Les approches du professeur Moïse Lalèyè pour une Lépi fiable

Moïse Lalèyè, professeur de Droit public et sciences politiques à l’Université d’Abomey Calavi revient sur la question de la prise en compte ou non de la liste électorale permanente informatisée (Lépi) pour les prochaines échéances électorales. Dans la présente communication, il examine dans tous ses aspects les insuffisances de cet instrument qui fait couler beaucoup d’encre et de salive.

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Communication : La LEPI en question ? Pourquoi doit-on éviter l’impasse chaotique ?

Introduction

Au Bénin, si avant-hier affirmer l’inexistence de la LEPI au regard non seulement de la loi, mais encore de la rationalité des faits, relevait d’un combat d’arrière garde d’adeptes invétérés  de tripatouillages électoraux ou de l’activisme de mauvais perdants acculés par l’instauration de la norme fondatrice de consultations transparentes, régulières, libres, fiables et crédibles dans notre démocratie revitalisée.

A tout le moins, une telle déclaration tenait pour les champions du K.O d’une digression de citoyens artistes de fictions de mauvais aloi. Seulement, depuis hier, et davantage aujourd’hui, il se confirme pour tous l’inexistence légale, matérielle, et technique de la liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI), tant au sens de la loi qu’à l’aune du dispositif technique, contrairement à ce qui est soutenu depuis 2011.

Dans tous les cas, le caractère inachevé ou imparfait de cet instrument opérationnel garant, de la régularité, de la transparence et du crédit des consultations nationales et locales en République du Bénin fait désormais l’unanimité au sein de l’opinion nationale et internationale.

Du reste, sous l’emprise d’une dure réalité, les chantres de l’existence ou de la bonne qualité de la LEPI réalisée en 2011 dans notre pays sont contraints d’admettre désormais la vacuité et la facticité de leur thèse. Pour autant, refusant l’implacabilité de la vérité, les thuriféraires d’une LEPI incontestablement dévoyée entreprennent actuellement non sans grossièreté un repêchage voué évidemment à l’échec.

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A l’œuvre d’une telle expédition, en avant-garde, le bureau de l’Assemblée Nationale a nommé une commission chargée de suggérer in fine des corrections et d’autres mesures de sauvetage en vue de faire revivre une liste électorale, dont l’illégitimité ressortit au règne de la vulgarité quotidienne pour tout citoyen ordinaire de notre pays.

 Aussi est – il proposé au peuple béninois, depuis quelques semaines une opération de confiscation par le bureau du parlement d’une hypothétique correction de la LEPI 2011. Dans un tel contexte, quel crédit peut-on accorder à une telle initiative exclusive d’un bureau monocolore et dont l’aplatissement au pouvoir en place est du domaine de la banalité ?

Mais, en réalité quelle correction prévoit-on lorsqu’on ne peut contester l’inexistence de cette LEPI ? Au demeurant, l’intangibilité matérielle de la LEPI visiblement inachevée autorise-t-elle une quelconque correction ? Que veut-on actualiser ?

Notre présente communication apportera des réponses idoines à ces différentes et très préoccupantes interrogations. Aussi s’articulera-t-elle autour des deux points ci-après à savoir ; (I) l’inexistence avérée de la LEPI  et (II) ses conséquences

  • De l’inexistence avérée de la LEPI

D’emblée, il convient d’observer que l’inexistence de la LEPI s’établit au double niveau légal et matériel et technique. Aussi, en abordant cette rubrique de notre exposé est-il utile de rappeler la définition de la LEPI comme disposée successivement par l’article 3 de la loi n°2009-10 du 13 mai 2009, portant organisation du Recensement Electoral National Approfondi (RENA) et Etablissement de la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI)([1]) et l’article 4 de la loi n°2012-33 du 07 janvier 2011 portant règles générales pour les élections en République du Bénin([2]). Ainsi, il est exposé à l’article 3 sus cité : « De la liste électorale permanente informatisée :

La liste électorale permanente informatisée est unique et nationale.

Elle est une liste exhaustive avec photo de tous les citoyens en âge de voter.

La liste électorale permanente informatisée est le résultat d’opération de recensement électoral national approfondi et de traitement automatisé d’informations nominatives personnelles et biométriques obtenues sur l’ensemble du territoire national et à l’étranger, dans les ambassades et consulats de la République du Bénin »

Et l’article 4 de la loi portant règles générales pour les élections ci-dessus visée précise : « L’Election a lieu sur la base d’une liste électorale permanente informatisée (LEPI).

