BENIN : le devoir de se ressaisir

La situation que traverse le Bénin, est de plus en plus préoccupante ; surtout dans le contexte international marqué par des crises multidimensionnelles, et un environnement sous régional caractérisé par des violences qui déstabilisent des Etats apparemmentpaisibles et ancrés dans la démocratie.

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Le Bénin a eu la chance depuis sa conférence des forces vives de la Nation de Février 1989, d’entrer dans la modernité lorsqu’une prise de parole voire de pouvoir citoyen permit dans un sursaut collectif, d’instaurer un Etat de droit et un système démocratique. La constitution du 11 Décembre 1990 a ainsi mis en place des institutions dont le fonctionnement a stabilisé un pays connu pour ses putschs à répétition. Ceci a également favorisé une croissance économique et préservé la Paix. Il est clair que la constitution et les institutions à elles seules n’auraient passuffi pour obtenir ces résultats : il a souvent fallu un esprit de sagesse et de dépassement à des femmes et des hommes chargés de la gestion de la chose publique pour surmonter des crises majeures et permettre à la mosaïque de peuples si différents vivant sur ce territoire de poursuivre cette difficile marche vers la construction de la Nation. Il faut être conscient que sans les brassages et l’éducation qui leur permettent de communiquer dans une de nos langues nationales ou en français, le paysan de d’Adja Ouèrè ne peut communiquer avec celui de Malanville, pas plus que la vendeuse de fruits de Bassila avec sa sœur d’Abomey ou d’Agoué et j’en passe. C’est dire que l’équilibre qui permet à ces populations de vivre sur le même territoire reste fragile et doit être chaque jour consolidé.

En approuvant par référendum le 2 décembre 1990 l’actuelle constitution, le peuple béninois, a réaffirmé dès le préambule, son opposition fondamentale à certaines pratiques comme «l’arbitraire, la dictature, l’injustice, la concussion, le régionalisme, le népotisme, la confiscation du pouvoir et le pouvoir personnel». Ce peuple a, proclamé sa «ferme volonté de défendre et de sauvegarder sa dignité et mis en place un système de valeurs : il a en effet redit solennellement «sa détermination … de créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste, dans lequel les droits de la personne humaine et la justice sont garantis , protégés et promus comme la condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque béninois tant dans sa dimension temporelle, culturelle que spirituelle».

A la lumière des faits observés depuis plusieurs mois, de nombreux citoyens s’interrogent. J’en suis. De nombreux faits, des pratiques, des comportements, des attitudes démontrent que l’on s’éloigne de plus en plus de ce système de valeurs. On ruse avec les textes et on abuse del’Etat de droit. Il n’est pas certain que ce ‘’développement véritable et harmonieux de chaque béninois’’ soit toujours la motivation des décisions prises par certains dirigeants ni qu’il soit la préoccupation de tous les citoyens …Dans les comportements des uns et des autres, marqués par des annonces de tentatives supposées ou réelles à la sûreté de l’Etat et l’incivisme, je vois de sérieuses menaces à la préservation de la Paix et donc des atteintes particulièrement graves à la construction de la Nation.

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Dresser les citoyens les uns contre les autres quel que soit le motif est dangereux, chercher à opposer le Nord au Sud, l’Est à l’Ouest en invoquant au plus haut niveau de l’Etat les «siens» qu’on pourrait faire «descendre» sur la capitale est périlleux.

L’histoire récente, celle qui se déroule encore sous nos yeux, montre que dans les contrées où existent des institutions assez solides avec un niveau d’éducation et d’instruction avancé, les citoyens se sont «indignés» avec une violence contenue. Je crains que dans nos contrées, ce refus du contresens et de l’injustice ne prenne une tournure assez radicale car là où la faim et le chômage prospèrent face à des mauvais comportements et des abus de toute sorte, la violence folle s’exprime. Plus personne n’aura plus peur de la répression.

Les hasards de la vie professionnelle m’ont fait témoin parfois impuissant de drames qu’il est possible d’éviter : des femmes violées, des jeunes filles et garçons abusés, des enfants soldats, des communautés longtemps assiégées et soumises à des règles d’un autre âge … cela n’arrive pas qu’aux autres.

Et pourtant il est possible de mobiliser la jeunesse autour de valeurs de civisme et de travail. Nos villes – actuellement poubelles, mal famées- peuvent devenir des cités saines, paisibles et sécurisées. Nos campagnes en friche avec des bras valides qui s’ennuient d’inactivité pendant qu’on en appelle à l’aide alimentaire, peuvent rapidement devenir des pôles de production et de développement. Il est clair que les femmes non plus, ne demandent pas mieux qu’à être entendues et reconnues pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire citoyennes ayant les mêmes droits que les hommes pour assurer des responsabilités et rendre nos sociétés plus humaines et véritablement équitables.

Il est impérieux que tous les citoyens de ce pays se ressaisissent, retrouvent la voie de la sagesse et l’ambition du Développement: les dirigeants par un sens plus avéré de la responsabilité, le respect de la constitution et des valeurs qu’elle porte, les autres acteurs de la vie publique et tous mes compatriotes par un retour au civisme et la mobilisation autour des nobles idéaux de Fraternité , de Justice et de Travail qui constituent la devise du Bénin.

NB: Les vues exprimées ici sont personnelles et n’engagent pas l’ONU.
Aurelien A. Agbenonci
Coordonnateur Résident & Humanitaire des Nations Unies au Mali

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