Laurent Metongnon à propos des 7 ans de Yayi : «Les institutions de contre-pouvoir sont devenues des antichambres de l’Exécutif»

Dans  le cadre de notre dossier spécial pour le septième anniversaire de l’avènement du régime Yayi, nous nous sommes rapprochés du Secrétaire général de la Fédération des syndicats des travailleurs du ministère des Finances (Fésyntra-Finances), pour avoir, à travers lui, l’appréciation de la Société civile.

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Figure de proue du monde syndical et bon connaisseur de la situation sociopolitique et économique du Bénin, il attribue une mauvaise note aux sept ans du régime du Changement et de la Refondation.

« La situation politique, économique et sociale du Bénin, ces 07 ans  peut s’analyser comme suit, sans risque de se tromper, à partir de l’entretien à cœur ouvert du Président Boni Yayi du mercredi  1er août 2012.

A- Au plan politique.

– «Vous me demandez comment se porte notre nation. J’aurais aimé vous retourner la question. C’est vous qui vivez au sein du peuple et je suis enfermé dans cette maison qui nous est commune, toujours en train de penser à mon cher peuple… J’ai les sources des institutions de Breton Wood, du Fond Monétaire International, de la Banque Mondiale et les  intoxications. » Cet aveu traduit le système politique de gouvernance de notre pays du Changement qui, après son échec au premier quinquennat, a été enterré pour donner naissance à la refondation.  Si le système politique n’est pas clairement défini, on déduit, néanmoins, en filigrane qu’il est dicté de l’extérieur et par des rumeurs. Ainsi, pour mieux contrôler cette politique pour soi et ses courtisans, tout ce qui est débat contradictoire, expression libre, qui ne déifie pas le Chef de l’Etat, est taxé  d’intoxication. La politique durant 07 ans, c’est la volonté sans fard de contrôler toutes les institutions de contre-pouvoir, les couvents, les rois, de créer des syndicats jaunes, les églises, les mosquées, l’armée, la police, la gendarmerie, avoir une justice à ordre etc. etc. Le slogan est «tous ceux qui ne sont pas avec moi sont contre moi.»

B- Au plan économique

Sur le plan de la gestion de l’économie, les dernières réformes tendant à supprimer l’Inspection Générale des Finances, à rattacher toutes les inspections des ministères au Président de la République, à travers l’Inspection Générale d’Etat, la mise sous tutelle du Président de la République des comptables publics, le contrôle direct de l’Autorité Nationale de Lutte contre la Corruption par le même Chef de l’Etat qui en nomme sept des treize membres. Tout cela indique que le Président de la République détient, seul, tous les fils de contrôle et détermine qui doit être sanctionné. Au lieu d’être décentralisé, le contrôle de la gestion du bien public est davantage centralisé, aux mains du seul Chef de l’Etat qui, hélas, n’a pas montré par le passé son intégrité et son impartialité. En témoignent les nombreux scandales financiers (Affaires CEN-SAD, ICC-Services, Machines agricoles, Avion présidentiel, PVI, Recrutement dans la fonction publique, Turbines à gaz de Maria Gléta, etc.etc.) dont le peuple attend toujours de connaître les vrais coupables.

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Le Programme d’Ajustement Structurel reconnu comme une catastrophe pour les travailleurs et les peuples, est remplacé par les fameux programmes de stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté, qui reprennent les mêmes diktats des puissances d’argent, à travers le FMI et la Banque Mondiale qui entretiennent et reproduisent les mêmes freins, constituent la source privilégiée de Boni YAYI. Le «bafouement» des intérêts nationaux, le sabotage des producteurs nationaux, la corruption, la complicité avec les intérêts étrangers, l’impunité des crimes économiques, les scandales  politiques et les tentatives incessantes d’écraser les travailleurs et le peuple, voilà ce qu’est la politique du gouvernement.

Lire tous les articles du dossier 7 ans de pouvoir de Boni Yayi

Le port et le coton sur lesquels le gouvernement compte pour améliorer le taux de croissance, sont dans  une impasse.   Le cafouillage a atteint son comble avec l’ouverture tout azimut des chantiers inachevés, les poses de premières pierres, même des études de faisabilités. C’est un gâchis, une catastrophe économique.  

C- Au plan social

Le pouvoir de Boni YAYI et les événements qui ont  émaillé les élections pour son second mandat, achèvent de montrer que «nous n’avons pas encore vaincu la fatalité», que les mêmes hommes et groupes d’intérêts qui ont nourri l’autocratie et l’ont sauvée en 1990, la ressuscitent maintenant de façon forcenée, avec le hold-up électoral, l’avilissement de la Constitution, les attaques furieuses contre les libertés, le bâillonnement de la presse, le règne légalisé de l’arbitraire et de la violence contre les travailleurs et le peuple.

Sur le même sujet : Après 7 ans de gestion par le Président de l’Emergence : comment se porte le Bénin ?

L’insécurité est officialisée et défendue au plus haut sommet de l’Etat, avec des assassinats crapuleux non élucidés, les disparitions mystérieuses non seulement d’enfants et de jeunes mais aussi de hauts cadres, comme le cas de Pierre Urbain DANGNIVO ou l’assassinat de l’ex-Ministre Bernadette Agbossou Sohoudji.

Les attaques contre le droit de grève, à l’aide d’une majorité à ordre au Parlement, qui ont débuté avec le vote et la promulgation de la loi n°2011-25 du 26 septembre 2011  contre les douaniers, abusivement et hâtivement assimilés aux forces paramilitaires, l’inscription à l’ordre du jour de la session parlementaire d’octobre 2011 de la loi «anti-grève», constituent des actes graves de l’imposition de l’autocratie que le projet de révision de la Constitution veut consacrer à vie avec une loi référendaire scélérate.

L’objectif visé, apeurer les travailleurs et le peuple, les faire taire pour s’ouvrir le boulevard de la dictature. Ainsi, on peut arrêter des responsables du Comité de Développement à Natitingou. 

A l’appui et pour tenter de mieux écraser les travailleurs et le peuple, on assiste à l’amplification de la corruption, des tentatives d’avilissement de tout le corps social.

Des autorités religieuses au haut commandement de l’Armée, des  dignitaires traditionnels aux responsables opportunistes syndicaux ou d’ONG de la société civile, le pouvoir de Changement veut tout refonder, par l’achat et l’avilissement des âmes et consciences. La forfaiture va jusqu’à la formation de syndicats fantoches, constitués à coups de menace  contre les travailleurs conscients, d’incitation au tribalisme, d’achat et de promesse de postes à tout vent. Le clientélisme est ainsi généralisé.

En conclusion, le pouvoir du Changement veut refonder une autocratie, afin de perpétuer l’oppression des travailleurs et des peuples du Bénin, de les ramener aux heures sombres de KEREKOU I – le PRPB. Le pouvoir œuvre ainsi à la destruction systématique, à grands pans, du pays. 

Le 1er août 2012, il y a de quoi s’inquiéter pour l’unité nationale, quand un Chef d’Etat déclare : «J’ai appris qu’ils vont tenir une réunion et réunir les syndicats, les magistrats et les autres, pour former un front uni pour me faire partir?  Moi Yayi Boni? Ils sont petits. C’est le peuple avec Dieu qui m’ont mis ici. Je vais leur montrer que moi aussi, j’ai du monde derrière moi dans le Bénin profond et ils vont s’affronter».

En conclusion on peut dire que les institutions de contre-pouvoirs sont devenues des antichambres de l’exécutif. Aujourd’hui, il faut vaincre la peur pour empêcher la dictature de s’installer.»

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