Nicolas Sarkozy et ses «savants»

Il est sans conteste le Président de la 5éme République le plus déconcertant. Voyons donc ! Il est totalement éloigné de cet archétype monarchique qui demeure l’habit taillé sur mesure pour tous les chefs d’Etat de ce système politique français ; à part bien sûr Valery Giscard d’Estaing. Avec cet avocat remuant et envahissant, plus de hauteur gaullienne avec « l’intendance ». On ne parle que de crise, de déficit, de  chômage, du triple A ; rien pour les humanités et la culture ! Rien pour les réflexions philosophiques dont sont si friands nos cousins d’Outre-mer. La chair vous dis-je. 

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Or, ce pays ardemment catholique malgré les apparences, garde toujours dans son subconscient le mépris de cette part corruptible et faible de la personne humaine que comme d’autres nations catholiques il sublime à souhait avec l’Esprit. Ouais ! Nos cousins gaulois ont toujours voué aux gémonies les surintendants, pendant qu’ils magnifiaient «Sa majesté le roi ». Las ! Le nouveau Président de la République est le moins « gaullien » de tous les présidents de la 5ème République. Mais là où le bât blesse, c’est l’ignorance délibérée de cet avertissement de Boileau dans sa Poétique : « Soyez maçon si tel est votre talent, qu’écrivain du commun et poète vulgaire ». Dans cet Hexagone qui abhorre les parvenus et les autodidactes, l’entourage présidentiel se mêle trop imprudemment de sciences humaines. Aussi s’embourbe-t-on immanquablement dans des sujets les plus controversés de l’Histoire et de l’anthropologie. Aucun africaniste ne s’aventurerait à aborder avec cette légèreté touchante de Monsieur Henri GUAINO le thème du prétendu retard historique des peuples noirs en général, et de l’Afrique en particulier. Sujet trop sensible qui charrie trop de préjugés douloureux sur les « nègres » attardés et incapables, contrairement aux peuples héritiers des Gréco-romains, d’« entrer en histoire » ! Parce que les malentendus à ce niveau sont omniprésents et la susceptibilité de rigueur lorsqu’il s’agit de gens – Blancs, bien sûr – qu’on a toujours suspectés d’arrière-pensées crypto-racistes. C’est un truisme : contrairement à ce que pense HEGEL, aucune société humaine ne reste en marge de l’Histoire, pour sa gloire ou son malheur. L’Afrique dans cette historicité a eu son lot de grandeurs (l’Egypte ancienne, empires précoloniaux) et de servitudes (le processus de l’islamisation arabe, la traite atlantique et l’impérialisme). C’était une bourde, mieux une ineptie que les Africains ont encore du mal à oublier. A peine les plaies en train de se cicatriser, un autre coryphée imprudent s’enfonce avec une délectation toute masochiste sur un autre terrain glissant : le classement des civilisations. Je vous étonnerai peut-être en affirmant que des gens comme Claude GUEANT sont ceux que nous adorons en Afrique francophone. Chiche ! Ils « déconnent »  si totalement qu’ils nous guérissent in petto de notre atavique complexe d’infériorité. Comment ? Un ministre de la République française sortir une telle ineptie ? Donc, il n’y a pas que les « Nègres » à avoir le monopole de la bêtise ! Comprenons-nous bien. On parle ici de civilisations, inférieures ou supérieures, et non des tentatives de classement connues des sociétés humaines, qu’elles soient d’Auguste Comte, de Max WEBER ou de Karl MARX. Il s’agit là d’infrastructures, de développement technologique et toutes les élites du Tiers-mondes savent bien que leurs pays sont sous-développés ; mais grands dieux ! Ne parlez pas de civilisations inférieures lors donc que ces peuples sont pauvres assurément, mais se croient civilisés jusqu’aux os ! Ce sont les postulats actuels des sciences socio-anthropologiques, jamais encore remis en question. Sinon, vous régressez, vous vous engoncez dans les vieux clichés de l’anthropologie classique, victorienne et impérialiste. La civilisation, c’est au niveau de l’esprit des peuples, de leur « weltanschauung », de leur superstructure idéologique pour parler comme Karl MARX, ou de leur univers culturel, immatériel par essence, et donc difficilement classable. Comment comparer deux chefs d'œuvre littéraires, l’un écrit en français et l’autre en arabe ? A quelle aune pondérer la saturation en humanisme de l’un ou de l’autre, sans parti-pris idéologiques ou ouvertement racistes ? Mais ceci dit, ce débat ne nous concerne pas, nous personnes de descendance africaine. On sait à qui Monsieur Claude GUEANT s’adresse : le monde arabo-musulman, turco-mongol ou asiatique, les menaces actuelles à la suprématie occidentale. Quelle mouche a donc piqué le député de la Martinique ? Mais mon frère, il ne s’agit pas de Noirs, africains ou de la diaspora ! On n’est une menace pour personne, pas vrai ? Nous sommes encore la misère du monde, nous avons coutume d’aller tendre la sébile ou fermer cyniquement les yeux pendant que nos enfants se font humilier par les mêmes personnes du genre Claude GUEANT. Mais là, il n’y a pas de quoi pavoiser ; foutons  simplement la paix au Français !

Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC

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