De Wade à Mugabe : Octogénaires déclinants, et la soif du pouvoir intacte

Boulimiques du pouvoir ! S’il n’était qu’un point commun à détecter entre le président sénégalais Abdoulaye Wade et son homologue zimbabwéen Robert Mugabe, ce serait celui-là. La boulimie du pouvoir. C’est à ce genre de comparaisons avilissantes que Me Wade a obligé désormais l’opinion publique internationale à se livrer sur sa personne et sur celle de son pays, naguère encore modèle démocratique et de bonne gouvernance sur le continent, au contraire du Zimbabwe classé depuis longtemps déjà dans la catégorie des dictatures sordides et sclérosées. La preuve, s’il le fallait encore que la sagesse ne vient pas avec les cheveux blancs, à moins que tout ne s’explique par le fait que Papy Wade n’a quant à lui pas un brin de cheveu.

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Il est vrai que les points communs entre le « pape du sopi », surnom donné au Président sénégalais et le « Old man » Bob Mugabe, ne sont pas légion. Tandis que le premier roulait sa bosse entre les universités à la quête de diplômes toujours plus grands les uns que les autres le second, après ses études universitaires est rapidement rentré dans son pays pour y participer à la lutte en faveur de la décolonisation. Ce combat pour l’indépendance, les deux vont le mener de différentes manières. L’un avec la plume, sans trop de difficultés pour lui, puisque la France va accorder l’indépendance au Sénégal dès 1960 au contraire du Zimbabwe qui, sous son nom de Rhodésie devra batailler encore plus de 20 ans contre le régime raciste de Ian Smith. Si donc Robert Mugabe est un authentique héros de la libération nationale au Zimbabwe, Abdoulaye Wade a par contre, le mérite d’avoir mené courageusement le combat pour les libertés publiques au Sénégal. D’ailleurs les deux hommes ont payé leur engagement politique de plusieurs années de prison dans leurs pays respectifs. Est-ce pour autant qu’ils doivent se croire autorisés à toutes les maneouvres et à tous les excès qu’ils s’offrent par ces temps derniers ? La question se pose. Avec des réponses qui divergent encore selon que l’on évoque l’un ou l’autre des deux chefs d’Etat.

Robert Mugabe au Zimbabwe, c’est aujourd’hui encore l’incarnation du père de l’indépendance. Tout le monde lui reconnait ce rôle éminent qu’il a joué dans l’histoire du pays. Le président zimbabwéen ne se prive d’ailleurs pas de rappeler aux leaders de son opposition politique qu’ils n’étaient encore que de simples étudiants, d’ordinaires gamins au moment où lui, luttait pour faire partir le colon raciste. Morgan Tswangirai et les siens n’ont que trop souvent entendu cette tirade. Me Wade par contre ne se voit pas obligé de rappeler les acquis de sa lutte pour les libertés publiques et les droits de l’homme. Comment le pourrait-il d’ailleurs puisque sous son règne, la plupart de ces droits et de ces libertés ont été de nouveau mis sous le boisseau ? Il a plus beau jeu de brandir une partie de son bilan économique et infrastructurel, qui date en fait de l’époque de son premier mandat et des débuts du second, au moment où ses rêves d’éternité n’avaient pas encore complétement été mis en évidence. Aujourd’hui en tout cas, ni Abdoulaye Wade ni son homologue zimbabwéen ne peuvent exciper un bilan socioéconomique florissant pouvant justifier leur maintien éventuel par un peuple conquis par des résultats faramineux.

Ce qui rapproche finalement le mieux Robert Gabriel Mugabe de Me Abdoulaye Wade, c’est cette hargne dans leur volonté de conserver le pouvoir. Depuis 1980, le leader de la Zanu-Pf ne s’en satisfait pas. Trente deux ans de pouvoir, 88 ans de vie, et il met déjà en garde quiconque chez lui oserait rêver de lui arracher les privilèges qu’il considère être siens ad vitam aeternam. Et tout le monde sait déjà que les élections présidentielles prévues pour cette année risquent de le voir reconduit à la tête de l’Etat. Comme cette assurance dont se fend Papy Wade lors des meetings électoraux qui le conduisent depuis quelques jours à travers son pays. Sauf qu’Abdoulaye Wade se bat plus assurément pour son rêve dynastique : voir son fils lui succéder lui importe sans doute autant qu’il plait à Robert Mugabe de rester président de la république jusqu’à la fin de ses jours. A croire que le plus intelligent des deux, fort de cette intelligence lugubre qui prive leurs peuples et leurs jeunesses de rêves et d’avenir, c’est le premier.

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