Une forte menace pèse sur la mise en œuvre du 9è round consolidé du Fonds Mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme. Mais il s’agit plus particulièrement du volet Vih/Sida.
Ceci, pour un certain nombre de défaillances relevées dans le système de gestion du fonds lors de la dernière inspection du Fonds Mondial au Bénin.
Le Bénin risque de recevoir un coup dur dans le financement de la lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme recensés comme les trois pandémies les plus meurtrières du Bénin. Selon des sources concordantes, il risque de perdre les allocations du Fonds Mondial notamment dans la cadre du 9è round. Apprendre incessamment que le Bénin ne fait plus partie des pays bénéficiaires des subventions du Fonds mondial dans son volet «Lutte contre le Vih/Sida, la tuberculose et le paludisme», plus particulièrement dans sa composante Vih, ne devrait pas être chose surprenante.
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Pas de fumée sans feu, dit-on. Il y a peu, des rumeurs ont fait cas de ce qu’il y a des dysfonctionnements de gestion avec comme corollaire, la suspension du soutien financier qu’apporte le Fonds Mondiale au Bénin dans la lutte contre le Vih/Sida. Mais au fil des jours, ces rumeurs se confirment. A preuve ! Selon la lettre N°18/RR/PNUD/2012 (voir ci-dessus) envoyée le 15 Mai dernier par Madame Nardos Békélé Thomas la Représentante-résidente du Pnud près le Bénin au ministre de la santé Dorothée Akoko Kindé Gazard, la dernière mission de revue financière renforcée de l’inspection générale du Fonds mondial au Bénin, a relevé les mêmes dysfonctionnements. Elle en a fait cas dans son rapport. Il s’agit, nous apprennent ces mêmes sources, «de la faible capacité des bénéficiaires principaux, notamment du Pnls; la faible performance dans la mise en œuvre de la subvention, notamment la composante Vih; les mauvaises pratiques de gestion financière; les ruptures récurrentes d’Arv sur les sites de prise en charge; le mauvais entreposage des médicaments; une allocation des ressources qui ne tient pas toujours compte des moteurs de l’épidémie; des pratiques de passation de marchés peu transparentes, etc.».
Voilà des observations qui suffissent largement pour que le Bénin perde ladite subvention. Si cette sentence de suspension qui plane aujourd’hui sur le Bénin est mise en application, ce serait pénible pour la santé de la population béninoise. Elle ne passera pas sans d’énormes conséquences sur la santé dans un pays comme le Bénin où l’Etat n’arrive pas à assumer ses responsabilités financières dans ce domaine de lutte contre le Vih/Sida, qui est plus concerné ici ; dans un pays où le peu de ressource disponible est mal géré.
Il y a quelques semaines, il nous a été confirmé au niveau du Programme national de lutte contre le Sida (Pnls) que le peu de crédit que met l’Etat béninois dans cette lutte est donné avec retard. Il est témoigné au Pnls que l’Etat ne donne que 140 millions sur près de 1,5 milliard de F Cfa de dépense en matière d’Arv, parce qu’il estimerait que le Pnls a plusieurs partenaires et n’a donc pas besoin d’aide de l’Etat.
La principale source de financement
La principale source de financement de la lutte contre le sida au Bénin demeure donc les partenaires extérieurs.
Perdre la subvention d’un partenaire de taille comme le Fonds mondial, serait la catastrophe au niveau national, pour ne pas dire une cessation de prise en charge des personnes vivant avec le Vih/Sida (Pvvih) au Bénin.
Rappelons qu’il y a quelques mois, le Fonds mondial a déjà demandé au Bénin de commencer à prendre en charge les 60% des premières lignes qui ne concernent que les molécules de première ligne (les premiers traitements en Arv que reçoivent les malades du sida). Et déjà, il ne lui sera pas aisé, pour ne pas dire qu’il lui sera impossible de couvrir cette partie. Car, en 2011, les dépenses pour cette première ligne ont été évaluées à 1.470.994 € (964.908.811 francs Cfa) contre 2.261.607 € (1.483.516.943 francs Cfa) en 2012. 60% des dépenses prévisionnelles pour l’année 2012 font déjà plus de 800.000.000 de francs Cfa. Alors, même l’entièreté de la subvention actuelle de l’Etat est largement en dessous du besoin financier pour ces 60%.
Plus loin, si déjà, il y a une incapacité à faire face à ces 60% d’Arv, qu’en sera-t-il lorsqu’on arrivera à une suspension où il va valoir prendre en charge la totalité des dépenses. Bonjour la mort des sidéens au Bénin.
Blaise Ahouansè
On sentait venir le drame, sans savoir d’où
Alors que les esprits avertis retenaient déjà leur souffle en se croisant les doigts pour ne jamais voir le Fonds mondial -aujourd’hui à bout de souffle- se retirer de notre système sanitaire, les cadres de ce secteur en charge de la gestion du sida offrent des arguments en or qu’on ne puisse jamais imaginer.
