se donne ainsi un destin de Phénix. Il s’agit de cet animal fabuleux, oiseau unique de son espèce qui vivait plusieurs siècles et qui, brûlé, renaissait de ses cendres.

Autour du Béninois Boni Yayi s’étaient donnés la main, pour opérer ce miracle, le Togolais Faure Gnassingbé, l’Ivoirien Alassane Ouattara, le Nigérien Issoufou Mahamadou, le Burkinabé Blaise Compaoré. Deux d’observateurs : le Premier ministre guinéen, Mohamed Saïd Fofana, le ministre malien du Développement social, Harouna Cissé.

Si le Conseil de l’Entente devait renaître ce pourrait être en hommage tardif à celui qui en avait été le fondateur inspiré, Félix Houphouët-Boigny. Si le Conseil de l’Entente devait renaître ce serait par nostalgie pour ce qui fut. Pour dire que ce qui se fait, aujourd’hui, au sein de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), aurait dû nous freiner et nous empêcher d’avoir le Conseil de l’Entente dans notre rétroviseur. C’est une regrettable perte de temps que d’être prisonniers du passé ou de son passé ou d’avoir les yeux rivés sur hier. Nous devons regarder devant. Nous devons nous constituer, en Afrique de l’Ouest, en l’un des cinq piliers régionaux appelés à être l’ossature des Etats-Unis d’Afrique.

Pourquoi s’échiner à donner au Conseil de l’Entente un destin de revenant, c’est -à-dire le destin de l’âme d’un mort que l’on suppose revenir de l’autre monde sous une apparence physique ? Contribuons à ce débat en disant ce que le Conseil de l’Entente peut ou ne peut plus être.

Le Conseil de l’Entente ne peut plus, ne doit plus retourner à sa forme institutionnelle d’une organisation sous-régionale. Il retrouverait tout aussitôt ses pesanteurs d’antan, les forces d’inertie qui le tiraient vers le bas, les fausses querelles qui l’engluaient dans des guerres de tranchées. Ceci aussi bien entre les dirigeants au sommet de l’édifice qu’entre les fonctionnaires dans les diverses structures d’une administration qui ne peut être que bureaucratique, budgétivore et paperassière.

Le Conseil de l’Entente, sous cette forme, renouerait avec la sempiternelle question des cotisations des Etats ; de l’équilibre à observer par pays, en termes de quota, dans le recrutement, la composition et le positionnement du personnel ; des revendications catégorielles autour des salaires, des indemnités, des primes et autres avantages. Pour ceux qui y trouveront une place, il s’agira plus de faire carrière que d’impulser une quelconque dynamique d’intégration sous-régionale.

Par contre, un Conseil de l’Entente des peuples est possible. Disons même qu’il est déjà une réalité quotidienne. Il prend corps et forme, à partir des hommes et des femmes qui vont et qui viennent en se moquant royalement des frontières. Celles-ci ne sont-elles pas d’abord l’affaire des fonctionnaires ? Il se concrétise à partir des biens et services qui s’échangent entre les populations, en suivant et en épousant la pente de leurs besoins.

Pour l’illustrer, replaçons le Bénin au cœur de cette entité que nous cherchons à rebaptiser, à rebours, Conseil de l’Entente. Imagine-t-on le nombre de taxis, de bus de transports qui partent, chaque jour, de Cotonou pour Abidjan, Ouagadougou, Niamey… ? Tant que ce sont les hommes qui vont et qui viennent ainsi, ce sont des idées et des biens qui bougent. Lesquels s’échangent, se télescopent, se fécondent en des projets, se matérialisent en des entreprises, se vivent, à la fin, sous la forme d’une prospérité partagée.

De manière plus précise, le Conseil de l’Entente des peuples, c’est l’attièkê ivoirien en passe de prendre racine dans nos habitudes alimentaires ; c’est l’oignon qui nous vient des contrées sahéliennes du Niger ; ce sont les produits maraichers qui nous arrivent du Togo,le haricot vert du Faso. Pourquoi faire renaître ce que les peuples ont toujours gardé vivant ? Ce que les peuples vivent à leur manière?

Laisser un commentaire