Répression de la vente de l’essence kpayo : quand la pauvreté plombe la lutte

La vente de l’essence frelatée est une véritable hydre. Après plusieurs mois de répression, le résultat obtenu par le gouvernement est peu reluisant. Le liquide prohibé circule toujours dans les rues en dépit de l’important dispositif militaire affecté  à cet effet et des moyens financiers engloutis.

Publicité

Le drame de Djrègbé dans la commune de Sèmè Kpodji vendredi dernier qui a conduit à la mort d’un chef de couvent, abattu de sang froid par des militaires sur les nerfs, relance une fois encore le débat sur l’efficacité de cette lutte. Que dire à un gouvernement qui engage une lutte musclée contre l’essence frelatée, produit hautement dangereux qui brûle nos hameaux et nos villes et tue bon nombre de  nos citoyens. Que dire face à la bravoure d’un tel gouvernement si ce n’est un grand merci et surtout beaucoup de courage face à la répression de ce commerce illicite, véritable hydre de Lerne qui résiste à toutes les luttes depuis le temps du président. Que n’a-t-on pas fait pour que ce commerce illicite soit éradiqué sous le président Kérékou ? On ne compte plus les nombreux assauts des différentes commissions de lutte contre les vendeurs de ce produit installé aux abords des voies tous soldés par des échecs. Face à la résistance des vendeurs et de ce produit, ils ont fini par jeter le manche après la cognée, conscients que cette lutte nécessite plus de temps et de moyens et qu’il faudra la mener autrement pour réussir. Il est donc curieux de voir la commission actuelle dirigée par le Chef d’Etat major mener la lutte de la même manière : La répression des vendeurs aux abords des rues par les militaires et les policiers. La seule innovation, si c’en est une, c’est de chercher à aller arrêter les cargaisons du liquide prohibé aux niveaux des différents points d’acheminement sur Cotonou. Seulement voilà, près de trois mois après, l’essence kpayo défie tout le gouvernement et tout le dispositif militaire mis en place.  La preuve est qu’elle coule abondamment à Cotonou et ses environs, aux nez et à la barbe des militaires positionnés un peu partout dans la ville. La stratégie, une fois encore, se montre peu efficace.

Et la pauvreté gâte tout

Mais en vérité, elle n’est que l’expression de l’échec de la lutte contre la pauvreté. En effet, ceux qui s’adonnent à ce commerce depuis des lustres n’ignorent guère qu’ils prennent de gros risques. Combien parmi eux n’ont-ils pas vu les conséquences fâcheuses de ce commerce. Ils ont souvent été victimes ou entendu parler des incendies ravageurs causés par ce liquide à la moindre imprudence. Certains parmi eux, ont perdu de la progéniture, des parents et des maisons dans ces incendies. D’autres en gardent même des séquelles sur le corps. Mais la question qui revient souvent sur leurs lèvres est « Qu’allons nous faire après ceci ? ». La cessation de cette activité, somme toute dangereuse, n’offre pas de perspectives et ils en sont bien conscients. Ils préfèrent donc continuer à faire cela que de mourir de faim. L’échec dans la lutte contre l’essence kpayo n’est rien d’autre que l’échec de la lutte contre la pauvreté. Il en est de même de la lutte contre le zémidjan. Le gouvernement a beaucoup à se reprocher dans la lutte contre ces deux fléaux de notre société qui résistent à l’usure du temps. Dans ces deux activités, les acteurs n’y sont pas souvent venus par plaisir ou par vocation. Il y a donc urgence à repenser leurs luttes.  Le gouvernement devrait chercher à lutter d’abord contre le chômage ambiant dans le pays. Il devrait travailler pour la reconversion des trafiquants et des revendeurs de l’essence frelatée. Il n’est bien bienséant et responsable de la part du gouvernement de demander aux acteurs de la filière d’abandonner leurs activités avant qu’on ne pense à leur reconversion. Pour être plus efficace, la lutte contre le kpayo ne devrait pas se résumer à des répressions ponctuelles. Pour faire sérieux, le gouvernement pourrait mettre en place un programme conçu sur de nombreuses années  qui tient grand compte de cette insertion professionnelle des acteurs mais aussi des autres préalables à la lutte. Le premier concerne la fermeture des circuits d’importation du liquide. Il s’agit d’un véritable travail de fourmi compte tenu de la porosité de nos  frontières avec le Nigéria, pays de production de l’essence. A ce niveau, il est très souhaitable que le Bénin collabore plus étroitement avec le Nigéria pour que les deux pays travaillent à éradiquer définitivement ce trafic. Sinon, tant qu’il existera au Nigéria un réseau qui vit de ce commerce, il sera très difficile pour le Bénin d’arriver à bout de cela. Le second préalable est la construction et la dissémination des stations. La Sonacop qui contrôle à peine 15% du marché national devrait travailler pour construire des stations un peu partout  afin que l’essence soit disponible partout.  Sans ces préalables, cette lutte dans laquelle le gouvernement a engagé une bonne partie de l’armée béninoise serait « inutile » comme le pense l’honorable Basile Léon Ahossi.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité