Remaniement technique : Jeu de chaises musicales entre Onifadé, Reckya et Gbèdo

Annoncée dans l’après midi, d’hier mardi 5 février,  comme une rumeur, la chose est devenue une information officielle dans la soirée de la même journée.

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En effet, Le Chef de l’Etat béninois, Boni Yayi, a procédé à un remaniement technique de son équipe gouvernementale, hier. Au total, trois portefeuilles, dirigés exclusivement par des femmes,  sont concernés. Il s’agit du Ministère de la Justice, de la législation et des droits de l’homme, de celui du Commerce et de l’industrie et celui de la Micro-finance.  Ainsi, précédemment Ministre de la Justice, Elise Gbedo cède son fauteuil à Reckya Madougou pour s’installer dans celui du Commerce gardé précédemment par Sofiath Onifadé Babamoussa, qui elle, se chargera désormais de la  Micro-finance. Ce nouveau gouvernement a reçu déjà l’avis consultatif  du bureau de l’Assemblée nationale dans la soirée d’hier. Il est à noter que, c’est un jeu de chaises musicales qui s’est opéré au sein de l’équipe gouvernementale, entre trois femmes, à quelques heures  du départ du Chef de l’Etat pour Paris.
Camille A. Segnigbindé

Gbèdo d’une fournaise à une chaudière

22 mois sur des braises. C’est en ces termes qu’on pourrait résumer  le passage de Me Marie Elise Gbèdo à la tête du ministère de la justice.  Mais dans sa maison de destination, le ministère du Commerce, les dossiers sensibles ne manquent pas.

Elle poussera sans doute un ouf de soulagement. Mais ça sera juste pendant le laps de temps qui va s’écouler entre sa passation de service au ministère de la Justice, et sa prise de fonction à la tête de celui de l’Industrie et du Commerce. En mutant Me Marie Elise Gbèdo de la tête du ministère de la justice, qu’elle a occupé pendant un an et dix mois, pour le ministère de l’industrie et du Commerce, le Président Boni Yayi l’a déchargée d’un fardeau. Pour la charger d’un autre. 

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Pendant tout le temps qu’a passé Me Marie Elise Gbèdo  à la tête de la maison Justice, sa cohabitation avec les corporations sous sa tutelle a été caractérisée par des bras de fer. Sa démission a même été brandie parmi les revendications de grèves. Elle a agacé magistrats et notaires. La dernière preuve est le boycott de la cérémonie de présentation de vœux au ministère de la Justice par l’Unamab (Union nationale des magistrats du Bénin) et le Syntrajab (Syndicat national des travailleurs de la justice et assimilé du Bénin).

On se rappelle encore cette phrase, «les magistrats sont corrompus», qu’elle a sortie en décembre 2011. Des propos qui ont fâché les magistrats et occasionné, en plus des affectations faits sur fond de « règlements de compte que les magistrats», une tension entre cette corporation et Elle.

Ccib, Kpayo, Sonacop

Dans sa nouvelle destination, trois gros dossiers, très sensibles attendent Me Gbèdo. Il s’agit de la lutte déclaré par le chef de l’Etat contre l’essence de contrebande, encore appélé «Kpayo», la santé de la Sonacop (Société nationale de commercialisation des produits pétroliers) et les élections à la Chambre de commerce et d’industrie du Bénin (Ccib).

Après plus d’un an de transition, le retour d’une situation normale à la tête de la Ccib reste toujours un leurre. Les acteurs se mangent le nez. Et on est dans un fourre-tout juridique avec des dessous politiques, selon des connaisseurs de la maison consulaire. Prévue pour trois mois, la transition qui devrait permettre de reformer l’institution à travers le toilettage de ses textes, dure et perdure encore. Les nouveaux textes établis par l’équipe de transition de Zocli sont controversés. Il est de même pour le processus électoral. Me Gbèdo a donc la lourde mission de traiter cet épineux dossier.

Tout comme la lutte contre le kpayo. Déclarée par le président Boni Yayi il y a quelques mois, la guerre contre le Kpayo s’est actuellement soldée par un échec cuisant du Gouvernement. Dommage. Ministre de l’industrie et du commerce, Me Gbèdo devra trouver la magie pour convaincre et décourager les plus de 50 mille béninois (grossistes et détaillants) qui se nourrissent directement de ce commerce. Pourvu qu’elle n’y laisse pas son porte feuille, quant on connait les dessous de la traque anti-kpayo.

La Sonacop n’est pas en bonne santé actuellement. Récemment, l’Etat a encore injecté des milliards pour permettre à la société de survivre. C’est l’autre patate chaude pour Gbèdo. Rappelons que sous la présidence de Mathieu kérékou, Marie Elise Gbèdo avait dejà occupé ce poste de ministre de l’Industrie et du Commerce. C’est d’ailleurs à ce moment qu’a éclaté le scandale de «la vente de la Sonacop» avec l’argent de la Sonacop. Et me Gbèdo était, avec le Grand argentier de l’époque, Abdoulaye Bio Tchané, une des protagonistes de la vente de la Sonacop a Séphou Fagbohoun.

