Où étaient-ils?

Elle est quasi nulle la contribution de nos intellectuels à la célébration du cinquantenaire de l’Organisation de l’unité africaine. Pourtant, l’occasion paraissait bonne pour qu’on soit en droit d’attendre, sur le sujet, des articles de presse, des études, des ouvrages, des conférences publiques.

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 En lieu et place de ces bonnes choses, ce fut un immense désert qui nous a accueillis. Nos intellectuels ont semblé s’être donné le mot. Ils étaient presque tous aux abonnés absents, muets comme une carpe. On peut le dire, les noces d’or de l’unité africaine auront été pour nos intellectuels un non événement. Pourquoi?  Comment expliquer ce qui ressemble à s’y méprendre à de l’indifférence ? Avançons quelques hypothèses.

Nos intellectuels se démarquent d’une véritable «comédie» de l’unité africaine. Ils ne veulent prendre la moindre part à celle qui se joue depuis cinq décennies dans la capitale éthiopienne, siège continental de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) et de l’Union africaine (UA). Pour eux, le concept de l’unité africaine est vidé de tout continu. Il ne sert que de paravent à l’action d’un véritable syndicat de chefs d’Etat. L’heure des peuples n’a pas encore sonné. Pourquoi donc se fouler la rate? Viendra le temps des vrais acteurs, les acteurs historiques de l’unité de notre continent. En attendant, les peuples africains ne sont que les gros dindons d’une grosse farce.

Nos intellectuels ne trouvent aucune raison valable à investir et à s’investir dans ce «machin» qu’est l’Union africaine. En cinquante ans d’existence, celle-ci à plus honorer la palabre africaine, bouquet de discours et de bavardages, que l’intelligence africaine. Aucune initiative visible et convaincante n’a été prise pour soutenir, par exemple, la recherche restée le talon faible d’une Afrique à la remorque des autres nations du monde. Les savoirs endogènes, par exemple, auraient pu trouver, dans le cadre de l’union africaine, leur expression la plus forte. En vain.

Nos intellectuels ont d’autres chats à fouetter. A quoi sert-il de distraire son temps à s’extasier sur un anniversaire à retombée nulle? Car la comptabilité de l’heure a la complexité et le goût amer d’un combat sans merci pour la survie. Il importe davantage de se préoccuper de carrière, en peaufinant les dossiers d’avancement auprès du CAMES (Conseil africain et malgache de l’enseignement supérieur). Il importe tout autant de poursuivre les consultations qui viennent si joliment arrondir les fins de mois. Tout comme il importe de ne pas rater le train de la politique. Et ce n’est pas sans intérêt d’avoir, dans sa ligne de mire, quelques strapontins dans quelques ministères. Quand on est ainsi occupé et préoccupé, c’est franchement perdre son temps que de s’appliquer à chercher sur la tête de l’Union africaine ses cinquante premiers cheveux blancs.

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Nos intellectuels, pour la plupart, n’ont qu’une vision lointaine de l’unité africaine, étant les purs produits de leurs universités nationales. Elle est close l’ère des grands brassages d’étudiants africains dans des universités fédérales comme Dakar au Sénégal ou plus tard, comme Brazzaville au Congo. Ces premières générations d’étudiants portaient l’Afrique dans leur tête et dans leur cœur. Absolution pour celui ou celle qui ne voit plus l’Afrique que du petit bout de la lorgnette. On ne demande pas aux intellectuels qui sont régis par la proximité d’avoir des élans du cœur qui les portent loin de leurs réalités nationales. On ne demande pas aux intellectuels qui ne peuvent lever leur regard par-dessus et au-delà les frontières nationales de leur pays de célébrer l’unité africaine, fut-il à l’occasion de son cinquantenaire.

Nous voilà face à un faisceau de raisons invoquées pour expliquer l’absence de nos intellectuels dans la célébration du cinquantenaire d’une entreprise dans laquelle leur rôle n’est pas des moindres. Si les intellectuels européens s’étaient croisés les bras, bâillant à se décrocher la mâchoire, l’Union européenne et ses institutions communautaires, l’euro et bien d’autres choses n’auraient pas vu le jour. L’Europe aurait continué de compter pour quantités négligeables sur la scène du monde. Qu’on ne nous dise surtout pas qu’on attend le bon moment avant d’agir. Pour les Anglais, «The right time is now». Pour dire que le bon moment, le temps de la décision pour débouler sur la scène de l’histoire, c’est maintenant.

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