Fête et nation

La fête. Prenons-la dans son sens de réjouissance publique et périodique. Le Bénin en est particulièrement friand. Les Béninois y sacrifient à suffisance.

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 Nous sommes un pays qui résonnent, chaque jour que Dieu fait, de nouba et de java, de fiesta et de bamboula. Ce sont autant de synonymes de fête. 

Et la fête, le week-end pascal dernier, a gardé tous ses droits. Celui, par exemple, de rapprocher les êtres et les choses, de faire entonner, ici et là, sur toute l’étendue du territoire national, l’hymne à la fraternité et à la solidarité. Nombre de nos communautés de base ont entendu cet hymne à l’union, facteur de force. Ainsi, des creusets se sont reconstitués ; des foyers d’échanges se sont remembrés ; des cercles de partage vibrent désormais aux accents des retrouvailles.

Tour rapide de quelques fêtes, le week-end pascal dernier. La commune de Dassa-Zoumè a abrité la troisième édition du Festival des Arts et Cultures Idaasha. Une belle fête, au rythme d’une foire commerciale, d’un concert de musique traditionnelle, et de projection de films. Même ambiance à Kétou. Les enfants de cette localité ont célébré les retrouvailles annuelles marquées, en vedette, par la marche «Iranti», souvenir en nago. Bopa était aux couleurs de la fête «Gogo», dont c’était le cinquantenaire. Bantè n’était pas en reste. Il a célébré avec faste la 5ème édition de la fête de la solidarité communautaire. Ne disons rien de Ouidah. Les années passent et l’attraction demeure. Comme chaque année, à Pâques, la  cité Kpassè refuse du monde. La Belle au bois dormant de tous les jours se transmue, en un jour et pour un jour, en destination privilégiée.

La fête qui ressoude les communautés à la base, restaure une citoyenneté locale active, provoque des retrouvailles joyeuses est à lire comme un phénomène sociologique et politique de fond. On s’y tromperait en s’arrêtant à la surface, à l’écume des choses.  C’est un Bénin nouveau qui naît, adossé à des réalités identitaires fortes. C’est la nation qui se projette à grands traits, laissant découvrir, à travers les toutes premières esquisses, les murs de soutènement de l’édifice final.

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C’est, d’abord, que la fête agit comme un liant, un ciment d’une force exceptionnelle. Elle rejoint et épouse les dispositions culturelles de toutes nos communautés sans exception. Plutôt la fête, une belle occasion pour se retrouver et rire que les funérailles, de noires parenthèses qui bruissent de pleurs et de lamentations. Encore que, en Afrique en général, au Bénin en particulier, les obsèques tournent vite à la fête. Comme si, au bout du compte, les vivants voulaient défier la mort, en la   tournant en dérision. La fête, chez nous, est reine et nos communautés la reconnaissent comme telle. C’est la fête qui offre les meilleures occasions et opportunités de communion, de retrouvailles et de partage.

C’est, ensuite, que la fête intègre nombre de valeurs d’une communauté, cadre idéal de leur expression et affirmation, de leur défense et illustration. La fête est, par essence, culturelle, mêlant des arts divers : l’art du vêtement et de la cuisine, l’art de la danse et de la musique, mais aussi le patrimoine et la mémoire, le visible et l’invisible, le profane et le sacré. A travers la fête, une communauté revit ses normes, révise ses codes. La fête est ainsi une plateforme culturelle solide et totale sur laquelle un groupe humain prend son envol vers ailleurs, sans se déconnecter de son sol primordial. Léopold Sédar Senghor parlerait «d’enracinement et d’ouverture». Une posture de parfait équilibre : les pieds dans l’humus de son terroir et la tête dans les nuages et les mirages du vaste monde.

C’est, enfin, que la fête si belle soit-elle et dans le cas qui nous occupe, doit se préoccuper des fins déterminées, des buts précis à atteindre. La fête pour la fête est un non sens, un feu d’artifice sans lendemain. Qu’est-ce que les enfants d’une communauté, rassemblés autour de leur localité, peuvent-ils souhaiter de mieux ? De former une entité qui compte dans l’ensemble national et avec laquelle toutes les autres entités de la nation en devenir peuvent et doivent compter. De faire de leur localité la pépinière du Bénin de leurs rêves.

Nous voilà loin du modèle de l’Etat-nation à l’occidentale. La nation qui naîtra de ces entités façonnées dans la fête et par la fête, mettra ensemble, des peuples partenaires. Des peuples profondément conscients de leur différence, mais contractuellement unis par leurs intérêts communs de vivre ensemble. Laissons-nous y voir une révolution.

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