La presse est embastillée par le pouvoir en place

Dans le cadre de la célébration de la journée internationale de la liberté de la presse, quelques journalistes apprécient la liberté de presse au Bénin. Certains font le diagnostic et accusent le gouvernement, d’autres interpellent les hommes des médias eux-mêmes.

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Hervé Alladé, Journaliste et Directeur du Soleil : «Nous avons une liberté contrôlée..!»

« La liberté de la presse doit passer par l’affranchissement de la pensée. Mais il se fait que, visiblement, nous ne pouvons réellement pas écrire ce nous que nous pensons aujourd’hui au Bénin. Bon, il faut relativiser cette liberté. S’il faut comparer à d’autres pays de la sous-région, nous pouvons dire qu’il y a une liberté, mais nous en voulons plus. Il faut que le gouvernement libère la parole. Si Yayi peut proclamer comme le Président Kérékou « Si mon nom  peut permettre de vendre, écrivez seulement », nous lui saurons gré en son temps. Regardez vous-mêmes, tout le monde fait économie de vérité dans le pays, personne n’ose plus dire les choses tout haut,  par peur de représailles. Il faut oser le dire, le pouvoir de Yayi fait peur aux journalistes. Vous avez les actes devant vous. Ils sont allés jusqu’à mettre fin à des émissions. Je voudrais demander aux organisations faitières de bien faire leur travail pour nous obtenir plus de liberté.»q

Fulbert d’Oliveira, Journaliste au Matin : «Le Bénin a vraiment régressé en matière de la liberté de presse..!»

« Est-ce qu’on peut encore parler de liberté de presse au Bénin ? En tout cas, par rapport à un passé récent, nous avons vraiment régressé et les différents classements de Reporters sans Frontière, depuis l’arrivée du pouvoir en place, le démontrent clairement.  Vous écrivez quelque chose qui crève l’œil à tout le monde, on viendra vous arrêter. Si ce n’est pas la Haac, c’est l’odem ou c’est le pouvoir même qui vous assigne.  Les gens ont alors peur de parler, inconvénient, l’image démocratique du Bénin en prend un coup. Normalement, ce sont les journalistes qui aident les pouvoirs publics à s’améliorer, mais ici, vous ne pouvez pas vous prononcer par rapport à la maladresse du Président de la République, vous êtes tout de suite taxé  d’opposant. Et il faut le dire, je ne nous reproche rien, hommes de médias. Nous faisons ce que nous pouvons. Regardez le Sénégal par exemple, les journaux sont tirés à plusieurs milliers d’exemplaires, au Bénin, vous connaissez la situation.»

Prince Akogou, Journaliste à Nouvelle Expression : «il y a plus de communications que d’informations»

« La liberté de presse passe par la contradiction des idées. Et il est évident que cette contradiction, nous ne l’avons plus dans la presse béninoise. Nous savons comment çà se passe avec les promoteurs de journaux. Ils prennent une communication, ils vous amènent à écrire même le contraire de ce que vous  pensez. Tu peux avoir ta pensée sur le sujet, mais tu ne l’exprimeras pas.  Aujourd’hui, il est facile que la parole du journaliste soit prise comme parole d’évangile aujourd’hui. Ce dont les politiques sont au courant et en abusent à leur gré. Regardez en France par exemple. Le Président Sarkozy, il a subi assez de choses. Hollande en un an, c’est la même chose quasiment. Mais ici, tu écris une petite chose, on te coffre. Alors pour ne pas écorcher le Président de la République, on le caresse dans le sens des poils en disant que tout va bien. En résumé, nous avons encore du chemin à faire au Bénin en matière de liberté de la presse. Maintenant, nous les journalistes, nous devrons corriger certaines de nos habitudes. Si nous voulons qu’on nous respecte, nous devons  commencer pas nous respecter. Et ceci passe d’abord par le respect de la déontologie. Il faut qu’on se corrige réellement…»

Rémi Yokossi, Rédacteur en Chef, Chargé des Langues Nationales à la Radio Nanto Fm (Natitingou) : «On ne fait que reculer et c’est dû à la force politique

« Il faut dire qu’au Bénin on ne fait que reculer et c’est dû à la force politique : le pouvoir en place ; ce qui nous conduit à ne pas respecter le code de déontologie. Le pouvoir en place exerce une sorte de dictature qui ne dit pas son nom. Pour une amélioration de la situation, il faut que les feuilles de route soient respectées, que les promesses soient tenues, avec l’instauration d’un vrai dialogue et la prise en considération surtout des opinions des citoyens.»

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Antoinette fakame Dadjo, membre des Organisations de la Société Civile : «La presse est un outil fondamental de développement»

La liberté de la presse au Bénin est limitée. La presse donne certaines informations et on la supprime sans qu’on ne dise si cette information est fausse ou pas. J’accorde trop de poids à la presse. Cette presse est un outil fondamental de développement.Si l’information circule bien, les ONG peuvent bien faire leur travail, car leur rôle est aussi de compléter ce que l’Etat n’a pas fait. Qui n’a pas l’information n’a pas le pouvoir, l’information est nécessaire pour agir. Et chaque journaliste doit respecter l’éthique et la déontologie du métier pour garder son autonomie et sa liberté.

Guy djibodé akplogan, administrateur Centre Afrika Obota : «La presse n’agit pas librement au Bénin»

Au Bénin, la presse n’est pas entièrement libre. D’une part, sur le plan juridique, excepté la loi sur la dépénalisation, il existe des lois ainsi que des organes qui favorisent la liberté de la presse. Malheureusement, un bâillonnement caractérise certains organes. Si la liberté existe dans les textes, il revient aux journalistes de garder cette liberté. Certains journalistes décident de vendre leur liberté en voulant vendre l’information. Certains organes ne sont pas libres parce que l’on veut plaire, l’on cherche coûte que coûte un poste, un avantage. La presse n’agit pas librement au Bénin.

Aussi, l’accès aux informations dans les administrations est très difficile.  L’on doit inciter au vote de la loi sur l’accès à l’information. Enfin, les journalistes doivent être sensibilisés sur leur liberté qui n’a pas de prix.

Hervé Mekoun, sociologue : «La liberté est entravée par le manque de professionnalisme»

La presse béninoise n’est pas libre et cette liberté est entravée par son manque de professionnalisme. Le professionnel ne négocie pas. C’est lui qui prend l’information et qui la traite. Il a, à la fois, le droit et le devoir de donner l’information sans l’édulcorer. Il ne doit avoir peur de personne. Ce manque de professionnalisme se remarque par le nombre de coquilles  observées dans les articles et parfois à la une.

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