C’est une liste unique, exhaustive et nationale avec photo de tous les citoyens en âge de voter. La liste électorale permanente informatisée (LEPI) est le résultat d’opérations de recensement électoral, national approfondi (RENA) et de traitement automatisé d’information nominatives personnelles et biométriques obtenues sur l’ensemble du territoire national et à l’étranger dans les ambassades et consulats de la République du Bénin.

Il existe au niveau de chaque village ou quartier de ville de l’arrondissement de la commune, du département et de chaque représentation diplomatique ou consulat, une liste électorale qui est un extrait de la liste électorale. »

I-1- Au plan légal

Selon le dictionnaire « Exister » : signifie être actuellement en vie, vivre. Par contre et selon le même lexique, « inexistence » se définit comme le défaut d’exister. En droit, c’est la qualité d’un acte juridique auquel, il manque un élément constitutif essentiel. Ceci dit, pour se convaincre de l’inexistence légale de la LEPI, il suffit de se livrer à un exercice de lecture des articles 4, 6, al 1er, 11, 23, 24, 25, 26 27, 28, 29, 30, 31, 32, et 65 etc… de la loi 2009-10 sus visé.

Au terme d’un tel exercice, on va se rendre compte de toutes les exigences légales requises pour la réalisation d’une LEPI conforme aux dispositions législatives en vigueur, fondant ainsi son existence légale, voire matérielle et technique. Aussi, très succinctement entreprenons  une revue des dispositions législatives fondatrices d’une LEPI juridiquement existante. Il se dégage donc :

L’article 4 traite des voies correctives normales et légales de la LEPI. Est-Il rigoureusement prescrit : L’apurementla mise à jour – et enfin la révision de la LEPI. Toute autre procédure corrective est contraire à la loi et nuit à la permanence temporelle de cette liste. A la limite, elle participe d’une fraude à la loi le cas échant.

Quant à l’article 6, il définit le RENA et précise les méthodes et caractéristiques du recensement dans sa finalité consistant à collecter des informations identifiant l’électeur.

L’article 11, au travers de ses dispositions règle la transmission des résultats du recensement à la clôture du RENA. Aussi a-t-il prescrit le reversement de l’intégralité des documents originaux électoraux issus du recensement au centre national de traitement des données électorales, ainsi que l’interdiction de toute détention ou rétention même partielle des documents électoraux par tout citoyen peu importe son rang.

S’agissant de l’article 23 il fixe les étapes de l’opérationnalisation du RENA et prescrit le caractère obligatoire et consécutif des opérations. Cette opérationnalisation exige un rigoureux enchainement desdites étapes selon une articulation intégrative pour une bonne réalisation de la LEPI.

Par conséquent, il est tout à fait impossible de se fendre une procédure contraire sans verser dans une spéculation technico-légale incongrue.

En termes clairs, en mars 2011, et en avril 2011 le peuple béninois a été soumis à des élections en l’absence de la LEPI au sens de la loi.

En conséquence, les articles 24, 25, 26, définissent successivement chacune des étapes opérationnelles obligatoires du processus de la réalisation consécutive du RENA à savoir : – la cartographie censitaire (art 24) – le recensement des citoyens (art 25) – l’enregistrement des électeurs (art 26). Chaque article formule, au soutien, les modalités pratiques et techniques aux fins d’une mise en œuvre idoine de la LEPI à la fin du processus du RENA.

L’article 27 consacre le fichier électoral national et en définit aussi bien les modalités pratiques pour sa constitution, ainsi que ses composantes. La législation ici est tout aussi impérative et ne tolère point une édulcoration technique.

NB : Au sens de la loi, le fichier électoral ne contient pas la LEPI d’autant qu’à cette étape, la liste électorale n’est pas encore générée. La définition du fichier électoral à l’article 1 de la loi est d’ailleurs très édifiante. Autrement dit, la LEPI est le produit d’une application sélective des données contenues dans le fichier électoral.

L’article 28 établit le caractère obligatoire de l’inscription sur la liste électorale. Cette obligation est reprise à l’article 6 de la loi portant règles générales pour les élections et découle de la prescription constitutionnelle de l’article 6 de la constitution béninoise du 11 décembre 1990. En définitive, l’article 28 rappelle au citoyen l’exercice d’un droit fondamental constitutionnellement reconnu.

