Bien bête qui croyait au changement. Pardon. Joseph Kabila devait être réélu, et il l’a été. Non qu’il l’ait mérité. D’ailleurs, point n’est encore question d’évaluer le bilan de l’un ou le parcours de l’autre candidat à cette présidentielle singulière. La vérité, c’est que le scenario était écrit d’avance. Grossier, répugnant aux yeux de certains. Mais aussi prévisible que clair. Ne sont surpris que ceux qui ne voulaient rien y voir. Le film accomplit le scenario. C’est la triste marche à reculons de l’Afrique sur le chemin de la démocratisation. Joseph Kabila Kabange n’est pas le premier à rempiler dans de telles conditions. Et il ne sera certainement pas le dernier. Le processus électoral proprement calamiteux qui est en train de connaître son épilogue en République démocratique du Congo a-t-il vraiment de quoi surprendre par la tournure qu’il a prise et par le verdict qu’il a donné ? Est-ce possible quand on connait l’histoire du pays et qu’on a vu la marche de l’Afrique à la démocratie de ces derniers mois, de s’étonner des conclusions de la Commission électorale nationale indépendante ? L’opposition congolaise devait-elle se surprendre à avoir vainement rêvé de mettre fin au règne du président sortant Joseph Kabila dans les conditions qui ont été celles du scrutin du 28 novembre 2011 ? Pour ma part, la réponse est non. A chacune des questions posées. Non sans ambiguïté. Non sans équivoque. NON. Et pour cause.
Au plan interne, le Président Joseph Kabila m’a semblé avoir gagné les élections depuis le mois de février où, fort de sa majorité absolue au parlement, il a fait adopter une révision constitutionnelle dont le but était de supprimer le second tour de l’élection présidentielle. Dès lors, le mieux classé des candidats à l’issue du tour unique de scrutin, sans autre forme de procès, devenait président de la République. En dépit de quelques protestations, tout s’est passé à cette époque-là comme si les partis d’opposition, avaient réellement cru en leurs chances au regard de cette règle dont l’instauration a pourtant été rejetée vivement sous d’autres tropiques (suivez mon regard jusqu’au pays de la Terranga). Même avec 10% des voix, on peut aujourd’hui se faire élire président de la RDC, la seule condition admise étant d’arriver en tête des suffrages exprimés par les électeurs congolais. Outre cette règle qui lui balisait le chemin, Joseph Kabila Kabange s’est retrouvé face à une opposition divisé, morcelée, étripée par ses dissensions internes. Ni le leader historique Etienne Tshisekedi, ni le transfuge du parti présidentiel Vital Kamerhe, ni les Mobutistes Kengo Wa Dondo et Nzanga Mobutu, ni le Dr Oscar Kashala, ni même les autres menus fretins qui savaient bien aller à cette élection sans espoir, n’ont pas cru bon devoir se désister en faveur de l’un ou de l’autre des challengers. Comme si réellement chacun d’eux pris isolément avait une quelconque chance de mettre en difficulté le président sortant. C’est en fait feindre d’ignorer une donne essentielle de toute élection présidentielle à laquelle se présente le président en exercice : la prime au sortant. Elle est pour ce dernier un avantage comparatif manifeste, sûr et apodictique. Exagéré et extensif en raison des pratiques malsaines d’usage abusif des moyens de l’Etat pour le compte de la campagne électorale, surtout dans les modèles démocratiques en balbutiement comme souvent en Afrique. Mais qu’ils aient voulu le comprendre ou pas, les opposants congolais avaient une longueur de retard sur Joseph Kabila.
D’autant mieux que les autres pans du processus étaient plus ou moins sous étroit contrôle depuis bien des mois déjà. La composition de la commission électorale nationale indépendante, la maîtrise de l’appareil sécuritaire, la confection de la liste électorale, etc. Quand on y ajoute, l’immensité du territoire congolais et la vastitude de la tâche à accomplir face aux moyens mis à la disposition de cette commission, il y a de quoi nourrir des doutes sur les chances et les certitudes proclamées par Etienne Tshisekedi et ses compagnons d’infortune.
Au surplus, au plan international, il est fort peu probable que les grandes puissances restées ostensiblement ou dans l’ombre au chevet du Congo ces dernières années, souhaitent l’avènement du changement radical que prônait une bonne partie de l’opposition. Etats-Unis, France, Belgique, Grande Bretagne, sans le dire préfèrent sans doute la stabilité incarnée par Joseph Kabila Kabange au désordre politico-institutionnel que pourrait entraîner une alternance dans ce pays qui est loin, on l’a vu, d’être sorti des crises de ces dernières décennies. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, certaines puissances étrangères préfèrent les présidents mal élus. Ces derniers restent ainsi redevables de la reconnaissance internationale qu’on leur octroie en échange d’un accès plus élargi aux ressources et matières premières de leurs pays. Joseph Kabila n’a pas toujours été très coopératif en la matière et c’est sans doute ce qui lui vaut la flopée de critiques internationales par ailleurs totalement justifiée.
En tout état de cause, aucun observateur étranger ou non ne peut dire à l’heure actuelle si la réélection de Joseph Kabila est frauduleuse ou non. Mais tous peuvent s’accorder sur le fait que les conditions affligeantes d’organisation du scrutin, de compilation et de proclamation des résultats jettent un doute sur la sincérité du verdict et rouvrent la boite de Pandore des incertitudes sur l’avenir de la République démocratique du Congo. Mais je continue de penser que ce scénario-là était écrit bien à l’avance.
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