Un an après Moubarak, révolution inachevée pour l’Egypte

La révolution du Tahrir a échoué. Pour le moment. La corruption, les violences policières, la faim, tous ces fléaux qui ont jeté les Egyptiens dans la rue à la suite des Tunisiens et avant d’autres peuples du monde arabe sont toujours présents et bien présents. La chute du raïs, réduit aujourd’hui à subir son procès sur une civière et dans une cage, n’a rien apporté de nouveau ni de bon. Sauf à constater peut-être que le monde arabe est loin d’être aussi prêt pour la démocratie que voulaient le croire les manifestants et les martyrs qui, depuis un an, se sacrifient pour une révolution décidément inaccessible.

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Lorsque le 11 février 2011, le président Hosni Moubarak finissait par capituler à la suite de trois semaines ou presque de manifestations sans précédent, nombreux étaient ceux qui avaient laissé éclore l’espoir que la révolution qui venait de s’accomplir en Tunisie allait positivement embraser le monde arabe et achever de mettre fin à des régimes despotiques vieux pour certains de plus de quarante années. Ce fut le cas. Mais positivement, c’est sans doute trop optimiste de le dire. La Libye n’a dû le salut de son soulèvement qu’à la mise en application de la « responsabilité de protéger » en droit international, excipé par les Nations Unies pour chasser le Guide Mouammar Kadhafi du pourvoir. Cela aura coûté six à dix mille morts. Le Yémen doit le retour à un semblant de stabilité à la démission tardive de son président entretemps blessé au combat et privé de bien de ses capacités de gestion des affaires de l’Etat. Là encore, des centaines, voire des milliers de Yéménites y ont laissé leur peau. La Syrie quant à elle compte toujours ses morts. Par dizaines, chaque jour. L’Algérie et Bahreïn ont fait le dos rond. Parfois avec le soutien de puissances étrangères. Et le Maroc a esquivé habilement l’estocade.

L’Egypte est et peut être considéré comme le prototype de l’échec partiel ou même total, l’avenir nous le dira, des révolutions dans le monde arabe. Depuis la chute du Raïs, la place Tahrir n’a jamais vraiment désempli. Pour des raisons et d’autres, certaines aussi légitimes que d’autres sont douteuses, une partie des manifestants égyptiens y retourne régulièrement pour crier son amertume et sa déception face à la situation dans le pays. Et il y a de quoi. Depuis février 2011, et pour dire vrai, depuis 1952, le pouvoir reste aux mains des militaires égyptiens. Hosni Moubarak en était. Le conseil militaire chargé de la gestion de la transition après sa chute également. Et pas grand-chose ne donne la certitude aux émeutiers que le pouvoir sera bientôt rendu au peuple, à un pouvoir civil dans de totales conditions d’équité et d’indépendance. Les violences que cette même armée a refusé d’exercer contre les manifestants désarmés en furie contre le régime Moubarak, elle en fait usage sans ciller désormais. Ou laisse faire la violence gratuite de la rue quand elle sait que sa responsabilité ne peut facilement être établie. De quoi maintenir un climat de terreur et continuer de gérer les affaires de l’Etat. Par ailleurs, il va sans dire, les conditions de vie des populations se sont dégradées. Pire encore que ce qu’elles étaient du temps du régime défunt. De nombreux citoyens qui ont perdu leur emploi au cours des événements de la révolution peinent à se faire réembaucher. Pour d’autres, c’est simplement la perte de tous les repères sociaux, culturels, administratifs. Les conflits religieux entre minorités chrétiennes (coptes notamment) et musulmans se multiplient et font de plus en plus de victimes. La pauvreté, la misère, la faim sont loin d’avoir reculé. L’Egypte post-révolution est plus invivable que l’Egypte pré-révolution.

Les perspectives politiques du pays des pharaons ne laissent pas non plus beaucoup d’espoir. A l’issue de scrutins aussi compliqués que controversés, tenus dans les conditions que tout le monde a vu, il s’établit désormais que les forces politiques majoritaires du pays ne sont autres que les Frères musulmans, suivis de groupes salafistes (radicaux) loin devant les laïcs et les modérés. Allez demander son avis à Claude Guéant, il vous dira que la civilisation qui s’annonce pour diriger l’Egypte de demain ne vaut pas celle de la France d’aujourd’hui.

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Une chose est certaine, dans les circonstances actuelles, les Egyptiens ont bien de choses encore à réaliser pour accomplir leur révolution. Mais rien de bon ne se fera dans la chienlit qui règne. Rien.

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