Depuis 2008, la Cour Constitutionnelle perd progressivement de son prestige. Dans sa volonté de la « caporaliser », le Chef de l’Etat s’est montré très peu préoccupé par la qualité des membres qu’il y envoie. Transformant ainsi cette Cour en un réceptacle d’hommes-liges au service de causes inavouées.
« La Cour Constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ». Ainsi libellé, l’article 114 de la constitution est assez éloquent sur l’importance de cette Cour dans l’organigramme républicain. Elle est, dit la constitution, une « haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle », puis, « l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ». Une telle institution doit donc rester à l’abri des intrigues politiciennes, si tant est qu’elle est appelée à jouer ce rôle de régulateur. Pour cela, on doit y envoyer des hommes et des femmes qui connaissent l’Etat, qui ont une grande culture et une parfaite connaissance du fonctionnement de ces institutions. La constitution, elle-même, a tranché la question sur la nature des membres de cette Cour spéciale, véritable sanctuaire de notre système politique. Restant fidèle à notre tradition qui veut que le sanctuaire, ou autre lieu sacré, soit gardé par les sages, la constitution a défini clairement le profil de ces sept « sages » qui doivent y siéger. L’article 115 est sans équivoque. Trois magistrats ayant une expérience professionnelle de 15 ans au moins, deux juristes de haut niveau, professeurs ou praticiens de droit avec 15 ans d’expérience professionnelles eux aussi, et enfin deux personnalités de grande réputation professionnelle. « Personnalité de grande réputation professionnelle », la répétition est ici importante pour montrer que n’importe qui ne peut s’appeler personnalité. C’est une personne célèbre ou très importante qui est venue au sommet de la hiérarchie en donnant la preuve de son talent ou de sa bravoure. Les synonymes du mot « personnalité » sont « sommité » ou « célébrité ». Or, tout le monde sait qu’on n’atteint la célébrité qu’en travaillant, qu’en gagnant l’estime du plus grand nombre. On ne l’atteint que par le talent, l’avoir ou le travail. Que nous a trouvé Yayi comme « personnalité » ? Une femme d’à peine 40 ans. Mais là n’est pas le problème. Elle ne totalise qu’à peine sept ans dans l’administration publique, en occupant le poste de Drh dans le modeste ministère de la Famille. Les faits d’armes ne sont visibles nulle part, et elle passe pour une illustre inconnue aux yeux de l’opinion.
Politisation de la Cour
En 2008, Yayi avait nommé trois personnes controversées à la Cour. Il s’agit de Robert Dossou, Clémence Yimbéré et Robert Tagnon. Tous trois sont des acteurs politiques de la majorité présidentielle. Robert Dossou a été très actif dans le combat politique dans la commune de Grand-Popo jusqu’à quelques mois des élections communales. Clémence Yimbéré fut son ancien ministre et Robert Tagnon faisait partie des rares personnes qui ont œuvré pour l’avènement de Yayi au pouvoir en 2006. Cette année, les personnes choisies ne sont pas mieux. Me Simplice Dato est un avocat peu connu, même dans les prétoires. Pour ce que beaucoup ne savent pas, il est le Sg du Pur de Patrice Houssou Guèdè. Tous trois ne peuvent se prévaloir d’être ces « hautes personnalités ». Encore moins de dire qu’ils sont des célébrités. Mieux, le travail « très politique » abattu par la Cour de Robert Dossou, en cassant systématiquement toutes les décisions qui ne sont pas en faveur du pouvoir, a fini par braquer l’attention des uns et des autres sur une institution qui est passée du rôle d’arbitre à celui de « politique ».