Dorothée Gazard est l’une de nos fiertés féminines nationales. Professeur agrégée de médecine, elle connaît le chemin qui conduit des amphithéâtres de l’Université aux salles de soins du Centre national hospitalier et universitaire de Cotonou.
Mais elle connaît aussi les arcanes de la politique. Elle les laboure et les explore depuis quelques années. C’est, du reste, comme ministre de la Santé qu’elle se prépare à lancer une opération de solidarité nationale et internationale : « 120 jours pour équiper les hôpitaux et les centres de santé du Bénin ».
Cette opération démarre le 20 juillet prochain. Elle est commandée par un triste constat : le sous-équipement des établissements sanitaires du Bénin. C’est une menace pour notre santé. C’est une menace pour la vie de chacun de nous. L’opération projetée vise à améliorer la santé de nos populations. Elle ambitionne de réunir, sous 120 jours, la bagatelle de 10 milliards de francs CFA.
Pour quoi faire ? Nos centres de santé sont dans un état de précarité avancé. Il y a lieu de parer au plus pressé. Les 10 milliards, une fois collectés, serviront à l’achat des équipements déjà identifiés. Les hôpitaux et les centres de santé de notre pays en ont besoin. Un équipement hospitalier adéquat ne peut qu’améliorer notre système sanitaire. Nous réduirons les évacuations sanitaires à l’extérieur. Elles coûtent cher et pèsent sur nos ressources nationales.
Nous soutenons une telle initiative. Mais non sans assortir notre soutien de quelques conditions. Nous devons les rappeler chaque fois que nous sortons de nos périmètres nationaux ; chaque fois que nous amenons les autres à s’occuper, peu ou prou, de nos oignons ; chaque fois que nous avons affaire à l’argent des autres. Plus qu’une simple question de gouvernance, de bonne gestion administrative et financière, c’est avant tout une question de morale et d’éthique. Quelles sont donc ces conditions ?
Premièrement. Les 10 milliards à collecter pour équiper les hôpitaux et les centres de santé de notre pays ont valeur d’une contribution volontaire et spéciale. Y souscriront des individus, des personnes morales, des institutions, des organismes…Les uns et les autres sont ainsi appelés à intervenir dans un champ d’action public, qui relève de l’autorité et de la responsabilité de l’Etat béninois.
On ne peut exclure que des bonnes volontés entendent un appel, en apprécient la justesse, en discernent la pertinence. Pour leur générosité, avec nos remerciements anticipés, chapeau bas ! Mais l’Etat béninois ne peut pas se comporter, dans cette affaire, comme un simple tiroir-caisse, qui ne sait et qui ne fait qu’encaisser. Sa participation effective et responsable à l’opération est exigée. C’est l’indispensable contrepartie qui crédibilise celle-ci. Une participation à hauteur d’un pourcentage sur les 10 milliards estimés.
Deuxièmement. Si c’est l’argent des autres qui est sollicité en priorité comment exclure les généreux donateurs du contrôle du fruit de cette opération ? Qui contrôle quoi ? Qui garantit la transparence des opérations au cours des 120 jours que durera l’initiative de Mme la ministre ? Quel type de mécanisme mettre en place pour les appels d‘offres ? Devons-nous nous en tenir à la procédure ordinaire de la Direction nationale des marchés publics ? Faut-il, le cas échéant, inventer un mécanisme qui prenne en compte le caractère particulier et spécial de l’opération ? Comment apprécier les diverses soumissions ? Comment procéder à l’attribution des marchés ? Comment éliminer les interférences parasitaires qui faussent la concurrence et la compétitivité, entretient des nids de corruption, détournent l’argent des objectifs affichés ?
Troisièmement. Quand nous aurions disposé des 10 milliards de francs CFA, que nous aurions équipé, comme souhaité, tous nos hôpitaux, tous nos centres de santé, améliorant sensiblement notre système sanitaire, restera tout le reste. Il tient à ces quelques questions. En quelles mains laissons-nous ces équipements ? Qui en est responsable et qui doit en répondre ? Quel plan et quel programme d’entretien et de maintenance avons-nous déjà élaboré pour souligner notre détermination à prendre le plus grand soin de cet équipement ? Si toutes ces conditions étaient remplies, nul doute que la générosité des hommes et des femmes de bonne volonté, d’ici et d’ailleurs, sera au rendez-vous. Vous pouvez alors nous compter, Madame la ministre, parmi vos plus sûrs soutiens. Prêts que nous serons à défendre et à illustrer votre belle initiative.