Le lion du roi GLELE

Le Mardi 13 Décembre 2011 à 18h, et à la Galerie CHRISTIE’S, sise au 9 Avenue Matignon, dans le 8ème Arrondissement de Paris ; donc le Mardi 13 Décembre a eu lieu un événement très important pour notre pays, le Bénin, et particulièrement pour la Famille Royale d’Abomey.

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C’est événement, qui s’est déroulé à l’insu de l’opinion nationale (mêmes nos Ambassades en France et auprès de l’UNESCO, et notre Consulat à Paris, n’étaient pas informés !), c’est la vente du LION du Roi GLELE.

Mis aux enchères, il a coûté à  son acquéreur la bagatelle de 1.017.000 €, soit 667,108 millions de francs CFA, plus d’un demi-milliard de F.CFA ! Une fortune assurément !!!

Maternellement BEHANZIN, j’ai rapproché, dans une grande douleur, cette vente et la bataille que se livraient les miens à DJIME (ABOMEY), pour la succession au trône de Roi GBEHANZIN, Héros National (1).

Coïncidence extraordinaire, c’est le jour même où le Doyen d’âge de la Collectivité Royale BEHANZIN, Daah Allogbozin Hêdagbé BEHANZIN, adressait une lettre au Préfet des Départements  du Zou et des Collines pour lui  rendre compte de la ‘’situation conflictuelle à Djimè’’ ; c’est ce jour-là même que le LION du Roi GLELE était vendu aux enchères à Paris !

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Cet évènement pose, sans conteste, le problème de la gestion de notre Patrimoine Culturel. Mais interrogeons-nous d’abord sur le LION de GLELE.

Le Lion du roi GLELE

Il s’agit d’une statuette de 50Cm de longueur et de 28,5 Cm de hauteur. Cf. Représentation ci-jointe. Elle est entièrement recouverte d’argent. Comme on le sait, le travail du métal, sous toutes ses formes, est une caractéristique de la culture fon d’Abomey ; et le bronze, le cuivre, le fer et l’argent sont largement utilisés pour fabriquer les objets de culte, mais aussi les articles profanes.

Selon Suzanne PRESTON BLIER, le lion vendu forme une paire avec le LION du Musée DAPPER. Le Roi GLELE les a fait exécuter, probablement avant 1871, par Allode HUNTONDJIFON : « la très grande qualité de la sculpture, associée à l’utilisation d’un métal aussi précieux que l’argent, font de cette œuvre un régalia de premier ordre. La rareté de ces objets nous pousse à croire qu’ils devraient orner un lieu prestigieux du royaume, tel que le palais royal du roi GLELE à Abomey » (2)

Le Roi GBEHANZIN hérita de ces statuettes dans le Trésor Royal laissé par son père, le Roi GLELE. Le Général DODDS, à la conquête du royaume, rentre dans Abomey le 17 Novembre 1892 et s’empare d’une partie du Trésor Royal. De retour en France, il offre une partie de son butin au Musée du TROCADERO, le reste revenant à son héritier Achille LEMOINE. En 1926 Charles RATTON achète à Achille LEMOINE un groupe d’objets fon, dont le LION du Musée DAPPER. Le lion vendu le 13 décembre 2011 provient probablement du Fonds du TROCADERO.

Le patrimoine de la famille royale d'Abomey

Ce LION n’est qu’un élément, parmi beaucoup d’autres, dont le Royaume a été dépossédé par le droit de conquête.

En 1892, ce n’est pas seulement le général DODDS qui s’est largement servi ! Plusieurs officiers de son Etat-major  ont participé ont pillage (il n’y a pas un autre mot !). Ils sont rentrés de leur campagne militaire avec un gros butin qui a dévasté le Trésor Royal du DANXOME. Je ne résiste pas à la tentation de vous livrer la description de ce pillage faite par Mme Marlène BITON, dans son article :’’Béhanzin, un homme broyé par l’Histoire’’ (3), à travers les citations de Michel FRANCOIS ‘l’Harmattan  – 2011),  et Hughes LAPAIRE (La Revue Blanche) lisez plutôt :

  • « Il est expressément entendu que tous les objets trouvés seraient partagés à la fin de la Colonne. Mais je t’assure que quelques bracelets, objets d’art, armes rares et bizarres,  sont mis de côté par l’Etat Magor. On a vu des choses épatantes dans les colis de messieurs les sergents de l’Etat-magor qui redescendaient des colonnes pleins d’objets divers »….. « des teintures en soies brodées ». « oui toute cette colonne n’est qu’une chasse à la collection. Tous font leur collection ; le directeur des affaires politiques en fait une vaste mais c’est paraît –il pour l’exposition de LYON »
  • « des quantités prodigieuses d’étoffes toutes neuves, des pièces entières jamais dépliées »…et avec « des chapelets de cauris, des armes, genièvre, bracelets d’argent et d’étain, des médailles, des fétiches, des pièces d’or à toutes les effigies »
  • Les Toffanis, Sénégalais et Européens pillent les cases, les officiers laissent saccager…et s’emparent eux-mêmes des moindres bagatelles de métal, de la petite idole d’ivoire. Certains arrêtent les spahis pour réclamer leur part ». (4)
  • « Le Général DODDS choisit les meilleurs pagayeurs et s’embarque avec quelques officiers de son état-major. Le chef du corps expéditionnaire semble prêter plus d’attention à ses colis qu’on apporte, à ses valises bondées de souvenirs ( !) provenant de fouilles de Cana et d’Abomey, qu’à ses soldats »…

