La Constitution sous la loi des trois «C»

La  revoici la bataille autour de la Constitution. Le dernier quinquennat de Mathieu Kérékou a eu la sienne. Elle n’était pas alors peu animée. Elle était surtout ponctuée de ces affiches mémorables qui ont fleuri, un matin, dans toutes nos grandes villes : « Touche pas à ma Constitution ». Des affiches auxquelles Reckya Madougou, alors membre en vue de la Société civile, aujourd’hui ministre de la République, a définitivement attaché son nom.

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Le dernier quinquennat de Boni Yayi commence à en dérouler la sienne. Tout aussi animée, dans le brouhaha des voix discordantes. Ponctuée, elle aussi, du même slogan : « Touche pas à ma Constitution ». L’association « Sursaut patriotique » en réclame la paternité.
De Mathieu Kérékou à Boni Yayi, on est tenté de conclure que la bataille autour de la Constitution est un phénomène  qui ne survient qu’au cours du dernier quinquennat du régime en place. Les esprits soupçonneux ont tôt fait d’y voir un jeu de pouvoir, un complot rampant. Celui qui doit partir, disent-ils, au vu des dispositions de la Constitution, cherche à se servir de « sa » Constitution pour s’accrocher, pour rester.

Sommairement, c’est en ces termes que s’énonce le débat sur la Constitution. Un débat qui est loin d’être franc. Nombreux sont les non-dits et les sous-entendus. Un débat qui prend l’allure d’un cache-cache, ce jeu de notre enfance où l’un des joueurs doit découvrir les autres qui sont cachés.    Chacun s’emploie à cacher ses vraies intentions. Chacun s’ingénie à maquiller ses intérêts. Personne, finalement, ne veut abattre ses cartes.

En fait et à la vérité, le débat autour de la Constitution, plus précisément le débat sur une éventuelle révision de celle-ci, échappe désormais aux normes d’un débat véritablement démocratique. Tout se passe comme si l’on se refusait à  susciter un courant d’opinion citoyenne informée autour des graves questions de l’heure. Tout se passe comme si l’on récusait la participation responsable de chacun à  ce qui le touche et qui détermine son présent comme son avenir.
S’il en est ainsi, c’est parce que le débat sur la Constitution de notre pays, tel qu’il se mène actuellement, reste encore largement confiné, pour ne par dire confisqué, dans l’espace de ce que nous rassemblons sous l’appellation  des trois « c ». Il s’agit de l’infernale trinité  couvent, club et cabaret. Si le débat n’était pas délogé de ces trois espaces, nous disserterions longtemps, mais sans résultat.

Le couvent, c’est le bois sacré des initiés du droit. Ils pensent, pour la plupart, que le débat actuel est leur affaire exclusive. Arrière, tous les ignares et ignorants qui  se mêlent de ce qui ne les concerne pas. Dehors, tous les intrus qui ont fait   irruption dans une fête où ils ne sont pas attendus, où ils n’ont pas leur place. Le débat sur la Constitution tourne alors en une séance d’exorcisme, ponctuée d’incantations connues des seuls prêtres du droit.
Le club, c’est le salon familier des amis. Ils ont des raisons communes pour se reconnaître des affinités. Ils ont des intérêts convergents pour se reconnaître des complicités. Une vraie solidarité de larrons en foire. Ici, on ne s’affronte pas pour savoir s’il faut réviser ou non la Constitution. Mais on s’accorde sur l’un des termes de l’alternative selon ses intérêts, selon la météo du ciel politique.

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Le cabaret enfin, ou si l’on veut, la buvette. C’est l’espace ouvert, populaire où les citoyens recréent leur parlement. Ils disent ce qu’ils pensent de la politique et des hommes politiques. Ils croient lire l’avenir dans les replis agités du présent. Or, il se trouve que le carburant généreusement distillé en ce lieu, du fait de sa forte teneur en plomb, encrasse vite les esprits.

Comme on le voit, l’échec des trois « C » à conduire un débat digne de ce nom  sur notre constitution  a quelque chose de rassurant. En ce que le vrai débat est  à venir. En ce que les animateurs attitrés de ce débat ne sont et ne seront pas qui l’on croit.

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