Du Sénégal au Mali : l’Afrique face au défi de la démocratie

L’actualité politique africaine donne très souvent une forte impression de chaos permanent et sans fin, qui finit par banaliser ses conséquences dramatiques aux niveaux politique, social, économique et environnemental. Depuis les indépendances des États africains, ce continent a toujours été le théâtre de violents bouleversements politiques et sociaux pour l’accession et la conservation du pouvoir. 

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Pendant cinquante ans d’apprentissage difficile de la démocratie, le nom l’Afrique a souvent rimé avec coups d’État, dictature, assassinat politique, massacre, génocide, guerre civile, enfants-soldats etc. ces images de désolation et de violence qui caractérisent si bien notre continent permettent par exemple aux occidentaux, de mesurer tout le bonheur qu’ils ont aujourd’hui à ne plus connaître ces horreurs, qui restent néanmoins gravées dans la mémoire collective occidentale.

 Nous continuons encore à vivre des moments d’autodestruction, donnant ainsi l’image de peuples toujours à la recherche de repères dans le temps et dans l’espace ainsi que d’une identité collective. De la Tunisie à la Libye, de l’Afrique du Sud à la Sierra-léone, du Liberia au Congo, de l’Angola au Soudan, de la Somalie à la Côte d’ivoire, du Sénégal au Mali, l’observateur international garde en mémoire, des scènes de barbaries qui ont également jadis fait l’actualité politique et sociale de la plupart des États dits de «Démocratie confirmée». Nous vivons donc une étape quasi obligatoire pour la construction d’un modèle démocratique africain. Après une période préélectorale mouvementée au Sénégal, qui a fait près d’une dizaine de morts, le peuple sénégalais a su préserver ses acquis démocratiques qui font la fierté de toute l’Afrique. Avec une faible mobilisation de l’électorat sénégalais au premier tour de cette élection présidentielle, (51,58%) on s’attendait à un second tour encore plus décevant en dépit des enjeux de celle-ci. bien au contraire, les Sénégalais se sont mobilisés davantage avec un taux de participation de 55% pour faire partir le président Wade, qui s’accrochait encore à son fauteuil, afin de préparer son fils à sa succession. Partout dans le monde, le taux de participation au second tour de l’élection présidentielle est traditionnellement plus faible qu’au premier. la raison est toute simple. Le premier tour enregistre un taux de participation toujours supérieur au second, parce qu’il y a plusieurs candidats de sensibilités différentes. De fait, les électeurs qui boudent les candidats traditionnels des grands partis, peuvent exprimer leur droit de vote pour le candidat qui répond le mieux à leurs attentes. Mécaniquement, l’élimination au premier tour d’une très grande partie des candidats fait chuter le taux de participation en dépit des consignes de vote que peuvent donner les candidats malheureux.

Dans le cas de l’élection présidentielle sénégalaise, les électeurs qui craignaient un scénario à l’ivoirienne, ont pu être rassurés par l’attitude du président Wade qui est revenu à la réalité après le choc des résultats du premier tour. Son excès d’ambition, couplée par ce désir presque mystique de positionner son fils pour le succéder, restera dans l’histoire, comme une tâche noire dans l’exemplaire parcours politique de Wade. Il sort néanmoins la tête haute en reconnaissant sa défaite face au peuple sénégalais qui ne voulait plus de lui. Comme pour mieux signifier toute la complexité et le paradoxe des réalités politiques africaines, le Mali qui était considéré après le Sénégal comme un autre «modèle» de démocratie en Afrique noire, vient à son tour de replonger dans les abysses du chaos, dans une confusion totale, entre coup d’État et rébellion islamiste. Après les militaires putschistes dans le Sud, c’est maintenant au tour des intégristes musulmans de s’emparer du Nord du pays avec des armes lourdes héritées de la guerre libyenne, suite aux révolutions des populations des pays arabes. Chaque groupe va donc tenter de défendre son action, asseoir sa légitimité et négocier une part du pouvoir malien, anéantissant ainsi toutes ces années d’avancées démocratiques acquises dans la douleur et le sang.

Décidemment, depuis l’élection du premier président noir à la tête de l’état le plus puissant du monde, la lente construction de la démocratie en Afrique s’accélère et s’édifie péniblement, mettant de fait, tous les acteurs de cette construction à rudes épreuves et face à leurs responsabilités dans l’histoire, pour le meilleur et pour le pire.

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