De la distorsion des mandats politiques aux risques y afférents

Bienvenue au royaume de Dieu ! Pendant que les uns se livrent à une hypocrite excitation jubilatoire, les autres (dont je fais hélas partie), le regard hagard, impuissants et essoufflés, observent et boivent le calice jusqu’à la lie.

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Et comme dans un dernier soubresaut de fauve agonisant, ils cherchent à briser l’humeur suspecte des premiers mais se ravisent non pas par peur mais parce que désormais, sous nos cieux, quiconque trouve à redire ou à critiquer la gestion de plus en plus chaotique et improvisée de « l’unique fils de Dieu » est  châtié, avec sévérité, pour sa témérité. Motus, bouche cousue ! Aimaient si bien le dire les deux compères satiriques, Dupond et Dupont des Aventures de Tintin qui ont bercé notre enfance. Comprenez qu’à partir de maintenant, ceux qui ont les yeux éveillés sont contraints, par peur, de garder leur bouche hermétique.

Chuttt ! Désormais au Bénin, les seuls capables et légitimes pour parler de la situation du pays, ce n’est pas vous les éclairés mais nous ; oui, nous qui nous sommes érigés en «soupape, fusible ou en chiens de garde» du Suprême. Mes amis militaires ont la meilleure formule pour illustrer la situation: «soumission ou démission».

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Malgré la permanente crainte du marteau judiciaire qui plane sur la tête de tout audacieux et la menace de malédictions diverses proférées à travers d’intenses prières et marches de soutien, je veux oser parler. Parler non pas parce que je me considère comme le plus courageux ou le plus intelligent mais parce que mon enseignant du CE1 et du CE2, Maître Roger encore appelé Teacher Boko que je salue bien bas, ne manquait aucune occasion de frapper dans les jarrets et mollets non seulement  certains de ses élèves indélicats ou fautifs mais aussi ceux (dont je faisais souvent hélas partie) qui étaient de près ou de loin leurs complices. Plus de vingt ans après, je me rappelle encore l’indignation de cet enseignant,  comme si c’était hier et je refuse par conséquent d’être complice actif ou passif de ceux-là qui font et défont la politique dans mon pays, en l’occurrence nos chers députés.

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En effet, un «honorable député» connu pour être tonitruent, trublion, a introduit, ce 22 mars 2013, une proposition de loi visant à proroger le mandat des conseils municipaux arrivant à terme le 30 juin prochain. Or, selon les dispositions légales en vigueur, «le vote pour le renouvellement des conseils communaux ou municipaux doit intervenir trente (30) jours au plus tard avant la fin du mandat».

Donc, les députés béninois seraient en train de vouloir prolonger le mandat actuel des maires, des chefs d’arrondissements et autres élus locaux. Bien! Mais pourquoi? Parce que toute la classe politique a été laxiste et incapable de faire tenir les élections communales à bonne date. C’est si simple comme raison. Mais de façon plus concrète et ensembliste, c’est par faute d’une liste électorale fiable et digne d’un Etat qui se veut encore «démocratique». Je me refuse de revenir sur la grande polémique de cette LEPI tronquée dans laquelle des milliards de francs Cfa ont été joyeusement engloutis, laissant sur le flanc des centaines de milliers de mes concitoyens.

Cette prolongation leur semble à eux tous, normale. Bien! Mais attention!!! Si on prolonge légalement avec consentement de tous en 2013 leur mandat, serait-on surpris qu’on décide subitement de prolonger le mandat des députés en 2015? Moi, non ! Ce serait purement logique.

Et si par tacite consentement, on prolonge le mandat de ces deux catégories de dirigeants, pourquoi ne prolongerait-on pas celui de l’actuel président en 2016? La constitution béninoise n’a-t-elle pas institué le principe de l’égalité dans ses «bonnes paroles»! Je ne serais pas porté à un haut degré d’incandescence par ceux-qui viendraient lancer des algues vertes toxiques contre le Suprême pour prorogation de son mandat, fût-elle unilatérale ou consensuelle. Il serait de son droit aussi. Pourquoi aux uns et pas à lui ?

Visiblement turlupinée par cette question, AZ une compatriote vivant en Belgique, en appelle à la fameuse campagne «Touche pas à ma constitution». Mais, où sont aujourd’hui les tenants de cette campagne? La plupart d’entre eux ne sont-ils pas allés se désaltérer au marigot aujourd’hui en voie d’assèchement accéléré? Et où est maintenant le financier de cette campagne-là? En exil! Qu’il soit politique ou non, ça s’appelle exil!

S’agit-il d’un complot de toute la classe politique béninoise comme s’interrogeait, hier, mon autre amie Alida? Je ne saurais le dire car en réalité, je vois qu’il y a une certaine classe politique qui est dépassée par les événements et donc se résigne. Pendant longtemps, quand ceux-là essayaient de parler (je ne veux pas les absoudre non plus ou leur refaire une nouvelle virginité; on peut longuement établir la liste de leurs maladresses et incohérences difficilement compréhensibles), on montait la même population contre eux; enfin, je préfère dire une certaine population. Ils furent traités de tous les noms d’oiseau. Aujourd’hui, il faudra ajouter à cela leurs maladresses qui les ont coulés. Et maintenant, ils sont à la touche, essoufflés de s’être échauffés pendant quasiment toute la partie. Après 70 minutes jouées sur les 90, battus et impuissants, le «sélectionneur» (le peuple, je veux dire) veut qu’ils fassent leur entrée en jeu! Comme Balotelli, l’enfant terrible du football italien, ils jettent le maillot à terre et se «cassent» en refusant de venir endosser une quelconque part de responsabilité dans la défaite finale. Tant qu’à faire, qu’il coule tout seul. Je caricature peut-être, mais à mon avis, c’est ce qui se passe.

Cependant, si c’est un complot, il devrait inévitablement y avoir ceux qui l’ont mijoté, mouliné et potassé. Je me refuse là encore de parler d’eux. Chacun a sa morale ; chacun à sa conscience.

Ce qui est sûr, à l’arrivée, « les prolongations ne choqueront personne puisque tout le monde sera servi et la démocratie béninoise davantage embellie… Les chantres de la paix passeront à la télé pour appeler à l’apaisement en nous disant «Dieu aime le Bénin et notre président»… Et ensemble nous découvrirons l’Acte II de la Refondation. Super, le pays s’en portera mieux. Ah oui, Dieu aime le Bénin et ses habitants », constate mon ami et « frère », l’excellent journaliste Léon Anjorin Koboudé.

Justement, Dieu n’aimait-il pas la Côte d’Ivoire et le Congo Démocratique où il y a plus d’églises au mètre carré que le Bénin ? Je m’excuse auprès de mes dizaines d’amis et frères Congolais et Ivoiriens pour ce parallèle très vite établi.

C’est qu’à en croire les affidés du pouvoir, Dieu aimerait tellement le Bénin qu’il aurait envoyé son « fils unique et aimé » le présider depuis quelques années déjà. N’a-t-il donc pas raison quand il déclarait en 2007 : «entre Dieu et le Bénin, il y a moi»?

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