Les institutions internationales de lutte contre le Sida se désengagent progressivement pendant qu’il faudra au Bénin trouver le milliard et demi de F Cfa nécessaire à l’achat des ARV distribués aux 21 mille personnes vivant avec le virus, en attendant que soient pris en charge les 2/3 restant. Or, dès ce mois de juin, la phase 2 du Programme multisectoriel de lutte contre le Sida (PMLS II) financée par la Banque mondiale arrive à son terme. Le Fonds mondial de lutte contre le Sida, quant à lui est de moins en moins en mesure de tenir son pari. Ses responsables avaient déjà adressé une correspondance aux autorités sanitaires, annonçant qu’il est tant que le Bénin prenne à son compte d’assurer à hauteur de 95% le financement de la 1ère ligne des dépenses que le Fonds entend leur céder. La Fondation Clinton pour les ARV, partenaire incontestable n’est pas en meilleure posture. C’est que l’argent nécessaire à la réalisation des objectifs reste une question essentielle, mais les sources possibles se raréfient et les pays donateurs sont en crise, le niveau presque zéro de leur croissance économique ayant du mal à continuer de soutenir un tel effort. Quelque 10 milliards de dollars, soit 4500 milliards de F Cfa, sont en effet dépensés chaque année. Selon l’Onusida, il faudrait 6 milliards de dollars supplémentaires. Le Bénin, lui, devra mobiliser 80% du montant des dépenses initialement consenties par les partenaires financiers à qui ne reviendraient plus que le reste estimé à 20%.
Malheureusement, la mauvaise gestion ne milite pas en faveur de l’atteinte de l’objectif vital. Ainsi, l’exécution du round 9 semble être frappée du sceau de la confidentialité. Et des tentatives pour en avoir un point sont demeurées vaines. «Pas question de vous livrer des informations sans l’autorisation de la hiérarchie et vous devez introduire une demande à cet effet», conseille la secrétaire de l’une des structures en charge de la lutte au Bénin. De nos investigations, il ressort que les subventions accordées et effectivement décaissées, en 2011 par le Fonds Mondial, se chiffrent à près de 65 milliards de F CFA. Le Coordonnateur résident du Système des Nations Unies a donc raison de se fendre de cette lettre peu diplomatique qui traduit le désarroi de la communauté des bailleurs de fonds.
Le pire, c’est «depuis 6 ans en sa qualité de président du Comité national de lutte, le chef de l’État n’a pas un seul instant montré son intérêt en faveur de la lutte contre le Sida», s’indigne un des acteurs clé de la lutte contre la pandémie. Boni Yayi n’aurait jusque-là présidé aucune réunion de la structure faitière du combat contre le virus dans son pays. Pendant ce temps, le mal progresse.
Incidence et impact stables mais alarmants
Le nombre de personnes vivant avec le VIH au Bénin a atteint 62.000, avec 3.300 nouvelles infections et presque 2.000 décès dus au Sida en un an. Ainsi, presque 10% des personnes vivant avec le VIH sont âgées de moins de 15 ans, mais cette proportion diminuera au cours des prochaines années tandis que 0,1% de taux d’incidence annuel du VIH chez la population adulte béninoise est enregistré.
Les estimations sur l’impact du VIH/Sida révèlent, entre autres, que la pandémie a un impact sensible sur le nombre d’orphelins. En 2011, il y a 46.228 orphelins du Sida, soit plus de 16% du nombre total d’orphelins.
Les Travailleuses du Sexe (TS), leurs clients et partenaires continuent d’être au centre de l’épidémie. Selon des études menées en 2009, 32% des nouveaux cas du VIH surviendraient dans cette catégorie. La prévalence du VIH chez les TS au niveau national était estimée à 26,5%.
Prises en charge tardives de personnes vivant avec le VIH
La moitié des patients adultes (45,8%) est admise au stade III de l’OMS avec comme principaux signes: l’anémie, la diarrhée et les pneumopathies sévères. Le nombre cumulé de personnes vivant avec le VIH prises en charge par les ARV est passé de 9 765 en 2007 à 15 401 en 2009. En dépit des efforts dans la prise en charge, la proportion des personnes vivant avec le VIH et bénéficiant du traitement ARV, bien qu’en progression reste insuffisante au regard des ambitions de l’accès universel d’ici 2015. Ainsi, malgré l’appui des Partenaires Techniques et Financiers au Développement, les personnes vivant avec le VIH/SIDA et les Orphelins et Enfants Vulnérables (OEV) sont encore victimes de stigmatisation et de discrimination entrainant leur accès très limité aux services sociaux de base.
Emmanuel S.Tachin
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