La conspiration du silence

Des sources avaient indiqué que Boni Yayi, le chef de l’État du Bénin, est préoccupé et embarrassé, depuis la mi-décembre 2011 où, un rapport lui a été transmis, au nom de son pays, par l’ambassadeur américain à Cotonou. Quatre semaines après, l’opinion la plus large aura eu la puce à l’oreille grâce à «La Nouvelle Tribune».

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 Le rapport en question donne des détails sur la dénonciation du financement, ne serait-ce que pour partie, à partir du sol béninois, des activités criminelles du Herzbollah libanais démantelées au pays des Yankees. En interpellant les autorités béninoises, les Américains espéraient avoir leur oreille, comme celle d’autres pouvoirs publics, à travers le monde, afin qu’elles aident au démantèlement du réseau dit mafieux. 

Et on aura finalement su que par le commerce-écran des voitures d’occasion interposé, «Ellissa Group» et Ali Mohamed Kharroubi, son propriétaire, s’adonnaient, entre le Liban et les États-Unis via le Bénin, aux trafics de drogue dont l’argent blanchi parvenait ensuite aux activistes du Herzbollah.

Des complicités au sein même de l’appareil politico-gouvernemental ainsi que dans la haute administration béninoise sont établies et consignées dans le document. Des noms de personnalités proches du premier magistrat sont cités, dont son cousin ainsi qu’un ancien ministre des travaux publics et des transports. Ils auront eu, à un moment ou à un autre, donné un coup de pouce ou couvert les indélicatesses du criminel Libanais, devenu Béninois, par suite de la délivrance à lui accordée, courant 2010, par les services compétents, d’un passeport que Boni Yayi se serait empressé de faire retirer dès la révélation de l’affaire.
Et alors que la remise du rapport produit par la Drug Enforcement Agency (DEA) américaine sur Ellissa Group aux Béninois a valeur d’injonction, les supputations sont allées et vont toujours bon train.

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D’abord, à propos de l’acte d’expulsion réclamé par les Américains. Des indiscrétions font état de ce que les services de sécurité et de surveillance du territoire ont trainé les pas pour s’exécuter, sans grandes frayeurs pour le «Wanted». Entre le moment où l’information des activités délictueuses du groupe est parvenue aux autorités et la prise de l’acte d’interdiction de séjour puis de son exécution par le gouvernement, il se serait écoulé pas mal de temps pour que le pouvoir ne soit pas soupçonné de complaisance à l’égard des mis en cause et, vu comme facilitateur de leurs faits, gestes et mouvements sur le territoire du Bénin. Des témoins racontent que Ali Mohamed Kharroubi est reparti de l’aéroport international Cardinal Gantin de Cotonou, en jet privé. Venu pour la cause!
Ensuite, à propos des actes de liquidation de la part visible du patrimoine de l’entreprise. Une fois de retour au Liban, Kharroubi aurait dépêché à Cotonou le comptable du groupe, lui-même sur la liste rouge de la DEA. Manzour Joumaa, y serait donc venu «à l’insu» de tous. Y compris sans se faire signaler des agents des renseignements généraux ou «agents secrets».

Sur place, l’homme a pu accomplir sa mission: céder certains biens, dont l’imposant immeuble de Guinkomey, à un opérateur de téléphonie mobile, via des banques de la place. Les comptes de la société seraient toujours ouverts à Cotonou dans les livres d’une certaine banque dont les initiales sont DB. Manzour Joumaa aura, en outre, apaisé des partenaires inquiets, les rassurant que le groupe ne sera nullement démantelé, prétendant par ailleurs que les opérations de cession dûment engagées n’étaient qu’en trompe-l’œil.

Chacun des acteurs de l’ombre comprend qu’il faut, pour la poursuite de ses actions, qu’Ellisa Group opère par prête-noms interposés.
Sauf que les faits et gestes de tous ceux soupçonnés de terrorisme et qui vivent sur le territoire national, tous les Béninois y compris, à commencer par leurs officiels, lesquels vont et viennent, sont désormais dans le viseur de l’Administration américaine.
Quand on sait que pour cette dernière, aucun moyen n’est de trop, lorsqu’il s’agit de mettre des gens étiquetés de dangereux à l’œil, les Béninois devraient immédiatement avoir droit aux détails du cas de l’espèce, désormais en possession de leur chef de l’Etat. Son silence assourdissant, depuis l’éclatement de l’affaire, ne devrait pas risquer d’être interprété comme un aveu de compromission. C’est à lui de voir.

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