L’inexcusable excuse

Une mission plutôt impossible : présenter les excuses du gouvernement aux Béninois malmenés, maltraités, ces jours-ci, par un délestage sauvage. Voilà les terres ingrates sur lesquelles Barthémy Kassa, ministre de l'Energie était allé en mission.

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Il devait y faire germer la compréhension des Béninois littéralement pris en otage par la Société béninoise d'Energie électrique (SBBE).

Qu'espérait-il vraiment Barthélémy Kassa dans une situation où le "Cause toujours", synonyme de "Je ne t'écoute pas" ne pouvait être que la réponse de populations outrées, déçues et frustrées ? C'était comme si l'on demandait à ces populations de payer pour les incuries des autres, de prendre leur mal en patience ou alors de se résigner à leur triste sort.

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Qu'on ne s'y trompe point : les Béninois ont déjà touché le fond de l'abîme. Ils ont déjà bu le calice de l'amertume et de la déception jusqu'à la lie. Face à quoi, les explications à coups de mégawatts de plus, de trop ou de moins résonnent aux oreilles des sinistrés de l'énergie que nous sommes devenus comme une enfilade de mots troués. Face à quoi, les excuses qui se cherchent des boucs émissaires   résonnent aux oreilles des handicapés de l'énergie que nous sommes devenus comme un coup de bluff.

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Le ministre Barthélémy Kassa était allé au charbon défendre l'indéfendable, une séquence télévisée consacrée à l'inexcusable excuse. Parce que çà démangeait l'autorité de dire quelque chose, même si, en fait, elle n'avait pas grand-chose à dire. Parce que le silence aurait paru une forme d'indifférence et de non assistance à personne en danger.  Alors, l'intervention télévisée du ministre de l'Energie est à saisir en son esprit et à situer en son contexte. D'un côté, des paroles par défaut destinées à combler un vide. De l'autre, des paroles de circonstance. Par obligation d'être dans l'air du temps.

Il nous paraît alors nécessaire, pour parler aux Béninois de la crise de l'énergie qui les frappe, de trouver des mots nouveaux, des approches de communication nouvelles, une démarche pédagogique nouvelle. Nous devons changer de mode opératoire, laissant aux vestiaires nos formes d'intervention classiques . Elles manquent d'efficacité. Elles passent à côté de leurs cibles. On doit essayer autre chose.

Il faut rendre compte au pays, suite aux coupures   intempestives d'électricité, des dégâts, des dommages et des préjudices causés à notre patrimoine commun national. Les 9 millions de Béninois et de Béninoises que nous sommes sont les copropriétaires d'un ensemble de biens. S'en préoccuper, avec le délestage sauvage que nous subissons ces temps derniers, relève du patriotisme le plus élémentaire. Regardons du côté de l'administration. Elle est frappée de plein fouet. Elle subit les contrecoups de ces coupures de courant. Nous devons connaître le coût exact des préjudices enregistrés, non seulement en termes d'équipements perdus, mais encore en termes de temps perdu. Nous avons besoin, en outre, de savoir le degré de satisfaction des usagers de notre administration par temps de délestage. N'y voyez pas une manière de couper les cheveux en quatre. Il y a deux mots en français pour dire ce besoin d'ordre et de rigueur : bonne gouvernance.

Il faut, par ailleurs, évaluer, de manière exhaustive, suite aux coupures intempestives d'électricité, les dégâts, les dommages, les préjudices infligés aux personnes privées, aux entreprises privées. Sinon, l'on survole allègrement de véritables drames, telle cette PME qui a perdu les deux petites machines qui en constituent l'âme et l'épine dorsale. Sinon, l'on fait vite l'impasse sur des pertes irréparables, avec cette unité de broderie qui ne pourra plus honorer ni ses commandes, ni ses traites bancaires. Par rapport à quoi, des excuses générales à la télévision sont comme à l'image d'un pagne faussement pudique. Il cache des élans brisés, des vies cassées, des espoirs ruinés.

Il faut, enfin, restaurer, suite aux coupures intempestives d'électricité, le slogan inspiré d'une droite justice et selon lequel le casseur doit payer. Revoilà donc "le Casseur Payeur" La réparation doit être vue et appréciée comme la forme la plus achevée de l'excuse. L'offensé est quelque peu soulagé. L'offenseur est quelque peu réhabilité. Et puis, qui paye ses dettes s'enrichit. Voilà comment la réparation nous aidera à mettre fin au règne de l'impunité.

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