Révision de la Constitution : quand Boni Yayi se met dans une logique de forcing

Déclarations de soutien, création de mouvements de soutien, campagne de communication pro-révision… Le gouvernement et ses supporters multiplient les actions de propagande autour de la révision de la Constitution, depuis le 06 juin, date à laquelle Boni Yayi a transmis à l’Assemblée Nationale un nouveau projet de loi sur la question.

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Si en 2012 Boni Yayi a été obligé de faire un repli tactique, pour ce qui est de son projet de révision de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990, cette fois, en 2013, il est visiblement déterminé à aller au bout, même si cela implique un passage en force. C’est la conclusion à laquelle l’on peut parvenir, si on s’en tient aux événements qui ont suivi la transmission à l’Assemblée Nationale d’un nouveau projet de loi portant révision constitutionnelle. En effet, le 06 juin dernier, le gouvernement a envoyé au Parlement un nouveau projet de loi sur la révision de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990. Le projet ainsi envoyé, a été automatiquement transmis à la Commission des lois, qui doit l’étudier avant sa programmation pour débat en plénière.

L’après  transmission du dossier aux parlementaires, est marqué par les premiers signes de la propagande du gouvernement sur le projet. Depuis, l’on assiste à la naissance de creusets pro-révision et la multiplication des déclarations de soutien  au projet. Conducteurs de taxi moto, encore appelés Zémidjans, jeunes, maires et parlementaires, sont les premiers à entrer dans la danse. Le gouvernement vient lui-même en soutien, avec un communiqué diffusé en boucle sur les écrans de la télévision nationale (Ortb). Ce communiqué tend à expliquer la nécessité de la révision de la Loi Fondamentale, tout en soulignant que cela ne conduira pas à la naissance d’une nouvelle République. Et on apprend, dans certains milieux, que la propagande pro-révision va s’accroitre dans les prochains jours, avec beaucoup plus d’actions sur le terrain.

Que faites-vous de la large concertation?

Cette campagne de communication gouvernementale pour la révision de la Constitution,  est sans aucun doute la réplique à la campagne «Touche pas à ma Constitution» et «Touche pas à ma République» qui a aussi commencé, dès l’envoi du projet de loi à l’Assemblée. Cette dernière campagne est menée par une partie des leaders d’opinion opposés à la révision de la Constitution.

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Dans un Etat démocratique comme le Bénin, où la liberté d’expression est un principe sacro-saint, l’on ne peut empêcher les différents camps – pro et anti-révision – de mener leur campagne de communication sur le terrain. Cependant, dans la situation actuelle, on a l’impression d’être face à deux camps en bras de fer, avec chacun campé sur sa position.  Et, l’une des parties – les révisionnistes – est animée et soutenue par le gouvernement. Ce faisant, Boni Yayi trahit l’une des recommandations de la Commission Gnonlonfoun.

La Commission Gnonlonfoun, composée de juristes de haut niveau, d’experts et de personnes ressources, a été mise sur pieds par le Président Boni Yayi en Aout 2011. Dans les résultats de ses travaux, rendus au Chef de l’Etat courant mars-avril 2012, la Commission recommande que la révision soit faite par une large concertation nationale. Cela signifie l’implication et l’adhésion de toutes les forces politiques et couches socioprofessionnelles du pays.  C’est une autre façon de préconiser à Boni Yayi l’option de consensus national. Mais, en attisant un front pro-révision, en faisant sourde oreille aux anti-révision, le gouvernement fait main basse sur cette question de large concertation nationale.  Tout prote donc à croire que Boni Yayi veut faire un passage en force.

Violation du «consensus» national

Dans le décret de transmission à l’Assemblée de la nouvelle proposition de loi, le Chef de l’Etat affirme : «le Gouvernement a fait l’option de n’intégrer les différentes modifications retenues au texte initial de décembre 1990, suite à son vote par l’Assemblée Nationale, qu’après approbation de la population par voie référendaire, qui devra faire objet d’une large consultation nationale. Cette consultation devra s’adresser aux institutions de la République, à l’administration publique, aux communes, à la classe politique, aux organisations de la société civile, aux confessions religieuses, aux femmes, aux jeunes, aux étudiants, aux enseignants, aux artisans, aux ouvriers, et à toutes autres composantes de la société béninoise.» Cela signifie que le gouvernement ne veut faire «sa» large consultation nationale qu’après l’amendement et l’adoption du projet de loi par le Parlement. Un Parlement, faut-il encore le rappeler, acquis à la cause du Chef de l’Etat qui y dispose d’une majorité écrasante. Si c’est le cas, les anti-révision vont se trouver devant le fait accompli. Car, il est clair que, ni l’opposition extra-parlementaire, ni la société civile, ni les autres forces vives de la Nation ne pourront faire leur proposition avant que l’Assemblée étudie et adopte le nouveau texte. Peut-on alors parler d’une démarche allant dans le sens de la préservation du consensus national ?

Le «consensus national» autour de la Constitution a pourtant une valeur constitutionnelle, selon la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle. Et ce  «consensus national» aurait voulu que toutes les «forces vives» s’entendent sur les modifications à apporter,  avant même que le projet de loi soit soumis aux députés. Ce n’est visiblement pas le cas actuellement. Ça sent du grabuge!

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