Quant à l’article 29, il prescrit l’inscription sur la liste électorale. Ce qui implique, à l’application, la génération automatique de la liste après l’exploitation des résultats du fichier électoral national du RENA.

Du reste, la réalisation de cette liste n’emporte plus une intervention personnelle directe du citoyen électeur. Sa présence physique, ou sa participation individuelle n’est plus requise, si tant  est que l’électeur avait été non seulement recensé, mais s’est fait enregistré au préalable lors des opérations du RENA.

En ce qui concerne l’article 30 il expose l’obligation légale de l’établissement d’une LEPI provisoire avant toute réalisation de la LEPI définitive. Telle obligation ayant tout à fait son sens s’avère rationnelle et parfaitement justifiée. Il pose une condition préalable substantielle pour un établissement légale de la LEPI. La carence de la LEPI provisoire entraine ipso facto et de jure l’inexistence de la LEPI.

C’est, l’article 31 qui consacre la LEPI dans son établissement légal ainsi que dans sa présentation matérielle, tout aussi légale.

Enfin, l’article 32  prescrit l’obligation de sa publication dans une présentation formelle légale. A défaut, l’on aura une liste électorale qui serait tout sauf la liste permanente informatisée (LEPI) au sens de la loi. Cette obligation renforce les dispositions législatives assurant un établissement transparent et fiable de la LEPI.

Somme toute, nul ne pourra contester aujourd’hui les vices rédhibitoires du processus ayant abouti à l’établissement d’une liste à tout point de vue, illégale, voire illégitime, sans aucune forme d’exégèse.

Pour l’essentiel, l’on peut retenir entres autres

  1. La non publication à date de la LEPI et ceci en violation des dispositions des articles 3 et 32 de la loi 2009-10 du 13 mai 2009 et 4 de la loi 2010-10 du 07 janvier 2010. Cette absence de publication emporte  indubitablement l’inexistence légale et matérielle de la LEPI.
  2. L’inexistence du fichier électoral au sens des dispositions de l’article 27 de la loi 2009-10 susvisé d’autant plus qu’en violation flagrante des dispositions de l’article 3 de la loi 2009 sus-indiquée la commission de supervision (CPS) n’a pas cessé ses activités et n’a pas encore déposé son rapport final. Ceci conforte le caractère tout à fait inachevé des opérations du RENA et de l’établissement de la LEPI. De sorte que la poursuite de la supervision en dépit du dépôt du rapport final de la MIRENA depuis février 2011 légitime la suspicion de manipulation frauduleuse qui pèse sur la CPS.
  3. Devant l’inexistence de la LEPI, dans sa proclamation provisoire des résultats de la présidentielle le 20 mars 2011, la Cour Constitutionnelle s’est obligé de relever, par elle-même, le nombre d’électeurs inscrits. L’on est à se demander si la Cour Constitutionnelle a eu à réaliser de façon parallèle les opérations du RENA et de l’établissement de la LEPI en 2011. Mais, aussi paradoxale que cette décision puisse paraître, la Cour Constitutionnelle par celle-ci se surprend de renoncer à sa propre conviction, quant à la mise en place à bonne date de la LEPI. En effet, la haute juridiction, convaincue elle-même par un extrait du document du projet d’appui pour la liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) au BENIN, a suggéré au peuple béninois l’existence de la LEPI à travers cet important considérant de sa décision DCC 10-0-49 du 05 avril 2010 déclarant inconstitutionnelle la loi abrogatoire n°2010-12 du 13 mai 2009 de la LEPI, votée par le parlement à l’époque.

Ainsi, il est disposé : « Considérant que le projet d’Appui pour la Liste Electorale Permanente et Informatisée (LEPI) au BENIN entre la République du BENIN et le PNUD en date à Cotonou du 15 septembre 2009 indique entre autres : « 1. La LEPI est mise en place à bonne date afin de renforcer le caractère libre, transparent, crédible et démocratique des échéances électorales de 2011 tout en permettant aux électeurs d’exercer tous leurs droits… »

Par conséquent, il ne devrait plus persister un quelconque doute sur l’effectivité légale et matérielle de la LEPI après plus de 18 mois. Mais après sa supposée réalisation, malheureusement la Cour Constitutionnelle est aujourd’hui visiblement dans une position inconfortable, si elle n’est pas désormais contrainte à un retro pédalage. Dans tous les cas, sa proclamation est la preuve constitutionnelle de l’inexistence da la LEPI à la date du 23 mars 2011, qui s’impose à tous.

