En assemblée générale extraordinaire ce vendredi 06 juillet, l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab) a adopté une motion qui laisse entrevoir une grogne contre leur ministre de tutelle et le gouvernement.
Qu’est-ce qui fâche les magistrats? Selon la motion de protestation de l’assemblée générale extraordinaire de ce 06 juillet, plusieurs raisons sont à la base de la grogne des magistrats. Primo, la question du décret n°2005-535 du 25 août 2005 portant réglementation des frais de justice criminelle, correctionnelle et de police. Pour les magistrats, ce décret leur confère des avantages qu’ils considèrent comme des «droits acquis». Mais, il a été supprimé par un autre texte, à savoir le décret n°2012-143 du 07 juin 2012 portant réglementation des frais de justice criminelle, correctionnelle et de police en ces articles «48 et suivants.» Pourtant, ces frais sont importants dans la conduite, l’instruction et le jugement des affaires pénales. De plus, les difficultés liées à la non application du décret n°2005-535 du 25 août 2005 « sont à la base de la suspension des sessions de Cours d’assises et de l’engorgement des prisons». Secundo, les magistrats sont fâchés parce que le décret n°2004-176 du 06 avril 2004 portant modalités de fixation des ristournes et les conditions d’attribution de la prime d’incitation et de rendement allouée aux magistrats n’a jamais connu un début d’application. De plus, le projet de décret fixant des avantages alloués aux Conseillers et substituts généraux des Cours d’appel n’a pas été adopté depuis bientôt quatre ans. Tertio, l’Unamab fustige ce qu’elle appelle «immixtions graves et répétées sur fond de conflit d’intérêts » de la Garde des sceaux, Me Marie Elise Gbèdo « dans les procédures judicaires notamment pénales.» Dans ce même registre, le Secrétaire administratif du Bureau exécutif national(Ben) du syndicat, Convers Paul Jijoho Fagnidé qui a lu la motion, et ses collègues constatent qu’en dépit des engagements pris par le chef de l’Etat pour corriger les affectations de magistrats intervenues sur fond de règlement de compte, « rien à ce jour n’a été fait ». Pis, une vague de consultations pour affectations, toujours sur fond de règlement de compte et en violation des textes régissant la corporation, est en cours.
Que revendiquent les magistrats? Les revendications sont multiples. L’Unamab proteste contre le décret n°2012-143 du 07 juin 2012 portant réglementation des frais de justice criminelle, correctionnelle et de police, exige son retrait avant ce 20 juillet et décide de la suspension des sessions de Cours d’assises et des sessions du Tribunal pour enfant statuant en matière criminelle sur toute l’étendue du territoire national jusqu’à nouvel ordre. Elle exige le paiement des indemnités de la session de la Cour d’assises du ressort de la Cour d’appel de Parakou conformément au décret n°2005-535 du 25 août 2005 portant réglementation des frais de justice criminelle, correctionnelle et de police l’application immédiate du décret n°2004-176 du 06 avril 2004 portant modalités de fixation des ristournes et les conditions d’attribution de la prime d’incitation et de rendement allouée aux magistrats, l’adoption urgente du projet de décret allouant des avantages aux Conseillers et Substituts généraux des Cours d’appel, la correction des affectations intervenues sur fond de règlement de compte et l’arrêt sans délai de la procédure d’affectation «arbitraire» en cours. Le syndicat des magistrats met le Garde des Sceaux en demeure de cesser toute «persécution» et tout «acharnement» contre les magistrats, lui «enjoint d’avoir à respecter l’indépendance de la justice.» L’Unamab dit se réserver le droit d’user d’actions légales plus énergiques pour contraindre le gouvernement et le ministre de la justice à restaurer les droits des magistrats et le respect dû à leur rang.
Cette fronde en gestation rappelle le bras de fer entre l’Unamab et la ministre de la Justice, Marie Elise Gbèdo. La ministre avait déclaré lors de la célébration de la journée nationale de lutte contre la corruption le 08 décembre 2011 que « les magistrats sont corrompus». Cette déclaration n’était pas du goût des magistrats. Ils avaient fait une série de grèves pour demander la démission de la ministre exigeant qu’elle «ravale ses vomissures». Ce qu’elle avait fini par faire. Et le chef de l’Etat avait décidé de s’impliquer dans le règlement de la question des affectations de magistrats qualifiées d’arbitraires par l’Unamab.
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