Vendredi dernier, à l’Infosec à Cotonou, à la faveur d’une conférence de presse, les avocats de Phamphile Zomahoun et de Johannes Dagnon ont qualifié « d’enlèvement », le transfèrement de leurs clients de la Prison civile de Cotonou pour d’autres maisons carcérales du septentrion.
Ce sont des avocats déterminés à faire appliquer la loi qui se sont présentés à l’Infosec de Cotonou ce vendredi 12 avril, pour faire part de leur mécontentement. Ils ne sont pas allés par quatre chemins pour aborder deux dossiers importants qui ne finissent pas de mettre en alerte la République depuis des mois. Il s’agit des affaires relatives à la tentative d’assassinat de Boni Yayi et de la tentative d’atteinte à la sureté de l’Etat. C’est d’ailleurs cette dernière qui a le plus cristallisé les attentions. Et c’est maître Joseph Djogbénou qui précise les faits avant de donner le ton. Tout est parti du 4 avril dernier. Selon l’avocat, très tôt ce matin-là, l’administration pénitentiaire a réveillé les deux détenus que sont Phamphile Zomahoun et Johannes Dagnon, et les a sommé de prendre quelques affaires. Puis menottés, ils ont embarqué dans un aéronef piloté par un militaire, sans avoir pu prévenir leurs parents, encore moins leurs avocats.
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Enlèvement. A l’unanimité, le collège d’avocats a dénoncé la façon dont on a transféré leurs clients de la Prison civile de Cotonou pour Kandi (Phamphile Zomahoun) et Parakou (Johannes Dagnon). Pour le collège (Me Charles Badou, Me Joseph Djogbénou, Me Elie Vlavonou Kponou et Me Sévérin Maxime Quenum), c’est un enlèvement pur et simple. Car, pour transférer les personnes en détention provisoire, le procureur adresse une demande au juge d’instruction en charge du dossier. Et c’est seulement ce juge qui peut donner l’autorisation. Dans le cas d’espèce, il s’agit du juge du 6è cabinet du Tribunal de première instance de Cotonou qui a opposé un refus à la demande. Donc, le transfert des deux détenus a été fait sur la seule volonté du Procureur de la République. Mais, le procureur est passé outre ce refus. Ils parlent d’enlèvement et entendent mettre en cause, individuellement, tous ceux qui ont participé à l’opération. Mieux, les détenus dans leurs nouveaux lieux de détention, vivent dans des conditions « exécrables », « inhumaines » avec des « bandits de grand chemin. » A kandi, Phamphile Zomahoun est dans une cellule où il dort à même le sol, sans natte ni matelas.
Conséquence. Alors, une question qui mérite l’attention: pourquoi a-t-on senti l’obligation de les transférer? D’emblée, Me Djogbénou pense qu’il n’y a aucune raison valable. On ne peut pas parler de tentative d’évasion car, depuis qu’ils sont détenus, ils ont été coupés de tout contact. Et même les avocats ont eu des difficultés pour voir leurs clients. Alors, pourquoi éloigner les détenus du juge d’instruction en charge du dossier? Cela n’est qu’une immixtion grave qui doit être bannie dans un Etat de droit. Car, dans une prison, le procureur n’a de pouvoir que sur les condamnés. Il n’a aucun pouvoir sur ceux qui sont en détention provisoire. De plus, le juge ne peut plus mettre la main sur les deux présumés pour mener ses enquêtes. De sorte qu’aujourd’hui, il n’y a pas de fondement légal pour ce transfert. Il s’agit d’une application distributrice des règles, qui doit cesser. Pour eux, il s’agit de « séquestration », d’« enlèvement », de « harcèlement psychologique et physique.» De plus, ce dossier est d’une vacuité exceptionnelle. Alors, trop c’est trop, et «il est inadmissible qu’on enlève des gens comme des poulets bicyclette» (Me Djogbénou). Le moment est venu aux avocats de faire ce que le droit leur permet. Pour cela, ils entendent mettre en cause la responsabilité (pénale et disciplinaire) de toutes les personnes, y compris le pilote de l’aéronef, qui ont pris part à ce transfert.
Dossier empoisonnement. En ce qui concerne le dossier de tentative d’empoisonnement du Chef de l’Etat, les avocats ont signifié que le dossier est sur le point d’être clos. Car, le juge en charge du dossier a dit qu’il a fini ses investigations. Et pour les avocats, il est temps que l’Etat normal soit rétabli. Cela passe par la relaxation des personnes en détention provisoire dans le cadre de ce dossier.