  1. Enfin, sur requête du Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement, la mission d’experts de l’OIF dépêchée pour l’audit de la LEPI a conclu à environ 80% l’effectivité de la réalisation de la LEPI relevant par voie de conséquence un taux d’imperfection élevé à 20%. Ceci étant, il devient incontestable que le déchet de 20% afflige profondément l’existence légale de la LEPI qui ne peut souffrir dès son établissement légal d’une quelconque imperfection a fortiori fixée à hauteur de 1/5, selon les experts internationaux.

En résumé, au sens des diverses lois évoquées ci-dessus, la LEPI réalisée en République du Bénin en 2011 est irrémédiablement entachée, et ne peut faire l’objet de l’usage auquel elle est destinée. C’est le constat qui crève l’œil aujourd’hui.

Face à cette réalité, quid alors de l’existence matérielle et technique de cet instrument du dispositif d’organisation de consultations transparentes, régulières et  crédibles ?

I-2- Au niveau matériel et technique

C’est entretenir volontairement une vue de l’esprit que de tenter aujourd’hui au Bénin de se convaincre de l’existence physique, matérielle, palpable et tangible de la LEPI.

La législation, en effet, nous renvoie dans nos villages, quartiers de villes, ambassades et  consulats pour aller visualiser, et, pour cause consulter cette liste électorale innovante, citadelle d’une avancée électorale démocratique rêvée au BENIN. Avant tout elle rend la LEPI disponible au niveau de chaque quartier de ville ou de village dès sa publication.-

A l’évidence, le législateur en la matière a été très généreux pour prescrire le recours à l’internet et à tous autres moyens de communication usuelle et accessible pour tous.

A propos, qui peut à date, et ceci depuis la grand-messe organisée en janvier – février 2011, lors d’une certaine remise officielle du fichier électoral à la CENA certifier avoir pris connaissance de la LEPI. Certes, il nous sera répondu qu’à l’occasion des élections, la CENA a procédé à l’affichage de listes au niveau des centres et bureaux de vote. Mais, en réplique, il convient de se demander, si ces listes affichées sont conformes à la LEPI et constituent-t-elle réellement les extraits de cette dernière comme le prescrit la loi ? La réponse a cette interrogation est indiscutablement négative. Dans tous les cas, chacun de nous a vécu cette mauvaise expérience de listes affichées, lors des élections qui n’ont eu pour finalité, l’entretien d’une terrible confusion au bout de laquelle, l’électeur est soumis à de terrifiantes tracasseries.

Du reste, la Cour Constitutionnelle a dû se suffire d’une affirmation du Président et du Vice – Président de la CENA pour suppléer à la grave carence de la LEPI. Aussi expose-t-elle : « Considérant que lors de l’audition des membres de la CENA, les Président et Vice – Président de cet organe ont affirmé qu’il existe une liste électorale consécutive du corps électoral pour le scrutin du 13 mars 2011 qui a été affichée dans la plupart des centres de vote ; qu’ils relèvent toutefois que le délai très court dont a disposé la CENA pour l’organisation des élections et l’enrôlement jusqu’au 12 mars 2011 des électeurs suite à la loi du 4 mars 2011, n’ont pas permis de respecter les délais légaux de l’affichage des listes en vue des réclamations éventuelles qu’au demeurant aucune disposition ne fait obligation à la CENA de fournir cette liste aux candidats…… » cf. (proclamation provisoire([3])). Certes notre pays est de tradition de l’oralité. Néanmoins, de là, en 2011, qu’une haute juridiction puisse se contenter d’une simple déclaration sans se soucier de la matérialité et de la conformité légale de la liste électorale dans le cadre de l’examen d’un contentieux, lasse découvrir le caractère immatériel de cet instrument électoral d’importance incontestable.

