L’urgence de neutraliser le putschiste Sanogo

Les nouvelles qui nous arrivent du Mali, pays de grande tradition multiséculaire, ne sont pas bonnes. Dioncounda Traoré, le président intérimaire laborieusement installé par la Cedeao pour conduire une période de transition de douze mois, a été littéralement passé à tabac par des manifestants se réclamant de Sanogo.

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Du nom de ce capitaine d’opérette, encore simple professeur d’anglais dans une école militaire jusqu’au 22 mars dernier, jour où avec un quarteron de soudards désoeuvrés, il a ramassé le pouvoir déliquescent de Amani Toumani Touré (ATT).

Les images diffusées, par toutes les télévisions du monde entier, ont montré une horde de badauds en furie prendre littéralement d’assaut le palais de la présidence jusqu’au toit, sans qu’aucun garde du corps ne s’interpose pour protéger ce président de circonstance qui peine à prendre ses marques. Du coup, les observateurs de la vie politique de ce pays se demandent jusqu’à quand va durer cette partie de poker entre le chef de la junte et les missi dominici de la Cedeao qui s’échinent, depuis deux mois, à trouver une solution durable à la crise dans un Mali jusque-là considéré comme un modèle de démocratie en Afrique. Le capitaine putschiste avait justifié son coup de force par l’incompétence du pouvoir ATT à gérer le pays et surtout l’insuffisance des moyens alloués à l’armée pour venir à bout de la rébellion. Or, c’est après le coup de force du 22 mars que les rebelles touareg ont fait la plus grande percée réussissant à occuper tout le nord du pays comprenant Gao et Tombouctou, villes millénaires célébrées dans tous les dépliants touristiques et les livres d’histoire.

Pourtant, le chef de la junte a tout obtenu des négociateurs de la Cedeao: amnistie de tous les auteurs du coup d’Etat, statut d’ancien président, avec les privilèges et avantages y afférents, nomination des proches du putschiste dans le gouvernement de transition de l’astro- physicien Cheick Modibo Diarra bombardé premier ministre. Ainsi, à 39 ans, ce capitaine d’opérette avec son seul passé de baroudeur intrépide s’est fait octroyer des avantages salariaux (4 millions de francs CFA, par mois), un véritable pactole qui dépasse de plusieurs milliers de fois son salaire de soldat. Comment les négociateurs de la Cedeao peuvent-ils penser un seul instant que cet arriviste qui venait de gagner le jackpot, pourrait s’arrêter en si bon chemin ? Les manifestations des partisans déclarés de la junte militaire -qui ont conduit au passage à tabac du président intérimaire Dioncounda Traoré- se sont déroulées au lendemain de loctroi d’une loid’amnistie. Bien qu’il ait condamné du bout des lèvres l’acte inqualifiable des manifestants, il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’il y a une sorte de connivence entre la junte et les manifestants et leurs commanditaires de la classe politique. Parce que la junte n’est pas aussi isolée que ça dans la société malienne. Une partie de la classe politique (les déçus du pouvoir laxiste ATT, notamment) sentant son heure venue, lui a apporté son soutien dès le départ. Ainsi en est–il de l’ancien leader étudiant Oumar Mariko devenu chef d’un petit parti qui s’était proposé pour être son premier ministre. Les putschistes maliens surfent cyniquement sur cette division de la classe politique pour continuer leur partie de politique. Qu’importe pour eux que le nord du pays soit dans les mains des chefs irrédentistes Touareg et leurs alliés pro Al Qaida du Magreb islamique(aqmi)!

A cela s’ajoutent les errements des dirigeants de la Cedeao qui donnent la fâcheuse impression de céder devant le chantage des putschistes maliens. Au lieu de s’en tenir à la position de principe de la tolérance zéro des coups d’état, comme mode d’accession au pouvoir, et de l’isolement des régimes issus des coups d’état, les négociateurs de la Cedeao sont entrés dans le jeu de la soldatesque de Sanogo, faisant concession sur concession. On a ainsi vu Sanogo et ses pairs accepter de remettre le pouvoir au successeur constitutionnel Dioncounda Traoré, avant de se rétracter pour exiger le respect strict de 40 jours d’intérim. Les négociateurs ont alors cédé d’abord en faisant voter une loi d’amnistie en faveur des putschistes. Puis, devant la détermination de ces derniers à continuer de jouer les premiers rôles, les émissaires de la Cedeao ont fait les concessions que l’on sait. La Cedeao est ainsi victime de ses errements et de sa politique de deux poids deux mesures. Sanogo qui est loin d’être un imbécile sait que la Cedeao a tout concédé aux militaires Bissau guinéens: le renvoi en exil à Abidjan du premier ministre Gomez et le choix contesté par le club des pays lusophones, l’Onu et le Paigc du président intérimaire. Ainsi, tant que la Cedeao ne tapera pas du poing sur la table pour chercher les moyens appropriés de le mettre définitivement hors d’état de nuire, Sanogo ira de surenchère en surenchère et finira par légitimer son coup de force. Avec une classe politique malienne totalement discréditée par la connivence avec l’administration précédente et une Cedeao traversée par des courants de pensée divers (le négociateur principal est un ancien putschiste repenti (!?). Il n’est pas certain que le capitaine putschiste auréolé d’une réputation de baroudeur ne finisse pas par devenir incontournable.

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