Le projet de révision de la constitution, que le Président de la République vient de réintroduire à l’Assemblée nationale demeure toujours handicapé par les circonstances de sa survenance et les soupçons qui environnent les intentions de son auteur.
Ce projet de révision est-il vraiment consensuel ? En outre, malgré toutes les déclarations solennelles faites par YAYI quant à sa volonté de ne pas utiliser cette révision de la constitution pour s’accrocher en 2016 au pouvoir comme certains de ses collègues l’ont fait dans d’autres pays, les concitoyens de YAYI BONI n’ont-ils pas raison de soupçonner d’opportuniste ce projet de révision? Il est donc indispensable d’approfondir la notion de consensualisme, condition sine qua non de toute révision de notre constitution, et de préciser que la bonne foi de tout chef d’Etat béninois dans une telle opération doit résider dans des dispositions transitoires de cette révision excluant et lui et tous ses prédécesseurs ayant déjà été élus et ayant déjà accompli deux mandats de Président de la République depuis 1990. Pour toutes les autres dispositions, nous pensons que le consensus tel qu’il sera précisé plus bas, doit être le repère prioritaire. Si un consensus se dégageait pour réduire les prérogatives de l’institution de contrepouvoir qu’est l’Assemblée nationale et que celle-ci l’entérinait, le pays en prendrait acte.
I- Quid du consensus dans la révision de notre constitution ?
Dans le Décret n° 2013-255 du 06 Juin 2013, le Président de la République a rappelé dans son exposé des motifs du projet de révision, qu’il avait , « par décret n° 2008-525 du 18 février 2008 , modifié par décret n°2008-597 du 22octobre 2008, confié à une commission technique ad hoc composée de diverses personnalités représentatives de différents courants d’opinions, le soin de procéder à la relecture de la Constitution du 11 Décembre 1990 en vue de corriger les imperfections observées pendant près de deux décennies de pratique ». Il a mentionné également dans cet exposé des motifs que « dans son rapport, la commission a énoncé s’être inspirée entre autres des travaux de recherches préalablement faits en la matière, recueilli l’avis de différents experts et personnes ressources et procédé à la consultation de représentants des différentes couches socioprofessionnelles de notre pays ». C’est tout! Après avoir transmis au Parlement par décret° 2009-548 du 3 Novembre 2009 le projet de révision que le Gouvernement a tiré du rapport de la commission mandatée par le Chef d’Etat, ce dernier a procédé au retrait dudit projet par décret n°2012-088 du 26 Avril 2012, dans le cadre, prétend-on dans l’exposé des motifs, « de la recherche d’une meilleure sensibilisation de toutes les couches de la nation sur les fondements de la révision ». L’exposé des motifs ne précise pas quelles sont les activités qu’il y a eu depuis lors avant la saisine à nouveau du Parlement par décret du 6 juin 2013 sans modification du texte initial.
Première observation : la commission constituée par le Président de la République n’a rien de consensuel puisqu’aucune force politique ou sociale n’a participé à la désignation de ses membres.
Deuxième observation : En 2013, au moment où le projet est introduit de nouveau au Parlement, la configuration politique du pays n’est plus la même qu’en 2009 où le même projet avait été finalisé et transmis à l’Assemblée nationale. Les composantes actuelles de l’opposition politique officielle ont-elles donné un point de vue favorable à la révision de la Constitution ?
Troisième observation : Le consensus suppose qu’il y ait eu des échanges sur le thème de la révision et des conclusions partagées. Y a-t-il eu un cadre déterminé d’échange entre les différentes forces politiques et sociales permettant de faire le bilan de la mise en œuvre de la Constitution du Bénin pendant une vingtaine d’années et de tirer ensemble les conclusions appropriées ? Apparemment non ! Alors le caractère consensuel du projet de révision est totalement illusoire. Il ne faudrait surtout pas confondre les sensibilisations effectuées après coup et le consensus.
II- Sommes-nous dans l’hypothèse d’un projet de révision opportuniste ?
La seconde grande question que l’on se pose à la lecture du document envoyé au Parlement est de savoir pourquoi c’est maintenant que la procédure de révision de la Constitution est relancée. Est-ce lié à la question posée par la Chambre d’instruction de la Cour d’Appel de Paris dans l’Affaire TALON et relative à l’abrogation ou non de la peine de mort au Bénin avec le délai qui nous est imparti? Ou estime-t-on que le moment est plus que jamais propice pour atteindre l’objectif opportuniste crucial mais discrètement exprimé dans l’exposé des motifs du projet de révision de la constitution ? En effet, on peut y lire que les acquis de notre Constitution « peuvent être améliorés pour une République moderne dotée d’une démocratie participative ». Sommes-nous dans une République bananière ou obsolète pour aspirer à une république moderne? En tout cas, même si les dispositions actuelles limitant le nombre de mandats présidentiels sont maintenues comme dans le projet actuel de révision de la Constitution, nous serons, si nos parlementaires accédaient à la sollicitation du chef de l’Etat, à l’orée d’une nouvelle république qui peut ouvrir la brèche pour une nouvelle aventure Yayiesque en 2016. Selon moi, ce projet de révision de la Constitution doit être rejeté purement et simplement par le Parlement. C’est une question de responsabilité historique. La limitation de mandat présidentiel imposée par la Constitution du 11 Décembre 199O est l’un des atouts majeurs de stabilité de notre pays. Tout jonglage conduisant à l’extrapolation de cette donnée mènera le Bénin vers son passé fait de coups d’Etat et d’instabilité politique ! En tout cas, l’histoire ne sera pas complaisante vis-à-vis de tous ceux qui contribueront à mettre en péril le sort de ce pays par le biais d’une révision opportuniste!
Laisser un commentaire