Somme toute, on ne saurait  point confondre la liste électorale permanente informatisée avec une quelconque liste affichée aux fins d’éventuelles réclamations telles que la haute juridiction semble le concéder. En vérité la LEPI à la base de tout scrutin est établie par génération automatique par suite du traitement des données collectées du RENA. C’est d’ailleurs de ce procédé technico-légal que lui est conféré sa nature pérenne dans le temps et l’espace. Dès lors, la CENA n’a pas d’affirmation à faire quant à l’existence ou non de la LEPI. Au surplus, elle a simplement à la présenter. Au demeurant en arguant l’insuffisance de délai, elle réaffirme le caractère encore inachevé de l’établissement de la LEPI. En outre, elle expose l’aveu de la CPS – LEPI et de la MIRENA s’agissant de leur incapacité à établir la LEPI avant la tenue des consultations de 2011, contrairement à ce qu’elles ont tenu à distiller dans l’opinion. Dans tous les cas de figure, il n’appartient pas à la CENA d’apporter des justifications sur l’établissement de la LEPI. Elle n’a point une telle compétence nonobstant, à un moment, sa liaison incestueuse avec les organes chargés d’élaborer la LEPI.

Pour ce qui est, l’excuse admise par la Cour Constitutionnelle et imposée au peuple béninois à l’occasion est inacceptable dans la mesure où ces organes chargés de la LEPI ont soutenu toutes les fois la matérialité irréprochable de cet outil indispensable pour une organisation régulière des électeurs au BENIN. Enfin, il est évident que la LEPI n’a pu être publiée parce que matériellement et techniquement inexistante. Cela ne pouvait en être autrement d’autant que le défi relatif à la constitution du fichier électoral reste encore d’une actualité permanente.

Au regard de tout ce qui précède, il importe de tirer à présent les conséquences de cette gravissime imperfection qui consacre de façon irrévocable la nature factice de la LEPI. Vous comprendrez, dès lors, pourquoi il ne parait pas utile de s’intéresser aux autres applications de la LEPI relatives aux centres et bureaux de vote, cartes d’électeurs etc. Le principal a profondément compromis les accessoires.

Du reste, semble-t-il nécessaire dans la suite de notre développement de tirer les dites conséquences au double volet juridique et pratique.

II-1 Sous l’aspect juridique

L’inexistence légale de la LEPI étant définitivement certaine, il s’érige en retour un obstacle légal contre toute entreprise de correction d’un outil juridiquement imaginaire.

En effet, selon la sémantique proposé par le Petit Larousse illustré, le mot « correction » signifie : Action de corriger. Or, toujours selon ce même lexique, « Corriger : du latin corrigere : faire disparaître les défauts, les erreurs, réviser, revoir pour rendre correct, pour améliorer. Rectifier une erreur, un défaut »([4]).

Sans grande connaissance lexicale, l’on doit se convaincre qu’une correction porte sur l’existant. Autrement dit, entreprendre aujourd’hui la correction de la LEPI suppose qu’elle existât légalement. Elle doit être d’effectivité incontestable, encore moins douteuse ce qui n’est point le cas qui retient notre attention actuellement.

A l’évidence, le bouclier juridique empêchant l’initiative de la correction de la LEPI du BENIN est constitué par les dispositions de l’article 4 de la loi 2009-10 précitée, en ce qu’il prescrit très pertinemment et de façon limitative : l’apurement – la mise à jour et la révision de la LEPI régulièrement établie. Aucune proposition de correction dans le cas d’espèce ne peut légalement s’inscrire aujourd’hui dans l’une quelconque des prescriptions sus indiquées.

Par conséquent, toute entreprise de correction d’une LEPI légalement inexistante constituerait une nouvelle violation flagrante de la loi. En tout cas l’article 4 ci-dessus cité s’y oppose formellement.

Aussi-doit-on rappeler qu’en vertu des dispositions de la loi 2009-10, il s’impose à tous les normes intangibles ci-après :

Partant les opérations d’apurement concernent exclusivement :

  1. La rectification des erreurs matérielles
  2. La radiation suite aux décès, aux décisions issues des recours, aux émigrants non enregistrés dans les ambassades et consulats, aux conséquences du dédoublonnage. Visiblement il s’agit d’interventions péri – post établissement de la LEPI.

 

S’agissant de la mise à jour ; selon toujours les prescriptions législatives, elle porte exclusivement sur deux opérations à savoir :

1°) L’intégration des électeurs ayant atteint l’âge de voter, des électeurs naturalisés au cours de l’année et des électeurs immigrants en République du BENIN au cours de l’année et remplissant les conditions requises pour être électeurs.

2°)  Le transfert de résidence principale ou de domicile, le changement de lieu d’affectation pour les électeurs assignés à une résidence obligatoire, l’émigration d’électeurs enregistrés auprès d’une ambassade, ou consulat de la République du Bénin. Tel qu’on peut le constater, il s’agit ici d’opération essentiellement post établissement de la LEPI conforme à la législation.

