Depuis environ deux semaines, il n’est question que de tentative avortée de coup d’Etat dont les deux protagonistes présentés comme tels, sont depuis, sous mandat de dépôt : un expert-comptable sans histoire d’un cabinet bien connu de la place et un officier supérieur de gendarmerie, à ce jour, inconnu du grand public.
Le Procureur de la République d’ordinaire si disert, n’a donné du présumé complot que peu de détails dans son communiqué délibérément laconique. Il s’est contenté de dire que l’affaire est dans les mains du juge d’instruction. Il a fallu lire une certaine presse toujours bien informée, dans sa parution du lundi dernier, pour en savoir davantage sur le fameux complot. Davantage de détails ai-je dit, oui, mais des détails pour le moins ubuesques qui donnent du fait incriminé les aspects d’une histoire cousue de fil blanc.
Dans ce récit rédigé aux temps présents et passés de l’indicatif sans aucun verbe au conditionnel, un narrateur omniscient donnent des détails abracadabrantesques d’un scénario mal ficelé, à lui rapportés par des sources non identifiées qui ont tout l’air de sortir tout droit de la cuisse de Jupiter. Sinon, comment comprendre qu’un chef d’escadron sans troupe, en passe d’aller à la retraite, se rapproche du chef d’Etat major de l’armée de terre en exercice, et qui plus est récemment promu, pour lui faire part d’un coup d’Etat ? Ce dernier fait installer des caméras d’enregistrement à l’insu de l’apprenti-putschiste, se voit tendre un autre jour le téléphone au bout duquel se trouve un interlocuteur bien connu, le même que dans l’affaire dite de tentative d’empoisonnement du Chef de l’Etat.
Le capitaine Michel Aïkpé et le colonel putschiste Kouandété doivent se retourner dans leur tombe devant tant d’amateurisme et de naïveté. Un scénario qui ressemble en tout point à celui dit de la tentative d’empoisonnement où nous avons un crime : la tentative présumée d’empoisonnement, de méchants criminels : le ministre, le médecin du chef de l’Etat, la nièce de ce dernier(qui a vendu la mèche), et un homme d’affaire en disgrâce. Le mobile du crime est connu aussi :la vengeance pour les marchés perdus. Dans le cas du coup d’état, l’auteur du coup est connu, les commanditaires aussi, de même que le colonel patriote qui a vendu la mèche. Cette affaire aura –telle plus de chance d’aboutir que la première? Il est permis d’en douter au regard de la légèreté du scénario. Selon les indiscrétions relayées avec assurance par notre confrère du site afrika7.com, la demande d’extradition de l’homme d’affaire n’a aucune chance d’aboutir à cause dit-on des insuffisances du dossier. Ici au Bénin l’audience sollicitée par les avocats des prévenus à la chambre d’accusation pour obtenir la nullité de la procédure a déjà été reportée par deux fois. Au demeurant, plus de six mois après le déclenchement de cette affaire et l’épisode rocambolesque d’un conseil de discipline organisé à la hussarde pour sanctionner le médecin colonel félon, les présumés criminels ont été extraits de la prison d’Akpro –Missérété en direction de la prison de Lokossa pour le médecin personnel et celle de Ouidah pour le ministre. Quant à la nièce, nul ne sait où elle se trouve. Des sources prétendument bien informées la disent tantôt dans une clinique de la place tantôt en Belgique.
Rappel
Tout ce développement pour rappeler que les complots sous l’ére Yayi se suivent et se ressemblent. On sait quand ils sont censés avoir commencé et qui en sont les auteurs et les commanditaires dès le premier jour mais ils se terminent en eau de boudin. Qui se souvient encore de l’attaque présumée du cortège du nouveau chef de l’Etat à hauteur de kèmon, non loin de Kilibo au lendemain de la victoire de 2006 ?Elle avait été attribuée à des opposants. Une commission d’enquête présidée par l’ex chef d’Etat major général des armées a été mise sur pied mais personne n’a jamais entendu parler de ses conclusions. Le Bénin, l’ex Dahomey était connu dans les années 60 comme « l’enfant malade de l’Afrique », le pays du « coup d’état permanent », selon l’expression pittoresque de Paulin Joachim , éditorialiste de talent de la célèbre revue Bingo qui vient de nous quitter. Ceux d’entre nous qui ont connu cette période savent ce qu’un coup d’Etat veut dire. Un vrai complot avec de vrais soldats , qui tiennent des réunions secrètes font sortir des chars du célèbre camp de Ouidah, où nichaient les fameux commandos parachutistes. Des coups d’état sans effusion de sang, comme on le disait à l’époque, à l’image de celui qui a chassé du pouvoir le président Zinsou, enlevé du palais dès son arrivée au bureau déporté vers le nord du pays et rendu à sa famille quelques jours plus tard.Ou celui, resté célèbre dans l’histoire, de 1972 où se sont illustrés les deux plus grands baroudeurs que notre armée ait connus :les capitaines Michel Aïkpé et Janvier Assogba .C’est ce coup qui a mis fin au « monstre à trois têtes », selon l’expression des putschistes et qui a débouché sur les 17 ans de régime militaro-marxiste. Même quand ces coups échouaient comme celui qui a conduit le fameux sous officier Moumouni au domicile de l’ex chef d’Etat major des armées, le futur général Paul Emile de Souza, il y avait toujours de vrais complots avec de vrais scénarii, un début d’exécution du complot et de vraies morts comme celles de Moumouni. Aujourd’hui, les complots se suivent et se ressemblent avec des scénarii à dormir debout. Si l’armée béninoise a rompu avec la tradition des coups de force, (et c’est tout à l’honneur du pays), ce n’est pas tant parce qu’elle n’a plus de baroudeur en son sein ni qu’elle veuille respecter l’engagement pris à la Conférence nationale que parce que les garde fous ont été prévus pour contenir les frustrations des populations. Encore faudra-t-il laisser ces garde fous jouer leur rôle !
Sinon, aucun pays, même pas le Bénin laboratoire, n’est à l’abri de l’avènement d’un Maïnassara Barré, d’un Sanogo ou d’un Salou Djibo.
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