Bénin – Arrêt sur image : chaleureuse poignée de main entre Boni Yayi, le Chef de l’Etat et Adrien Hougbédji, Président du Parti du Renouveau démocratique (PRD) qui se réclame désormais de l’opposition. C’était le mardi 15 mai au sortir d’une rencontre entre les deux leaders. Ceux qui ont une vision radicalement tranchée des choses voient cette rencontre en noir et blanc, sans aucune nuance possible.
Un opposant qui fait ami-ami avec le pouvoir, argumentent-ils, a ravalé, depuis longtemps, son opposition. Au motif qu’on ne peut avoir un pied dedans et un pied dehors. La politique étant la grande mangeoire nationale, qui met un pied dedans, n’est plus loin d’en mettre les deux.
On ne saurait suivre un tel point de vue. Il est faux. Il est trop simple. Le champ politique n’est pas un champ de bataille. Les différents acteurs qui s’y illustrent, malgré ce qui les oppose, ne sont pas, pour autant, des ennemis irréductibles. Quoi de plus normal qu’en démocratie, ces acteurs se rencontrent, se parlent. Sans se renier. Sans abandonner leurs positions politiques. On attend d’eux, dans certaines circonstances, qu’ils transcendent leurs intérêts particuliers et partisans et fassent prévaloir l’intérêt national.
Voilà pour le principe. Mais qu’en est-il dans les faits sous nos latitudes sous-développées ? Ici, la politique tarde à évoluer selon les standards et les normes en vigueur dans des grandes démocraties. Les plus démocrates, une fois au pouvoir, oublient leur traité de démocratie. Se déclarer opposant est un crime de lèse-majesté. C’est aussi un suicide. Dans tous les sens du mot. Le dialogue politique, dans ces conditions, reste suspendu à la branche majeure de l’arbitraire et de l’autocratie. On multiplie les astuces pour se maintenir au pouvoir hors de toutes limites légales ou raisonnables. Et le pouvoir se gère comme le patrimoine d’une famille ou d’un clan. A l’abri de tous regards. Hors de tout contrôle.
Dieu merci, le Bénin ne s’identifie point à un tel schéma de gouvernance. Qui dira, cependant, que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Une chose est sûre, le Bénin n’est ni le « Goulag » ni « l’Univers concentrationnaire » dont parle Rousset. La rencontre Boni Yayi-Adrien Houngbédji en est la meilleure preuve. Mais attention : une hirondelle ne fait pas le printemps. Il va falloir aller bien au-delà d’une rencontre, avec un seul leader, pour impulser la dynamique d’un dialogue impliquant toute la classe politique.
S’il faut aller au Palais de la Marina juste pour se voir à la télévision serrant les mains du Président ou pour afficher un sourire de star à la « Une » des journaux du lendemain, cela n’aura que peu d’effet sur le cours des choses. Le dialogue, oui ! Mais un dialogue ouvert et inclusif : ne privilégier personne plus que de raison, n’exclure personne sans raison. A l’ordre du jour, trois préoccupations majeures : la direction générale d’un pays qui n’en finit pas de se chercher ; la gouvernance d’un pays en perte rapide de ressources ; la démocratie d’un pays qui gaspille certains de ses acquis.
D’abord, la direction générale du pays, en termes d’organisation et de méthode. De l’affaire Censad à ICC Service, du PVI- NG à l’affaire des intrants pour la culture du coton, on n’a jamais su conduire les choses méthodiquement, déterminer les responsabilités clairement. Trop de flou. Trop d’opacité. Qui donc doit répondre de quoi ? Selon quelle démarche préétablie ? Quelle est la valeur d’engagement d’une signature ?
Ensuite, la gouvernance. Un mal pernicieux ronge notre pays. Un mal qui fait tenir au Bénin la place du dernier de classe au sein de l’Uemoa, avec une croissance qui va tourner autour de 3,15% en 2012. Nous sommes distancés par nos voisins : Ghana (14,4%), Togo (4,5%), Niger (8,5%).
Enfin, la démocratie. Elle est bancale au niveau de l’organisation des élections, avec une Lépi restée bâclée. Elle est estropiée au niveau de la justice, avec nombre de difficultés à vaincre pour en affirmer la pleine indépendance. Elle est anémiée sur le plan du respect des droits de la personne, par déficit de protection du citoyen.
Voilà nos grands chantiers. Par leur ampleur, ils dépassent les capacités d’action d’un gouvernement. Il s’agit de chantiers nationaux. Ils doivent impliquer tous ceux qui se préoccupent du devenir heureux de notre pays. Qu’ils soient de la mouvance ou de l’opposition. A l’entrée, la carte d’un quelconque parti n’est exigée. Partout où le Bénin est prioritaire, le mot d’ordre doit être le même : restons et travaillons ensemble. Et nous serons plus forts.
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