En conseil des ministres extraordinaire, ce mercredi 02 mai 2011, le gouvernement a décidé de suspendre provisoirement le contrat qui lie l’Etat à la société Bénin Control, dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme du Pvi-ng. Une analyse de l′histoire récente de la réforme, le contrat en question, le décret présidentiel qui l’accompagne et les raisons évoquées par le gouvernement, permet de déduire que Boni Yayi et les siens se jouent du peuple.
La nouvelle est tombée dans la nuit de ce mercredi pour certains et dans la matinée d’hier pour d’autres. Le gouvernement a décidé de «suspendre provisoirement le contrat de travail» qui lie l’Etat à la société Bénin Control dans le cadre de la mise en œuvre du programme de vérification des importations de nouvelle génération (Pvi-ng). C’est, en effet, réuni en Conseil extraordinaire ce mercredi 02 mai 2012, que les membres de l’Exécutif ont pris cette décision. Une décision qui vient donner une autre tournure à l’affaire gouvernement-Bénin Control qui mousse les débats dans l’opinion, depuis plusieurs mois.
En effet, le Programme de vérification des importations de nouvelle génération (Pvi-ng) est une importante réforme introduite dans les activités portuaires et douanières par le régime Yayi. Elle se résume en trois volets essentiels que sont la vérification avant embarquement des marchandises, le suivi électronique (tracking) et le control par scanner (scanning). Le Pvi-ng est censé améliorer la compétitivité du port de Cotonou et favoriser l’accroissement des recettes douanières. Après un appel d’offre international, Bénin Control Sa de l’homme d’affaire béninois, Patrice Talon, a été sélectionnée par le gouvernement pour sa mise en pratique. Mais depuis quelques mois, le contrat du marché n°20/MEF/MPDEPP-CAG/MDCEMTMIP/DNCMP du 9 février 2011 est à l’origine d’une brouille entre l’homme d’affaire et le gouvernement. Et la décision de suspendre provisoirement le contrat n’est que la suite logique des différentes mesures prises par l’Exécutif jusque-là.
Le peuple floué
«Le marché vous a été attribué à cause des références techniques de SGS qui dispose d’une bonne expérience dans la mise en place du PVI pour le compte des gouvernements. Mieux, la notification d’attribution définitive du marché a été faite au groupement SGS-Bénin Control; malheureusement SGS a disparu et les documents que vous produisez ne comportent que Bénin Control qui est sans expérience en matière de PVI. C’est ainsi que nous notons que le contrat a été signé par vous-même au nom de Bénin Control SA et non au nom du Groupement SGS-Bénin Control SA». C’est là l’une des raisons fondamentales évoquées par le gouvernement pour expliquer la suspension du contrat. Pourquoi le gouvernement a signé le contrat, s’il s’est rendu compte que SGS-Bénin Control, qui a gagné le marché est devenu du coup Bénin Control. C’est sous le même régime et avec les mêmes acteurs que tout s’est passé. Ce qui est davantage curieux, c’est plus d’un an après la signature du contrat et environ un an après le début de la mise en ouvre de la réforme que cet argument est brandi. Le gouvernement ne savait-il pas cela, lorsqu’il menait sa vaste campagne de communication sur la réforme? Une campagne au cours de laquelle, les membres de l’Exécutif ont affirmé à plusieurs reprises que Bénin control est le bras exécutif du gouvernement.
Le gouvernement ne cesse d’évoquer la question de l’intérêt du peuple pour expliquer les différentes actions menées, ces derniers mois, aussi bien dans le coton qu’au niveau du Pvi. Curieuse coïncidence, ce sont les intérêts du même individu qui sont en jeu sur ces deux fronts. Cette sorte d’«acharnement» et l’histoire de la relation idyllique qu’entretenaient Yayi et Talon entachent la sincérité des actions du régime de la refondation. Un régime qui doit, à la lumière de tout ce qui précède, des explications au peuple. En attente de réponses à ses nombreuses interrogations.
La réaction de Talon attendue
Le gouvernement a annoncé dans le communiqué du Conseil des ministres du mercredi 02 mai dernier la suspension provisoire du contrat qui lie l’Etat à la société Bénin control dans le cadre de la mise en œuvre du Programme de vérification des importations de nouvelle génération. Eu égard à l’actualité sur le dossier, l’opinion n’est en réalité pas surprise par la nouvelle. Ce qui intéresse par contre, c’est la réaction de Patrice Talon, le promoteur de Bénin Control. Un homme d’affaire béninois qui, hier, jugé de très proche du chef de l’Etat semble aujourd’hui en disgrâce.
La durée du contrat, aujourd’hui suspendu, avait surpris plus d’un. Et pour toute explication, il avait été avancé l’importance de l’investissement dû à la cherté des scanners et des autres matériels. On imagine donc qu’un homme d’affaire qui a investit de grosses sommes d’argent dans la mise en place d’une entreprise avec l’achat de matériels qualifiés de très coûteux ne restera pas sans réplique juridique à la suspension d’un contrat pour lequel il a consenti tout son investissement. Et ce, surtout au vu des conditions des nouvelles conditions qui lui sont posées. Il s’agit notamment de la question du transfert de la technologie de Bénin Control à la douane pour la gestion des opérations d’escorte des véhicules d’occasion. A cet effet, il est mentionné dans le relevé du conseil des ministres: «Par ailleurs, il convient de noter que prenant en compte l’évaluation faite des opérations de tracking des véhicules d’occasion et de l’évolution des recettes publiques, le gouvernement a déjà décidé du retour de l’escorte à l’administration douanière (confère lettre N°0047 du 05 mars 2012 à vous adressée par le ministre chargé de l’Economie maritime sur décision du président de la République) puisque ce type de tracking sur les véhicules d’occasion n’a pas été explicité dans le contrat. Au cas où l’évaluation de la technologie utilisée par Bénin Control SA pourrait servir efficacement l’Administration douanière, des négociations sur les conditions de transfert des équipements de travail de Bénin Control à l’Administration de la Douane pourraient être engagées, si vous en convenez». On se rappelle qu’en mars dernier, par le biais de la Lettre N°0057 C/MDCEMTMIP-PR/DC/SGM/SP-C du 13 mars 2012, le gouvernement avait demandé aux responsables de Bénin Control des informations sur les équipements utilisés par la société. Lesquelles informations sont l’origine, la qualité, le prix. D’autres décisions ont été prises dans la même période remettant en cause le fonctionnement même de Bénin Control. Vu la tournure qu’ont prises les choses, les investissements de Talon sont en danger. Et sa réplique pour les préserver est attendue. Le tout pourrait donner lieu à un procès. Si l’Etat le perd, c’est l’argent du contribuable qui sera investit pour dédommager Patrice Talon. Tous les regards sont donc tournés vers lui. Encore que depuis le début de cette affaire, il n’a eu aucune réaction officielle.
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