Ah, ces ministres et ministricules qui vont nous diriger !

Tout ou presque a été dit sur  le remaniement ministériel,  après cette vraie fausse dissolution inconstitutionnelle de la précédente équipe gouvernementale et la démission de facto du Premier ministre, qui ont défrayé la chronique le week-end dernier.

Publicité

Dissolution inconstitutionnelle disions-nous, qu’il faut dénoncer très fort, malgré les dénégations et les gesticulations de ceux que le professeur Maurice Ahanhanzo a qualifiés récemment  de «légistes du roi». Nous reviendrons dans un autre article sur le cas singulier du Premier ministre Koupaki. Aujourd’hui, après l’entrée en fonction officielle de cette vingtaine d’hommes et de la poignée de femmes qui ont défilé mercredi soir sur le petit écran, tels des pantins désarticulés, sourire large à se fendre les lèvres, et  se confondant en  moult remerciements à l’endroit du Docteur Boni Yayi, avec un accent particulier sur le titre «docteur», on peut évoquer le sujet  que peu de commentateurs ont abordé : celui de la qualité  des nouveaux ministres et de la perception qu’ils ont de leur fonction.

Un coup d’œil synoptique sur la nouvelle équipe en  donne une idée claire,  en même temps que des objectifs visés à travers le présent remaniement-dissolution : la volonté de s’entourer de fidèles pour  assouvir le dessein inavoué, parce qu’inavouable, d’une révision  constitutionnelle  annonciatrice d’une nouvelle République. Ainsi, l’arrivée de deux  préfets aux postes-clés de la Défense et de l’Intérieur, dont le parcours ne plaide pas particulièrement pour  la bonne gouvernance et l’Etat de droit, en est le premier signe. Le Préfet Houessou , représentant de l’Administration Centrale,  non content d’être toujours présent aux meetings des Fcbe,  s’était naguère illustré par des déclarations à l’emporte pièce sur l’affaire Icc service,  lui qui était à la tête du département le plus touché par le phénomène dont les victimes pleurent encore. L’autre ministère-clé s’il en est, celui de l’Agriculture, a été  confié, contre toutes les rumeurs distillées par les réseaux sociaux, non pas à l’agronome Toléba, mais  à Fatouma Djibril,  ex-ministre de la Famille, un ministère où il n’y  a pas grand-chose à faire en dehors des dons aux quintuplés  et des séminaires soporifiques sur les droits des femmes et des enfants.  Il y a peu, Fatouma Djibril s’était  tristement illustrée, littéralement en transes,  au cours d’un meeting dans le Septentrion, par  ses  déclarations  tapageuses   et simplistes sur la révision de la Constitution. Elle avait alors déclaré,  pince-sans-rire, que la nouvelle Constitution allait promouvoir le développement du pays. Si  le rôle d’une constitution ne se réduisait qu’à cela, la Grande-Bretagne qui n’en a pas,  ne serait jamais un pays développé. Le cas Fatouma est similaire à celui du Professeur vétérinaire François Abiola, ancien Directeur  de l’Ecole multinationale vétérinaire de Dakar, promu contre toute attente  au rang de ministre d’Etat. Il avait lui aussi attiré l’attention du chef et de l’opinion sur lui, dans un autre meeting organisé dans  son  Sakété  natal, aux frais du contribuable, avec de petites affichettes distribuées  aux enfants  de nos écoles, portant le slogan combien évocateur : «touche à ma Constitution.» Aux Travaux Publics, un autre grand ministère, c’est  un député et ex-ministre non reconduit après la présidentielle de 2011, enseignant de son état, et fondateur d’un établissement  privé d’enseignement supérieur, qui remplace l’économiste gestionnaire Lambert Koty. Un frère ethnique d’origine Agonlin pour remplacer un autre frère  rival notoire. Machiavel est passé par là. Aké Natondé s’était aussi  illustré au cours d’un autre meeting dans le Zou, par des propos plutôt  sibyllins sur la révision de la Constitution. On peut multiplier les exemples, comme le grand ministère de la Communication confié à l’ancien gestionnaire des micro-crédits, grand expert  en  micro-finance devant l’Eternel, nommé à un moment où le Ramu a pris le pas sur la micro-finance qui a déjà fini d’enrichir nos mères du Bénin  profond. C’est à l’ex -ministère de l’environnement  que se joue la scène la plus cocasse de cette vaste comédie de remaniement. Un ministre d’un parti allié des Fcbe,  cède la place à  deux ministres dont les charges  se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Et si l’on ajoute que  l’un des ministres promus n’est que le 3ème Adjoint, serviable et corvéable à merci, du 1er Adjoint  au Maire de Cotonou, son mentor, on se pose des questions sur les compétences dont dispose ce parti.

