Elle est désormais derrière nous l’élection présidentielle au Sénégal. Mais l’événement, par le résultat qui l’a sanctionné, nous porte à regarder devant. Le Sénégal a le privilège d’ouvrir à l’Afrique entière une page nouvelle et de porter la prophétie des temps nouveaux. L’Afrique de papa se meurt. Vive la nouvelle Afrique.
Abdoulaye Wade a été battu à la loyale par un challenger, Macky Sall, nettement plus jeune que lui. Le premier aurait pu être le papa du second. Les sénégalais n’ont pas eu à faire un choix idéologique. Macky Sall est du sérail libéral. C’est sa famille politique. Il a changé de camp, contraint et forcé. Mais il n’aurait pas pu, aussi vite, changer d’idée, réviser ses convictions politiques. Un peu comme quelqu’un qui, au pied levé, enlèverait une chemise pour en enfiler une autre.
Avec l’ancien président qui s’en va et le nouveau président élu, les Sénégalais ont eu à faire un choix générationnel. Abdoulaye Wade a égrené ses grandes réalisations. Il a venté sa grande expérience des choses de l’Etat. Mais les Sénégalais n’ont entendu que le discours lointain d’un patriarche en déconnexion avec la réalité démographique et la vérité sociologique du pays.
Macky Sall n’avait pas un bilan à défendre. Il lui a suffi de se présenter à ses compatriotes comme un miroir. Une majorité s’y était aussitôt reconnu. Par affinité, par complicité générationnelle. Ceux à qui la vie a appris la même langue, trouvent les mêmes mots pour dire leurs aspirations. Ils peuvent lire l’avenir sur l’écran commun d’une même conscience inquiète.
Affirmons-le comme l’une des grandes vérités du scrutin présidentiel du 25 mars au Sénégal : ce sont d’abord les jeunes qui se sont fait entendre, qui ont donné à cette élection sa tonalité particulière. Ce sont encore les jeunes qui ont animé la campagne électorale de bout en bout. Ce sont enfin les jeunes qui, organisés en réseaux serrés, aidés de leur téléphone portable, ont relayé les résultats d’un bureau de vote à l’autre, sur toute l’étendue du territoire national. Ce rouleau compresseur de la jeunesse, au cœur du scrutin, a ainsi brisé toutes tentatives de fraude massive, toutes velléités de contrôle indu de la direction des opérations électorales. On peut le dire, la jeunesse sénégalaise s’est faite le bras armé pacifique et vigilant de la démocratie.
Et c’est parce qu’il en a été ainsi que le nouveau Président sénégalais gagnera ou perdra son pari de faire oublier à ses compatriotes les années Abdoulaye Wade essentiellement sur le dossier de la jeunesse. Un dossier à inscrire au rang de ses urgences et de ses priorités. Pourquoi donc la jeunesse est-elle ainsi un enjeu capital pour le présent et pour le futur du Sénégal ?
D’abord un chiffre : les moins de 15 ans forment plus de 60% de la population totale du pays. La jeunesse sénégalaise, massive et présente, est tenaillée par un désir brûlant d’être, d’exister, de se réaliser. Et la survie a souvent emprunté, pour cette jeunesse, les chemins problématiques de l’exode ou de l’exil, au prix de mille et une aventures sanctionnées par de grands drames
La jeunesse sénégalaise développe désormais la conscience d’avoir été confirmée dans son rôle de « faiseur de roi ». Elle sait que son poids compte et que tout pouvoir devra compter avec elle. Avec un tel état d’esprit, l’état de grâce du nouveau Président risque d’être de courte durée.
La jeunesse sénégalaise ne se contentera plus de discours et de promesses. Elle veut fonder ses certitudes sur des faits vus, vérifiables et vérifiés. Si les Sénégalais n’étaient pas, en majorité, musulmans, les jeunes s’appelleraient tous Thomas.
La jeunesse sénégalaise, ainsi positionnée à ce carrefour stratégique, pourrait être pour le pays un atout formidable, le levier puissant de son décollage. Mais elle pourrait être tout aussi une poudrière au cœur de la cité, une bombe prête à exploser à tout moment. Avec toutes les conséquences que l’on pourrait imaginer. Vous voilà prévenu, Monsieur le Président. Vous prenez, ce jour même, les rênes du pouvoir suprême. Que vous accompagnent tous nos vœux de succès à la tête du pays de la « téranga ».
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