« Les hommes de troupes, les auxiliaires et les porteurs en font tous les frais ». «  Le chef parti le premier la débandade s’installe, on se bat pour obtenir une place dans les pirogues trop peu nombreuses. Que dire des porteurs toffanis qu’on abandonne sur les rives » … « Ainsi, les toffanis, réquisitionnés pour porter de lourds fardeaux comme des bêtes de somme, maltraités par les soldats, mourant de faim et de soif sont, en récompense de leurs services, abandonnés sans vivres à 80Km de Porto Novo, et à deux cent mètres de l’ennemi ». (Huges LAPAIRE) (5)

Comme vous pouvez le constater, ce fut la ruée et la curée, un véritable ‘’vol de gerfauts hors du charnier  natal’’ !

On comprend après coup les raisons que GBEHANZIN avait de brûler le Palais avant de quitter Abomey en flammes !

Il ne voulait pas laisser le conquérant français s’emparer des richesses que ses Pères avaient accumulées dans leurs Palais ! Cette politique de la terre brulée, qu’on rencontre souvent dans l’histoire dans des cas similaires, est en réalité un acte patriotique qui relève de la défense du patrimoine !

Les descendants du Roi GBEHANZIN ne comprennent pas toujours ces aspects de sa politique, qui ont fait un procès à un ambassadeur de France, au début du règne de Houédogni BEHANZIN, à propos de cet incendie.

Après cette longue digression, revenons au patrimoine de la Famille Royale d’Abomey pour dire que, après l’incendie de Novembre 1892, et le razzia effectué par le conquérant français exerçant son droit de conquête, il ne restait plus grand chose du Trésor Royal. Ce sont les bribes rassemblés qui ont permis de créer le Musée Historique d’Abomey  sur les sites des palais des Rois GUEZO et GLELE. Ce musée a été victime, au cours des années, des vols des visiteurs et des ventes illicites d’objets. Le résultat de toutes ces avanies, c’est que l’essentiel du Patrimoine Royal d’Abomey, en tout cas la majorité de ses pièces majeures, se retrouvent encore aujourd’hui dans les mussées étrangers (Musée du Quai Branly, Musée DAPPER…etc.) et dans les collections privées en France, en Europe, et probablement en Amérique.

Devant une telle situation,  la tentation est forte de vouloir un rapatriement !. Cela est parfaitement possible  grâce aux conventions de l’UNESCO sur le retour des biens culturels. Mais il nous faudra, au préalable régler, et régler correctement, le problème de la conversation de ces biens, une fois qu’ils seront rapatriés.

Sans cela, il vaut encore mieux laisser ces objets, ces biens là où ils sont actuellement pour éviter leur dégradation (faute d’une bonne conservation !) ou leur vol, en cas de retour non organisé.

L’Etat doit doter nos musées, en particulier le Musée Historique d’Abomey, de structures appropriées de conservation. L’Etat doit aussi encourager la naissance ou la création d’institutions, comme la fondation ZINSOU, capables de conserver et de montrer à notre public les objets et pièces de notre patrimoine, dans des conditions de conservation optimales ; capables aussi de promouvoir la créativité de notre peuple par une politique de soutien aux créateurs.

Mais la Famille Royale doit jouer aussi sa partition.

La famille royale d'Abomey

Elle se complait actuellement dans une ignorance scandaleuse de son patrimoine, dispersé aux quatre coins du monde, suite à la conquête coloniale. Mais elle doit prendre conscience de cette situation déplorable, pour entreprendre résolument de la changer radicalement. Pour accomplir efficacement ce devoir, la famille Royale  doit se réorganiser pour retrouver son unité. Heureusement, elle est en bonne voie avec le choix du Roi Dédjalagni AGOLI-AGBO, par la majorité de la Famille (9 lignées sur 12), pour intégrer le Palais Central de WEHONDJI. Il faut consolider cette unité en rétablissant le CAFRA (Conseil d’Administration de la Famille Royale d’Abomey créée en 1932 !) et en obtenant l’accord de la Lignée Royale BEHANZIN pour la formule d’unité retenue.

En réalité, la gestion de son patrimoine constitue l’une des tâches importantes qui reste à la Famille Royale depuis la suppression de la Monarchie par le Colonisateur  français en Février 1900 (6). Non seulement nous sommes en République, mais nous essayons de bâtir une démocratie ! Il n’y a plus d’enjeu politique pour la Famille Royale !

Désormais, elle est réduite à une Autorité morale qui a précisément en charge la gestion de nos traditions et de notre patrimoine ou, du mois, ce qui en reste.

