Ahmadou Haya Sanogo, empereur du Mali !

« Le petit capitaine a encore frappé ! »Ainsi s’exprimait le journaliste auteur de la dépêche de l’Afp annonçant le limogeage du premier ministre malien.

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Cheick Modibo Diarra ,dont la renommée d’astro-physicien et d’homme neuf  sans passé politique avait séduit les militaires putschistes en avril dernier, vient d’être débarqué sans ménagement  de son poste de premier ministre du Mali. Si ce n’est pas un coup d’état qui prive le Mali de son gouvernement en pleine période d’incertitudes, ça y ressemble. Même si les soldats qui ont procédé à son arrestation au nom du capitaine putschiste Sanogo, très tard dans la soirée d’hier mardi avant de le forcer à la démission et de le mettre en résidence surveillée se sont défendus d’avoir fait un coup d’état, personne n’est dupe ! C’est bien Sanogo et le   quarteron de bérets verts de Kati qui ont décidé de se débarrasser de Diarra. Et,  comme d’habitude, ce qu’on appelle «  la communauté internationale » a condamné l’arrestation  et la démission forcée du premier ministre mais elle n’ira pas plus loin et Sanogo, l’empereur-au-dessus du président du Mali le sait ! Echaudé par le tollé général qu’a suscité son coup de force de mars dernier,  il se garde bien de se mettre en avant et insiste sur les défaillances réelles ou  supposées de Modibo Diarra.  Ce dernier, à en croire les nouvelles qui nous arrivent de Bamako, ne cachaient plus ses ambitions présidentielles et surtout se détournaient de  ses mentors de Kati  qui souhaitent que l’armée malienne dirigent elle –même la contre offensive contre les occupants du nord. Apparemment, Cheick Modibo Diarra ne sera pas non plus regretté par la classe politique qui n’a jamais accepté l’intrusion de cet  ovni entré par effraction dans le marigot politique. Pas plus que les dirigeants de la Cdeao qui  n’appréciaient guère les méthodes de cet intrus au  club des chefs d’Etat. Ils avaient déjà souhaité bien avant l’attentat qui  a failli coûter la vie à Dioncounda Traoré que ce dernier trouve un autre premier ministre de consensus. Il était à deux doigts d’y parvenir au lendemain de son retour de sa longue hospitalisation à Paris. Mais c’est encore Sanogo  qui a joué  pour la reconduction de Cheick Modibo Diarra. Le gouvernement qu’il a formé a  certes été expurgé de ses proches. Mais personne n’a pu l’empêcher de nommer certains subrepticement aux postes de conseillers avec rang de ministres.

Il ressort de ce qui précède qu’avant le coup de force de la nuit dernière, c’est bien une troïka qui dirigeait le pouvoir  à Bamako. Cheick Modibo Diarra était à la manœuvre au plan de la gestion quotidienne des affaires. Mais c’est le  capitaine putschiste Sanogo , fort de sa nomination à la tête de la structure chargée  des réformes de l’armée qui  était et continue d’être aux commandes, malgré ses dénégations successives. Le camp de Kati détient toujours les bérets rouges qu’il a fait arrêter illégalement, malgré les dénonciations des défenseurs des droits de l’homme. Quant à  Dioncounda Traoré , ancien cacique du parti au pouvoir, il  n’a jamais pris véritablement  ses marques et semble se contenter d’inaugurer les chrysanthèmes ,en attendant la fin,  interminable à ses yeux,   de la transition. L’agression dont il a été victime en juin dernier n’a pas été pour peu dans la réserve qu’il observe. Le centre du pouvoir se trouve toujours à Kati dans les mains de Sanogo  et de sa soldatesque. Le fait même que Dioncounda na pas condamné le limogeage de Diarra et qu’il s’est empressé de nommer un nouveau premier ministre est un double signe  de son impuissance et de l’omnipotence de Sanogo.

L’éviction de Diarra laisse ainsi  un boulevard devant Sanogo qui risque de ne plus se contenter de jouer les marionnettistes de l’ombre. Lui qui se compare au général de Gaule,  vient d’administrer la preuve qu’il a non seulement le sens de la stratégie et de la tactique qui fait la force des grands généraux mais aussi celui  de l’opportunité propre aux politiciens. Les précédents mauritaniens et guinéens montrent à l’envi jusqu’où la communauté internationale peut aller. Aujourd’hui ,elle condamne les putschistes mais demain elle sera prête à applaudir ceux  d’entre eux qui troqueront la tenue  kaki contre le costume cravate ou le boubou empesé. Si , d’ici à septembre 2013 date  prévue pour le début de la guerre  contre les fondamentalistes du nord, Sanogo  continue de se présenter comme le seul homme fort du Mali, dans une classe politique minée par des querelles de clocher -ce n’est pas le nouveau premier ministre,  ancien médiateur de la république qui lui fera de l’ombre-  il peut finir par séduire la communauté internationale qui a besoin d’un pouvoir fort à Bamako pour engager la riposte contre les islamistes..Qui a dit que « l’Afrique n’a pas besoin d’homme forts mais d’institutions fortes » ? Celui-là a oublié de mentionner qu’en l’absence d’institutions fortes, les hommes forts,  dotés d’un sens  élevé de l’Etat,  peuvent hâter leur avènement.

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