Réckya Madougou: de «sa micro finance» à un panier à crabes

C’est fini. Reckya Madougou perd, avec le remaniement technique d’hier, son titre de «madame micro finance» du régime Yayi. Elle quitte enfin «son élément» est-on tenté de dire. Depuis hier donc, Reckya Madougou Yedo est désormais la Garde des Sceaux, ministre de la justice, du Gouvernement. Là bas, le ministère de la micro-finance, de l’Emploi des Jeunes et des Femmes, d’où elle vient, Reckya Madougou Yedo a passé environ cinq ans à «donner les microcrédits aux plus pauvres», à assurer aux jeunes ce «fond national pour l’emploi des jeunes», entre autres.  Venue à ce poste en 2008, Reckya Madougou le quitte en 2013. Entre temps, les dieux de la micro-finance, de l’emploi des jeunes et des femmes, et du microcrédit aux plus pauvres, lui ont donné leur bénédiction pour qu’elle entre officiellement et religieusement dans une union pour le meilleur et pour le pire avec son prince charmant; un informaticien venu du Dohomé. Du changement à la Refondation, plusieurs vents de remaniement ont soufflé sans pouvoir l’emporter. On retiendra de son passage à la tête de ce département, l’accréditation ISO 9001 version 2008, accordée au Fond national de la micro-finance (Fnm).

Le ministère de la Justice où la ministre Madougou vient d’être mutée, est l’un des plus sensibles du Gouvernement.  Surtout à un moment où de gros dossiers de poursuites d’anciens ministres devant la haute Cour de justice sont agités. Sans compter avec les dossiers des magistrats et notaires suscités par Me Gbèdo et qui ont suffisamment fâché les corporations sous-tutelle de ce ministère.  Le ministère de la micro-finance semblait calme sous elle. Ce qui est le contraire pour celui de la justice qu’elle rejoint. Pourvu qu’elle ne se grille pas les ailes. Car là bas, à la Justice, magistrats, avocats, notaires, huissiers, et les auxiliaires de l’administration judiciaire sont des «durs à cuire». Réckya Madougou Yèdo est aussi la nouvelle porte-parole du Gouvernement. Très éloquente, elle a sans doute les aptitudes requises pour assurer cette fonction. Mais, "porter la parole" pour un Gouvernement qui ne connait que des scandales et des dossiers fumants, ce ne sera pas la joie pour Madame la Ministre.

Sofiath Onifadé, une ministre nomade

En dix mois et vingt six jours qu’elle vient de passer au Gouvernement à la date de ce 05 février où intervient un autre remaniement technique qui la touche, Sofiath Onifadé a connu trois ministères. Entré donc dans l’équipe Gouvernementale par le ministère de l’Energie, cette ancienne Directrice du Centre des Œuvres universitaires et sociales (Cous) de l’Université d’Abomey-Cala (Uac) a connu le ministère de l’Industrie et du Commerce avant d’être mutée à celui de la Micro-finance, de l’Emploi des jeunes et des femmes, à la faveur du remaniement technique d’hier.

Sofiath Onifadé a fait son entrée au Gouvernement à la faveur du remaniement technique du 10 avril 2012. Un remaniement qui avait entrainé le départ de Adidjatou Mathys, ministre des Finances, et l’entrée donc de Jonas Gbian et Sofiath Onifadé. Le Premier, ancien cadre de la Beceao, et ancien Conseiller spécial aux affaires macro-économiques du chef de l’Etat avait quitté son porte feuille de l’Energie pour regagner celui des Finances. Et elle, Sofiath Onifadé, biochimiste-environnementaliste a été parachutée de la direction du Cous qu’elle occupait depuis le 19 janvier 2009 pour le ministère de l’Energie.

Le 12 octobre, le Président Boni Yayi procède à un autre réaménagement technique de son équipe. Et le nom de la ministre Onifadé a encore circulé. Les premières informations l’avaient annoncé à la tête du ministère de la Microfinance. Mais finalement, elle a été mutée à l’Industrie et au Commerce, en remplacement de Madina Séfou qui était appelé à d’autres fonctions selon des sources concordantes. Et Seulement un trimestre après, Sofiath change encore de ministère pour se retrouver à la Micro finance. A la tête de l’Energie, elle a passé six mois. Au Commerce, son règne n’aura duré qu’un trimestre. Dans les deux cas,  à la tête des ministères, elle passe à peine le temps nécessaire pour prendre connaissance et s’approprier les grands dossiers et s’installer véritablement.  Et depuis, l’on peine à savoir ce dont elle est vraiment capable. Le Président Boni Yayi avait annoncé à Addis-Abeba l’octroi de 50% des portefeuilles aux femmes dans son prochain Gouvernement. Et ce remaniement est loin d’être celui à la faveur duquel, il tiendra sa promesse. Dans ce Gouvernement de 50% de femmes, on se demande quelle sera la prochaine destination de Sofiath Onifadé Babamoussa, la ministre nomade.
Léonce Gamaï

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