Il est de retour, le capitaine putschiste Amadou Haya Sanogo, dans le rôle d’empereur du Mali, pardon de président du « comité militaire de suivi de la réforme des forces de défense et de sécurité », selon une dépêche de l’Afp citée par le site jeuneafrique.com et relayée par des chaînes de radio et de télévision.
Le chef des putschistes du 22 mars 2012 a été ainsi intronisé officiellement au palais de Koulouba, siège de la présidence de la République du Mali dans la journée d’hier mercredi par le président intérimaire du Mali, Dioncounda Traoré, en présence du premier ministre et des chefs militaires et mêmes des corps constitués , comme l’a précisé l’envoyé spécial de Rfi à Bamako. Cette intronisation intervient plus de sept mois après sa nomination par le président Traoré de retour de sa longue convalescence parisienne au lendemain de l’agression dont il a été victime et qui a failli lui coûter la vie.
Deux questions et deux questions seulement viennent à l’esprit de l’observateur de la vie politique malienne de ces douze deniers mois :pourquoi cette intronisation maintenant et quelle est l’utilité d’un comité de suivi de la réforme des forces de défense et de sécurité pendant que la troupe est au front ? En effet, si réforme il devrait y avoir, elle aurait dû intervenir dans l’intervalle des sept mois qui se sont écoulés depuis l’acte de nomination ou à tout le moins, pendant les semaines qui ont précédé la guerre contre les Djihadistes .Sept mois pendant lesquels le Mali s’est plutôt enfoncé dans la crise institutionnelle avec un pouvoir tricéphale dont les acteurs se regardaient en chiens de faïence. On ne peut s’empêcher de constater la coïncidence de cette intronisation avec les récents affrontements entre les bérets verts du capitaine putschiste et les bérets rouges qui constituaient la garde prétorienne de l’ancien président ATT. Des affrontements qui ont fait sortir le président Dioncounda de sa réserve, non pour sanctionner les mutins , comme on l’aurait fait dans un pays normal mais pour simplement les appeler à ne pas continuer de faire honte au pays , au moment où des soldats étrangers sont en train de combattre pour chasser les Djhadistes du territoire. Il y a fort à parier que ces affrontements ont été savamment orchestrés par le clan des putschistes de Kati pour se rappeler au bon souvenir d’un président intérimaire opportunément remis en selle par l’intervention providentielle de l’armée française. En effet, depuis l’opération Serval que le capitaine Sanogo a saluée du bout des lèvres, les putschistes du 22 mars étaient plutôt marginalisés. On ne parlait que du chef d’Etat major des forces armées maliennes et des militaires maliens « embedded »dans le corps expéditionnaire français qui a conquis en moins d’un mois, les villes de Konnan, de Diabaly,Gao et de Tombouctou occupées pendant neuf bons mois par les « fous de Dieu ».
Le retour au devant de la scène du capitaine putschiste est un mauvais signal pour la normalisation de la vie politique au Mali. Il ne fait l’ombre d’aucun doute aujourd’hui que ni le président Dioncounda Traoré, ni son premier ministre Django n’ont aucune prise ou si peu sur l’armée malienne. La cérémonie d’intronisation en est la meilleure illustration. Elle apparaît comme un gage donné aux putschistes pour laisser la transition se dérouler comme l’ont prévu les tuteurs français de Dioncounda Traoré. La conséquence immédiate pourrait être la mise au pas des bérets rouges , bêtes noires des putschistes avec des conséquences incalculables pour la cohésion de l’armée et la stabilité du pays. Le capitaine Sanogo apparaît ainsi comme le véritable homme fort du Mali, , un empereur non constitutionnel avec droit de véto sur toutes les décisions qui fragilisent sa position. Il l’a déjà prouvé par le passé, en faisant démissionner le premier ministre Diarra,en maintenant en détention illégalement et sans jugement certains des bérets rouges dans son « palais » réaménagé du camp de Kati » et en maintenant la pression en toute impunité de sa soldatesque de bérets verts sur le camp des bérets rouges au moment même où le Mali a besoin de tous ses soldats pour combattre l’ennemi djihadiste. Nul doute que fort de ses nouveaux pouvoirs à la tête de ce fameux comité , il s’opposera de toutes ses forces à tout envoi de troupes d’interposition onusienne au nom de la « souveraineté ».Celui qui se comparait volontiers au général de Gaulle s’arrêtera-t-il en si bon chemin ? Rien n’est moins sûr !Son ambition cachée ne serait- elle pas de se présenter aux yeux de tous et surtout des tuteurs français qui ont horreur des situations instables, comme un homme à poigne, le véritable homme fort de la transition ?Un homme fort qui ne se contentera plus de jouer les seconds rôles dans l’ombre , si les deux autres piliers de la transition que sont le premier ministre et son président continuent d’apparaître comme des hommes sans poigne.
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