Enfin, de la révision :

Il est prescrit une révision globale de la LEPI tous les dix (10) ans sous la forme d’une opération de renouvellement ou de réactualisation des données d’une liste légalement établie. En définitive, l’établissement régulier de la LEPI est attributif indubitablement de sa permanence.

Il s’ensuit sa pérennité sur la durée de 10 ans, au cours de laquelle la LEPI ne pourra être soumise en général à une correction outre que celles limitativement énumérées par la loi.

En termes clairs, c’est à dessein que le législateur a prévu, aux termes de l’article 30 de la loi 2009-10, la confection préalable de la liste électorale informatisée provisoire en vue de l’établissement de la liste électorale permanente informatisée.

En conséquence, selon l’article 31 de ladite loi, il est expressivement disposé : « La liste électorale permanente informatisée est établie après la correction de la liste électorale informatisée provisoire…. »

In fine, ce rempart législatif ne peut être aujourd’hui franchi dans le contexte de l’inexistence avérée par une procédure de correction de la LEPI en l’état. Tout le monde s’accorde aujourd’hui sur le fait qu’en 2011, l’incontournable exigence de l’article 30 a été allègrement escamotée.

En somme, la cristallisation de l’impossibilité juridique d’effectuer, à date, une correction de la LEPI vient de la volonté du législateur béninois de conduire la réalisation de la LEPI par touches successives consécutives. En d’autres termes, toute étape non validée compromet directement  l’existence de la LEPI. Il s’en va ainsi pour la réalisation de la RENA qui, selon les dispositions de l’’article 23, est soumise au respect d’une série de déclinaisons successives conséquentes. Du reste, il est préconisé une succession d’opérations induisant une préalable validation des opérations antérieures, même si la loi ne l’a pas expressément prescrite.

Au total, l’un dans l’autre, la mise en œuvre d’une correction de la LEPI telle que réalisée en 2011 au Bénin est radicalement impossible au sens de la loi. Cependant, seul un audit de tout le processus d’établissement de la LEPI sera légal. Cet exercice permettra d’apprécier l’envergure des imperfections ayant entaché l’inexistence légale et matérielle de la LEPI en vue de la reprise de tout le processus organisationnel de la LEPI. Il s’en va dire qu’à chacune des étapes opérationnelles une exploitation judicieuse des informations ou données existantes peut se réaliser dès que d’utilité.

C’est sous cette perspective qu’il faille envisager les conséquences de l’inexistence de la LEPI du point de vue pratique.

II-2  Sous l’angle pratique

Sur ce registre, l’inexistence de la LEPI conduit aujourd’hui à l’unanimité faite quant à la nécessité de soumettre la LEPI à une « correction ».

Cette revendication de l’opinion nationale dans toutes ses composantes soulève le caractère inachevé de tout le processus d’établissement de la  liste électorale informatisée et permanente. De toutes les façons, l’opinion nationale dans son entièreté est à la quête aujourd’hui d’une liste électorale tangible et fiable. Plusieurs propositions et/ou initiatives correctives de la LEPI 2011 sont déjà en perspective.

A cet égard, le bureau de l’Assemblée Nationale s’est déjà engagé à priori sur la voie de la correction d’une LEPI inexistante au travers d’une démarche exclusive tout à fait confiscatoire. Pour autant, il serait toutefois plus convenable d’attendre les conclusions du groupe du travail de l’Assemblée Nationale aux fins de conclusions davantage objectives dans les tout prochains jours.

Aujourd’hui, la non existence avérée de la LEPI confectionnée en 2011 au Bénin rend inopportune toute entreprise corrective de cette dernière en pratique. Indubitablement l’expression « correction » est abusive et son application dans la pratique demeure une caution à une nouvelle forfaiture.

En effet, lorsqu’on sait désormais avec certitude que les dernières consultations majeures de mars et avril 2011 ont été organisées sur la base d’une « liste électorale » et non de la LEPI, ayant même contraint la haute juridiction constitutionnelle à relever, par elle-même, le nombre des inscrits, l’on ne peut plus douter devant la logique des faits la forte altération de la liste électorale existante indûment appelée LEPI.