      Et l’on en vient à cette terrible  conclusion, que la plupart des nouveaux ministres   ne sont ni plus ni moins que des «ministricules»,  en mission commandée, des  ovni politiques, alors même qu’ils sont appelés à faire de la politique. Mais, surtout des gens qui mettront six mois, voire un an, pour prendre leurs marques, avant de se mettre réellement au travail,  si entretemps, un autre remaniement -dissolution n’intervenait pas. Madame la ministre sortante Onifadé, épouse Baba Moussa, en sait quelque chose. Elle qui a valsé à la tête de  trois ministères en moins d’un an, avant de se faire éjecter comme une malpropre. A moins de trois ans de la fin de son mandat, et  en plus   de sept ans d’exercice du pouvoir d’état, Boni Yayi a fait le choix délibéré de s’entourer des cadres «Manan Manan», sans envergure ni prétention. De la sorte, il ne donne pas l’impression de vouloir s’attaquer aux vrais problèmes du pays. Sinon, des hommes et des femmes de grande compétence et de grande réputation professionnelle existent bel et bien, dans tous les domaines,  dans ce pays dit Quarter Latin de l’Afrique. Et Antonin Dossou qu’il a longuement encensé mercredi dernier, lors du premier Conseil des nouveaux ministres, n’est pas le seul expert  dans son domaine de compétence. Tant s’en faut ! C’est une injure à la réputation éprouvée des grands commis de l’Etat, laissés au rancart – parce qu’ils ne sont ni évangélistes ni sycophantes serviles – serviteurs zélés de l’Etat, et qui ne demandent qu’à être utiles à leur pays. Le pauvre Antonin Dossou  ne doit pas se laisser griser par ce  qui apparaît  plutôt comme des flèches décochées à son ex-patron ! Si ce dernier n’a pu convaincre son nouveau patron sur ses compétences, après sept ans de  difficile cohabitation, comment lui,  le disciple, pourrait-il le faire ? Le vrai problème de Yayi est ailleurs.  Et c’est le ministre Djènontin qui l’a martelé l’autre jour à son successeur : «Si vous voulez réussir, disait-il en substance,   tenez le Chef de l’Etat toujours informé de ce que vous voulez faire». Et voilà les ministres de la République ! On  tombe des nues ! Quid alors de la liberté  laissée à l’individu d’innover, d’anticiper et de décider. Si tous les ministres de la République doivent défiler devant le Chef de l’Etat pour prendre  des instructions sur les décisions à prendre,  pourquoi donc ont-ils été nommés ministres ? Et dire que ce ministre vient d’être parachuté au grand ministère de souveraineté qu’est la Justice. Les magistrats qui tiennent à leur autonomie comme à la prunelle de leurs yeux, sont avertis. ! Et le pauvre Procureur de la République et son patron du Parquet Général n’ont  certainement pas fini de gicler aux moindres desiderata de l’hyper-président.

Publicité

Le  Timonier national sondeur des cœurs et des âmes,  que le président refondateur  rêve de devenir,  et  qui se compare volontiers aux despotes éclairés des pays émergents d’Asie du Sud-est, ne peut souffrir la présence des personnes qui lui font de l’ombre. Aussi, peut-on dire sans risque de se tromper, que les gouvernements  successifs de Yayi se suivent et se ressemblent. Ils sont à l’image  de leur chef et aussi de… nos chanteurs musiciens.  Généralement sur leur vinyl, un  ou deux morceaux sont vraiment bons,  le reste c’est du remplissage. Dans les gouvernements Yayi, en effet, à part deux ou trois  ministres bien à leur place, les autres sont des «Gbègonou», interchangeables, malléables et corvéables, dont la fonction est d’amuser le roi par des louanges  accompagnées à l’occasion de chants et danses endiablées,  au son des roulements des tambours royaux qui font vibrer tout le Palais de la Présidence de la République. Sous les claquements de doigts du roi hilare, Dieu sur terre après Dieu.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité



Publicité