La Diplomatie à la béninoise : une autre «Realpolitik»?!

Qui a dit que le réalisme en Diplomatie était l’apanage exclusif des nations occidentales ? Le Bénin aussi est allé à cette école, ces dernières années, notamment sous le régime du Changement,

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malgré une certaine cacophonie et une confusion entretenues auparavant, créant des difficultés à nombre d’experts pour qualifier valablement sa ligne diplomatique… Beaucoup d’observateurs ont l’habitude de railler la diplomatie française qui se démarque par son réalisme, en affirmant que « la France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts » ! Alors, voici un petit pays, le Bénin, qui est allé à cette école réaliste et commence par attirer de grandes nations, comme l’Iran ou l’Afrique du Sud, malgré son dénuement total en ressources minières. Nos analyses… Sur une « Realpolitik à la Béninoise»!

Avant tout propos, les précisions du diplomate!

En diplomatie, il y a un enseignement majeur qui fait partie des fondamentaux et des notions élémentaires à connaître pour espérer diriger un jour une chancellerie à l’étranger : «On ne peut pas être ami avec tout le monde»!

Ainsi, comme l’on ne saurait être ami avec tous les quelques deux cents Etats de la communauté internationale, chaque Etat détermine ses priorités, ses « amis », au gré de ses intérêts.

Quitte à considérer les autres, comme des partenaires potentiels, avec qui on est susceptible de collaborer si le besoin se fait sentir, même s’ils ne sont pas aujourd’hui au centre de nos préoccupations. Cela voudrait donc dire qu’il ne faudrait pas trop envenimer les relations avec ces « partenaires potentiels », par des prises de position tranchées.

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Autrefois, une certaine confusion!

Au cours de la période révolutionnaire, on a constaté une certaine cacophonie et une confusion qui ont été entretenues dans les relations diplomatiques de la République très Populaire qui privilégiait une « Diplomatie du cœur » en direction des pays frères, sans tenir aucun compte des intérêts majeurs du pays, qui étaient ailleurs.

Deux Principes d’Ecole :

1) Il est hautement nocif d’entretenir des relations diplomatiques avec deux Etats ennemis qui se détestent ou qui sont en conflit ouvert : L’ennemi de mon ami est mon ennemi ;

2) Quand on est en relation avec certains Etats, on est souvent appelé à entretenir des relations tout aussi chaleureuses avec d’autres avec qui ils sont liés par l’Histoire et des liens très étroits : C’est le cas, par exemple, des Etats-Unis et du Royaume-Uni, ou de la France avec certaines grandes capitales de la France-Afrique, notamment les deux xxxville…

Or, les exemples d’entorses à ces deux principes ne manquent pas dans le cas qui nous concerne, le Bénin révolutionnaire, avec quelques conséquences actuelles.

Ainsi, on peut dire l’embarras de nos diplomates à justifier auprès de Rabat (Royaume du Maroc), leur ancienne accointances avec la RASD (République Arabe Sahraoui Démocratique) abhorrée par le royaume chérifien qui la considère comme une portion de son territoire, sans aucune souveraineté ni existence internationale. Et le Maroc nous en tient toujours une certaine rigueur.

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C’est le même héritage embarrassant concernant les relations diplomatiques du Bénin avec la République Démocratique Populaire de Corée du Nord, un des anciens alliés de Cotonou.

C’est dire à quel point la confusion existait dans la Diplomatie béninoise. Tantôt le pays était dans l’Axe du mal, à gauche, tantôt il était le bon allié des puissances occidentales…

Et vint la Realpolitik à la Béninoise!

Ce nouveau réalisme a commencé sous le régime du Président Soglo qui avait recentré les relations diplomatiques du Bénin, en les mettant au service exclusif des intérêts du pays qui avait bien besoin de nombreux soutiens, notamment des grandes puissances occidentales, pour rebâtir son économie et doter le Bénin d’infrastructures essentielles à son développement.

Evidemment, les alliés prioritaires de cette belle époque étaient les Etats-Unis et la France qui a bien gratifié le pays avec l’organisation d’un sommet de la Francophonie, et la construction d’un joyau architectural, une première dans le pays : le Centre International des Conférences de Cotonou.

Mais, entre temps, la donne internationale a changé, avec l’émergence sur la scène internationale de nouvelles puissances qu’on qualifie de « pays émergents », la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Iran, l’Afrique du Sud…

Là encore, le Bénin n’a pas voulu être en reste pour satisfaire ses intérêts, qui n’ont pas changé : constructions d’infrastructures, dotations en milliards de dollars pour divers projets de prestige, histoire de faire rentrer de « l’argent frais » dans le pays. Aussi, le  nouveau locataire du Palais de la Marina, sous le régime du Changement, est devenu le premier VRP (Voyageur-Représentant-Placier) du pays, contrairement à son prédécesseur, le Général Kérékou, qui ne sortait presque pas, et encore plus globe-trotter que son précurseur dans la Realpolitik, le Président Nicéphore Soglo.

Désormais, la diplomatie béninoise a poussé le réalisme à son paroxysme, s’affichant allègrement avec des pays considérés comme infréquentables, juste pour ses intérêts. Si notre hôte a les mains remplies de dollars qu’il est disposé à nous offrir, il est le bienvenu chez nous, qu’importe ce qu’en penseront nos « vieux amis » et nos « très vieux amis » !

Alors, les Présidents se succèdent à Cotonou avec leurs divers dons, tandis que celui du Bénin parcourt le globe à la récolte des nombreux milliards qui font respirer l’économie nationale. Même s’il faut manger avec le Diable, la Realpolitik à la béninoise l’accepterait, quitte à se munir d’une très longue cuillère, et manger par la fenêtre…

Mais, un conseil de diplomate : Attention à ne pas fâcher les « vieux et très vieux amis », surtout quand ils ont encore quelques projets à gérer avec nous, des Acomptes sur le Millénaire ou des édifices pharaoniques à construire sur le territoire, pendant que nous recevons leurs ennemis jurés, ou que nous nous pavanons avec leurs concurrents directs… Au nom d’une Realpolitik!

 

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