Mandela le Grand

Cette fois-ci, c’est très sérieux. L’admission de Nelson Mandela à l’hôpital pour une infection pulmonaire, le week-end dernier, provoque inquiétude en Afrique du Sud, émoi, ici et là, dans le monde. C’est la troisième hospitalisation de «Madiba» depuis décembre 2012. 

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Qu’est-ce qui explique que quand Nelson Mandela tousse, c’est le monde entier, au-delà du pays qui l’a vu naître, qui s’enrhume ?

Parce que, tout simplement, l’homme est grand. Et la grandeur dont nous parlons, ici, ne se confond point avec les hautes et éminentes responsabilités politiques que Nelson Mandela a eu à assumer. Pensez, par exemple, à Margaret Thatcher, leader politique puissant s’il en fut.  C’est la mort récente de l’ancienne Premier ministre anglais qui l’a rappelée au souvenir de la plupart de ses contemporains. Souvenir bien rangé depuis dans les replis secrets de la mémoire.

La grandeur de Nelson Mandela n’est pas non plus de l’ordre de celle qu’on mesure à l’aune des biens que l’on a au soleil ou des richesses matérielles que l’on a accumulées. Au palmarès des Crésus et des Nababs de la terre, les milliardaires sont comme des chevaux de course en compétition. Ils évoluent sur une échelle. Ils changent de rang et leur position fluctue selon une foule de déterminants. Des hommes de la stature de Nelson Mandela sont et restent grands. Indéfiniment grands. Ils transcendent tous les classements. Ils sont de classe exceptionnelle. Ils sont donc hors concours. Qu’est-ce qui confère à un mortel cette toute puissance ? Qui lui accorde ce privilège de tutoyer les dieux et d’être dans leur proximité ?

Lire : Nelson Mandela, l’exemple

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Avec Nelson Mandela, il y a la figure du leader, du meneur d’hommes, du premier de cordée. Dans cette position, Mandela reste et restera dans la conscience de tous comme un homme qui a décidé d’aller quelque part, après qu’il eut convaincu les autres de ne pas le laisser le faire tout seul. Et aux heures les plus tragiques de l’histoire de son pays, des hommes et des femmes de tous âges et de toutes conditions, ont compris ce message. Ils ont fait mieux : ils se sont engagés à sa suite, certains au sacrifice de leur vie. Voilà l’homme à la fois porteur d’une vision et sujet-initiateur d’une action. Aussi se sent-il à l’aise, en homme de grande expérience, de nous apprendre ce qui suit (Citation) : «Une vision qui ne s’accompagne pas d’action n’est qu’un rêve, une action qui ne découle pas d’une vision est du temps perdu, une vision suivie d’une action peut changer le monde» (Fin de citation).

Nelson Mandela est aussi de l’étoffe des grands humanistes. Ils se sont faits et se font des porteurs de lumière le long de l’histoire des hommes sur la terre des hommes. L’apartheid ou le développement séparé est loin derrière. Nous restera, cependant, la mémoire des consciences broyées, le souvenir des corps et des cœurs meurtris, la rétroprojection de ces êtres humains relégués dans l’enfer des bantoustans.

Comment expliquer qu’après ce combat opiniâtre contre l’occupant raciste, avec en prime 27 ans de bagne qui ont littéralement bouffé les plus belles années de sa vie, Mandela s’en était-il sorti sans haine contre son bourreau, sans esprit de vengeance ni de revanche contre son tortionnaire ?  Comment un tel miracle a-t-il pu s’opérer ? Le raciste et le délinquant, par la volonté de Nelson Mandela, se sont convertis à l’évangile de l’amour. C’est en partenaires qu’ils sont invités et qu’ils sont reçus à la table du banquet post apartheid. Ils n’ont pas été jetés à la mer. Bien au contraire, ils ont joint, depuis, leurs mains à toutes celles des autres. Ensemble, elles s’attellent à construire la nation arc-en-ciel.

Dans un monde où les valeurs de vie ne cessent de reculer devant le rouleau compresseur des contre-valeurs érigées en normes et en mesure de toutes choses, Nelson Mandela reste comme la figure rassurante, mais engageante du dernier des Mohicans. A une Afrique friande de pouvoir jusqu’à la gourmandise, l’exemple de l’homme a valeur d’une grave invite à une profonde introspection. Nelson Mandela s’est retiré, en effet, du pouvoir en 2004, après un seul mandat à la tête de son pays. Le poisson hors de l’eau meurt. Mais l’homme, hors et loin du pouvoir, peut continuer d’être grand.

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