De ce fait le présent extrait du rapport final de La MIRENA édifie tout citoyen bien à propos. Il y est écrit : «… En déposant le rapport final de ses activités à la CPS, la Minera a une conscience aigue du caractère inachevé de l’outil qu’il a transmis au superviseur Général le 20 Février 2011  … ». ([5]) Il se lit, à travers ces lignes osées, la triste illustration de l’outrageante duplicité de l’organe technique indépendant dit-on, chargé de la mise en œuvre de la LEPI tout au long du processus. En vérité, s’agit-il ici : « d’avoir une conscience aigue du caractère inachevé de l’outil transmis » ? Tandis  que rien n’empêchait cet organe de conclure courageusement à l’évidence, au caractère non accompli de la réalisation de la LEPI et de solliciter en tant que de besoin la poursuite des travaux.

A la limite, ce passage du rapport final, plus qu’un aveu demeure une offense, un affront, un mépris vis-à-vis du pacifique peuple béninois.

Du reste, il étale par ailleurs l’incompétence professionnelle et le manque cuisant de probité des premiers animateurs dudit organe. Ceux-ci en définitive ont trahi leur serment (Cf art 44 de la loi 2009-10). Tel parjure mérite sanction à la fois pour ses auteurs et complices, pour autant qu’également, quarante (40) milliards de nos francs, même sous la forme d’un don sont compromis. En fin de compte, la très grande sensibilité de cet instrument dans le dispositif électoral pour la paix sociale et la stabilité politique tributaire d’une organisation transparente, régulière et crédible de toutes les consultations nationales et locales au BENIN ne pourra s’accommoder maintenant  d’un replâtrage incongru sous la forme d’une correction dite « consensuelle ». Il ne saurait y avoir une actualisation d’une LEPI qui n’a jamais existé-tout. Tout simplement il urge d’opérer de façon patiente, mais rigoureuse, l’audit de tout le processus du RENA et de l’établissement de la LEPI. Il s’agira à l’occasion d’effectuer un audit organisationnel et financier de toute l’organisation. Cet audit permettra d’apprécier, de façon objective dans le respect des dispositions légales et techniques régissant les matières et les règles de l’art, la profondeur des imperfections, lacunes, insuffisances, y compris les tripatouillages, irrégularités et autres inégalités ayant compromis radicalement l’existence de la LEPI d’une part, et d’autre part, toutes les responsabilités devront être situées. Il est en effet inadmissible de passer en pertes et profits de telles malfaisances dont les conséquences auraient pu d’embraser notre nation. Evidemment, cet évaluation-contrôle s’effectuera au-travers d’une démarche  indépendante, à la fois rétrospective et prospective.

Dans ce sens, l’audit requis devra être conduit par une équipe paritaire, pluridisciplinaire, restreinte, composée de compétences techniques et morales désignées par la mouvance, l’opposition et la société civile aux fins de la reprise du RENA et de la LEPI. Il va sans dire, qu’à l’effet, l’équipe fera des propositions conséquentes assorties d’un chronogramme et d’une évaluation des coûts.

 De même, et en vue d’assurer toute l’impartialité requise à cette équipe, il est entendu que les responsables et agents ayant participé à la réalisation de la LEPI en cause à quelque titre que ce soit sont disqualifiés pour y faire partie. En revanche, ils auront pour tâche exclusive de fournir les informations, renseignements, pièces utiles au bon déroulement de l’évaluation. Du reste, nul ne peut être juge et partie. Egalement, il conviendrait d’enfermer la réalisation de cette mission dans un délai impératif, toutefois réaliste. Aussi devra-t-on compter sur l’esprit patriotique des membres de l’équipe ainsi que sur la volonté du gouvernement, pourquoi pas sur un sursaut patriotique pour doter la mission de moyens utiles en vue d’une bonne fin.

Pour y parvenir, le parlement sera invité à voter une loi dérogatoire portant reprise de l’organisation du RENA et établissement de la LEPI par rapport à la loi n° 2009-10 du 13 mai 2009. Une telle loi aura l’avantage de se conformer aux décisions de la Cour constitutionnelle ayant d’une part déclaré inopérant tous les délais prescrits par la loi 2009-10 et, d’autre part, à sa proclamation de mars 2011. Elle s’impose comme l’unique solution pour sortir de l’impasse dans laquelle la LEPI a été volontairement conduite.

