Bûcher de corans en Afghanistan : le last de la provocation ou de la stupidité ?

Ils sont fous, ces yankees ! Sont-ils vraiment aussi bêtes ou l’ont-ils fait exprès ? Comment ont-ils vraiment pu en arriver là ? Comment pouvaient-ils ne pas prévoir la réaction des Afghans après l’acte profanatoire qu’ils avaient décidé de commettre ? Comment ne pas avoir vu venir la violence du rejet dont ils risquaient de faire l’objet en se permettant de bafouer la culture et les croyances  du peuple dont ils ont déjà le tort d’occuper le territoire sous le prétexte de le libérer ? Brûler des corans, c’est brûler le peu de confiance et de respect mutuel qui pouvait encore lier les Afghans à leurs « libérateurs »… Et ceux-ci ne vont pas tarder à s’en rendre à l’évidence. Si ce n’est déjà en train d’être fait.

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Le monde arabe est en émoi. L’Afghanistan et le Pakistan sont en ébullition. C’est le « choc des civilisations ». En ordonnant à ses hommes de faire incinérer plusieurs exemplaires du coran dont des détenus se servaient selon lui pour communiquer entre eux, le responsable américain du camp de Bagram ne croyait sans doute pas remettre autant au cœur du débat la théorie de Samuel Huntington. Mais il y a au moins une chose qu’il aurait dû savoir : un acte de ce genre-là ne peut rester sans retentissement et sans suite. L’acte en lui-même marque, pour commencer une profonde mésestime envers les détenus. Sinon, a-t-on besoin de détruire de façon aussi cavalière les astuces que les prisonniers ont trouvées pour se passer des mots ? En plus, il me semble bien que ces messages échangés entre détenus n’étaient ni suspects ni dangereux pour la sécurité de la base. Autrement, ils auraient été conservés, voire utilisés comme pièces à conviction dans le cadre d’éventuelles procédures pénales. On eut dit qu’en choisissant de faire un bûcher des corans saisis aux détenus, les soldats américains ont tout simplement voulu faire une démonstration de supériorité et de mépris, comme quand on arrache à un petit enfant un objet qu’il a tant convoité et qu’on le détruit sous ses yeux meurtris. L’objectif allait donc bien au-delà de celui de priver les prisonniers de moyens de communiquer.

Mais en choisissant ces méthodes pour le moins expéditives, les soldats américains de la force de l’OTAN en Afghanistan (l’ISAF) ont négligé de mesurer l’ampleur des risques que comporte l’acte de l’incinération du livre saint dans un Etat dont on occupe le territoire. Et quel livre saint ! Le Coran. Erreur, faute, crime grave. Atteinte fondamentale à la culture, à la religion, à la civilisation même de ce peuple. Au regard des nombreux précédents, les Américains ne pouvaient pourtant pas ignorer les risques encourus.

Depuis plus de dix ans que les forces américaines et leurs alliés ont envahi l’Afghanistan à la recherche d’Ousama Ben Laden, responsable désigné alors des attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center, elles n’ont cessé d’accumuler les erreurs. Des bavures meurtrières aux exactions les plus sordides, d’armée de libération, l’ISAF s’est rapidement muée en force d’occupation. D’autant plus que le sentiment nationaliste afghan ne fait que renforcer le rejet de ces GI’s et de leurs méthodes abruptes. Du massacre de Kandahar en mai 2006 à celui de Kathaba en 2010 (qui ne sont même pas les plus emblématiques), des mauvais traitements infligés aux prisonniers d’Abou Grahib aux tortures dont ont été victimes ceux de la base de Guantanamo, les motifs sont innombrables pour que l’armée américaine tente de conquérir enfin le cœur des Afghans ou à tout le moins, obtenir leur tolérance quant à une occupation qui n’en finit plus. Au surplus, en ayant en souvenir les émeutes qui ont fait suite à la publication en Europe des caricatures du Prophète Mahomet en septembre 2005 de même qu’à la profanation de corans brûlés par le Pasteur américain Terry Jones en mars 2011, il fallait s’attendre au pire.

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Désormais, et plus violemment que jamais, les Américains sont exécrés. Et avec eux, tous les Occidentaux vivant en Afghanistan et dans l’ensemble du monde arabe. La mission de formation de l’armée et de la police afghanes dans la perspective du retrait des troupes étrangères en 2014 est plus que compromise. Ce sont désormais les « élèves » qui abattent leurs instructeurs. Pour venger l’affront. La restructuration de l’administration publique est tout autant remise en question, pour les mêmes raisons. Les jours passent, les excuses publiques du Commandant en Chef de l’ISAF, celles encore plus solennelles du Président américain Barack Hussein Obama et encore moins les appels au calme du Président Hamid Karzai ne suffisent à ramener le calme. La spirale de la violence ne fait au contraire que s’accentuer, obligeant déjà certains contingents de la force de l’OTAN à céder plus tôt que prévu le commandement des régions sous leur contrôle à l’armée afghane. Une situation qui risque à terme de faire de cette guerre un bourbier inextricable dont ne saurait s’extirper l’armée américaine sans laisser le sentiment d’un cuisant échec.

De là à penser que le bûcher aux corans a été sciemment allumé pour consumer une partie des chances de Barack Obama de se faire réélire à la Maison Blanche, il y a un pas… que je ne franchirai pas.

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