Pour bien jouer son rôle de gestionnaire du patrimoine, elle doit commencer par le recensement exhaustif de ce patrimoine. Les Palais privés des Princes Héritiers, souvent inoccupés et envahis pour la brousse, constituent une partie de ce patrimoine. Ils sont en cours de réhabilitation grâce à l’action de VIDEKON (7), grâce aux centenaires qui ont été organisés (Glèlè, Agonglo,Béhanzin,Akaba…etc). La Famille Royale doit continuer ce travail de restauration ou s’alliant à la Mairie d’Abomey pour organiser le Festival du DANXOME.

Mais le recensement doit s’étendre aussi aux Musées et Collections Privés qui, de part de monde, détiennent des objets et des pièces de ce patrimoine. Ici, la Famille Royale doit se trouver vers notre Etat pour l’aider, à travers le Ministère de la Culture. Elle doit solliciter aussi l’UNESCO et d’autres Institutions Culturelles Internationales comme l’Organisation Internationale de la Francophonie (O.I.F.)

La tâche apparaît ainsi immense ! Elle requiert et nécessite donc méthode et détermination.

Je ne doute pas que nous en soyions capables.

Fait à Cotonou, le 07 Février 2013

Jean-Roger AHOYO
Daah GOUDJEMAN

  1. La succession au trône de BEHANZIN à DJIME se pose depuis que le Roi Houédogni, à cause d’un handicap physique, ne peut plus occuper le trône. La bataille a donc commencé entre deux de ses neveux, tous les deux candidats à la succession. Elle continue malheureusement, et le décès accidentel d’une des épouses de l’un des candidats n’est pas fait pour calmer les esprits. Que les membres de la famille, qui ont la foie, redoublent de prières !
  2. Suzanne PRESTON-BLIER, in’’ Le Roi Glèlè du Dahomey, les portraits divinatoires d’un roi lion et homme de fer’’ dans Magies’’-Musée DAPER, Paris 1996.
  3. Marlène Biton – in ‘’Béhanzin, un homme broyé par l’histoire’’ publié dans les Actes du Colloque de Décembre 2006 sur la vie et l’œuvre du Roi BEHANZIN ‘’Dada GBE HEN AZIN… Actes du Colloque du 13 au 15 Décembre 2006’’ Edition Ablodè 2009.
  4. Toffanis : Il s’agit des Toffins au Toffinou recrutés par le Roi Tofa pour l’accompagner le corps expéditionnaire de DODDS
  5. La manière dont le Conquérant Français a traité les porteurs Toffins, qui viennent pourtant de l’aider vaincre leurs frères du DANXOME ; cette

manière-là donne froid dans le dos ! Ce Conquérant a assurément une pierre à la place du cœur. Cela me rappelle les mots de Césaire, dans son ‘’Discours sur le Colonialisme’’ sur notre rencontre avec l’Europe. Lisons le ensemble à la page 26, dans l’édition de 2004 de Présence Africaine : « La vérité est que j’ai dit tout autre chose : savoir que  le grand drame historique de l’Afrique a moins été sa mise en contact trop tardive avec le reste du monde, que la manière dont ce contact a été opéré ; que c’est au moment où l’Europe est tombé entre les mains des financiers et des capitaines d’industrie les plus dénués de scrupules, que ce soit cette Europe là que nous ayons rencontrée sur notre route et que l’Europe est coupable devant la communauté humaine du plus haut tas de cadavres de l’histoire. »

  1. C’est le Résident VEISSEYRE, Administrateur Stagiaire, qui prend l’arrêté de destitution le 12 Février 1900 pour mettre fin à la monarchie et intégrer les territoires qui dépendait d’AGOLI-AGBO dans la Colonie du ‘’Dahomey et dépendances.’’

AGOLI-AGBO est déchu et transféré à Porto-Novo ; d’où il part le 4 Mai 1900 pour Libreville (Gabon) à destination de N’DJOLLE, avec un de ses fils et deux de ses femmes. La décision du 20 Mars 1900 réorganise l’ancien protectorat d’Abomey en 9 parties comme suit :

  1. Ville d’Abomey : Divisée en 13 quartiers
  2. Région d’Abomey divisée en 8 cantons
  1. DONA
  2. UNGBEGAME
  3. TENJI
  4. ALAHE
  5. ZOGBODOME
  6. CANA
  7. SINWE
  8. ADJAHONME
  1. VIDEKON. C’est l’Association par le Développement de la Commune d’Abomey, membre de l’A.D.R.H.A (Association pour le Développement de la Région Historique d’Abomey-le Plateau d’Abomey, avec ses six (06) Mairies : ABOMEY, AGBANGNIZOUN, BOHICON, DJIDJA, ZA-KPOTA, ZOGBODOMEY). VIDEKON a initié en effet, le projet de réhabilitation des Palais privés des Rois d’Abomey en vue de créer un ‘’circuit touristique sur le Plateau d’Abomey’’.

 

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