Ceci étant, le parlement sera aussi amené soit, au travers de la même loi dérogatoire, ou une autre, à  autoriser l’établissement ponctuel d’une liste électorale pour les prochaines communales et locales uniquement. Telles dérogations sont plus réalistes et rassurantes.

A la vérité, l’autorisation d’établir une liste ad’hoc  découle évidemment de la nécessaire reprise de la LEPI, ainsi que de la complexité des scrutins en vue dans moins quasiment six (06) mois.

Aujourd’hui plus qu’hier tout le monde admet que l’identification de l’électeur par ménage et sur la circonscription électorale de dernière proximité reste une exigence impérative de toute liste électorale devant servir à l’organisation transparente fiable et démocratique des prochaines  communales et locales. Nul n’ignore que les diverses violations législatives relatives à l’organisation approximative des dernières communales et locales laissent courir jusqu’à présent la gestion du contentieux électoral par la Cour Suprême.

Or, en l’absence d’une LEPI, la réalisation d’une liste acceptable requiert qu’on y consacre le temps nécessaire. D’où, la nécessité de s’y atteler, dès maintenant, pour sa mise en place à bonne date. C’est  à ce prix seulement qu’il sera évité les troubles relatifs à l’établissement d’une liste incontestable, lors des prochaines consultations communales et locales. Pour autant, ces consultations de proximité sont par nature d’une gestion très délicate et source de conflits socio-politiques insoupçonnés.

De ce fait, il s’avère judicieux, au regard des tâches à accomplir et des investissements financiers à l’horizon, de prioriser le recours à une liste électorale ad’hoc pour les prochaines communales et locales, tout en auditant le processus de la LEPI. Dans ces conditions, le pays va, sans conteste, se préserver d’une saignée financière d’une part, et prévenir les violences et d’autres dérives électorales, d’autre part. De ce point de vue la proposition consiste à procéder à l’affichage de la soi-disant LEPI par centres de vote ou d’enregistrement crées en 2011 à l’effet d’enrôler les omis et autres électeurs laissés en rade procède d’une spécieuse thérapie pour rentabiliser la LEPI pour les prochaines consultations délicates de 2013. Le cas échéant quelle efficacité ou efficience opérationnelle recherche-t-on ? et pour quel résultat correctif fiable s’attend-on ? Lorsqu’on sait justement que la mécanisme légal et technique fondant la LEPI n’autorise guère ni une inscription de visu de l’électeur ni son intégration impromptue dans le fichier électoral national. Autrement dit à la phase de l’inscription, l’électeur n’intervient que pour procéder aux vérifications et autres réclamations relatives à l’établissement de la LEPI provisoire.

Du reste aucune, inscription légale, technique fiable d’un électeur sur la LEPI ne peut s’effectuer si ce dernier n’a été au préalable pris en compte par la cartographie censitaire et le recensement des citoyens.

En conclusion, l’on convient, en toute logique, que « toute correction » de la LEPI 2011 s’entend par sa reprise, tant il est vérifié qu’elle n’a jamais existé légalement et n’est point matériellement disponible, encore moins exploitable sans une refonte profonde.

Du reste, pour ce qui est, son utilisation pour les prochains scrutins de proximité constituerait une répétition d’un forfait contre notre constitution et le peuple béninois. Mais alors, cette fois-ci, les risques de dérives post électorales restent très élevés. Nul ne pourra présager des suites. Pour cela la sagesse recommanderait d’éviter pour ce peuple une souffrance inutile en ne persistant pas dans un passage en force. Aussi est-il nécessaire d’en appeler ici, au sens de responsabilité et de sincérité des agents locaux, des partenaires financiers et techniques dont les agissements et prises de position pas souvent favorables à l’impartialité, le désintérêt, l’objectivité et la réserve diplomatique requis ont alimenté malheureusement l’accouchement de l’enfant LEPI mort né en République du BENIN en 2011. Il est à espérer que les leçons conséquentes soient tirées afin d’éviter la réédition d’une forfaiture.

Présentée par Oladé O. Moïse LALEYE
Professeur de Droit Public et Sciences Politiques
UAC BENIN



([1]) Cf Edition MCRI 2009

([2]) Cf Cadre légal des élections en République du BENIN Ed. MCRI

([3]) in Fascicule éditée par la Cour Constitutionnelle intitulé Election Présidentielle 2011 Proclamation p.49

([4])le Petit Larousse compact 2004

([5]) Cf Communication Mme Célestine ZANU Avril 2012 CODIAM Cotonou

 

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