Mali : à la croisée des chemins

“Et nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert ». Le peuple malien, en quelques mois, a vécu et illustré, en vérité et en réalité, cet aphorisme d’Albert de Musset. Ce pays, immense par la superficie, remarquable par le poids de ses traditions pluriséculaires et par la qualité de son patrimoine culturel et historique, tituba soudain.

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Il s’affaissa comme château de cartes. Le Mali passa alors du statut d’un Etat souverain, qui comptait dans le concert des nations, à celui d’un Etat néant.

On comprend, de ce fait, que l’élection présidentielle que le pays vient de vivre, résonne comme un appel à la résurrection. C’est le signal d’un nouveau départ. Le Mali après avoir plongé au plus profond d’un puits de larmes et de désolation, renaît. Il accoste les rivages de la vie. D’une vie neuve qu’il entend parer des couleurs de l’arc-en-ciel. Il sourit à nouveau au soleil et se presse déjà sur les chantiers de l’avenir.

Flash-back pour fixer, dans les mémoires, le martyre3 d’un peuple brutalement matraqué par le destin, frappé dans ses œuvres vives. Les Maliens qui, aujourd’hui, retrouvent la saveur de la paix, redécouvrent les vibrations de la démocratie, reviennent de loin.

Ils firent la douloureuse expérience d’un coup d’Etat militaire. Le pays dut sortir des rails de la légalité et de la légitimité constitutionnelle. Le chef trouva le salut dans la fuite et un exil doré au bout de sa course. Mais le citoyen lambda était abandonné à lui-même, à la merci des aléas d’une époque dangereuse. A quoi a-t-il donc servi de s’arracher des serres d’une autocratie militaire pour aller se jeter dans les bras d’acier d’une dictature militaire ? C’est à croire que le Mali tourne en rond, que le Mali fait du sur-place.

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A la vérité, le Mali fait plus que du sur-place. Le Mali recule. L’idée d’une partition de cette terre des grands empires africains reste suspendue au-dessus des têtes comme une menaçante épée de Damoclès. L’irrédentisme touareg, avec pour centre de gravité la ville de Kidal, se trouvait de nouvelles raisons de s’affermir et de se radicaliser. Il a depuis   retrouvé les couleurs rouge sang d’une déclaration de guerre. Un drapeau se déploya. Un cri retentit. Le mot « INDEPENDANCE » fut lâché. Le Mali du grand Modibo Kéita et du non moins grand Alpha Konaré allait-il s’engager dans la voie étroite du Congo-Léopoldville, aux toutes premières aurores de l’indépendance de ce pays ? Souvenons-nous-en. Tshombé le séparatiste, l’enfant terrible du Katanga. Un Katanga, né des œuvres sataniques des coalisés de la domination, du pillage, de l’exploitation et de l’extraversion de l’Afrique. Ceux qui, poussés par leur appétit glouton, avaient alors juré de mettre en coupe réglée le pays du valeureux Patrice Lumumba.   

Mais le pire est à venir pour le Mali. Sans crier gare, les hordes djihadistes surgirent des entrailles du désert. Elles se ruèrent sur les dépouilles d’un Mali fatigué, avachi sous le fardeau de l’épreuve. Les fous de Dieu qui s’étaient invités à cette curée impitoyable, jurèrent, au nom d’Allah et par la puissance de feu de leurs armes, de faire du Mali l’épicentre, le point de départ d’une guerre sainte à l’échelle planétaire. Et la « Charia » commençait par faire des siennes. Des mains étaient coupées. Des citoyens étaient fouettés sur les places publiques. Des mausolées étaient pillés. Des lieux saints étaient profanés.

L’opération « Serval », diligentée par le Président français François Hollande, allait mettre bon ordre à cette pagaille. Elle stoppa l’avancée djihadiste. Qui manquerait de faire le parallèle entre le Président Hollande et son ancêtre, Charles Martel. Celui-ci, comme on le sait, stoppa, à Poitiers, en 732, l’invasion musulmane qui menaçait alors la France.

Le Mali était-il sauvé pour autant ? Personne d’autres ne peut sauver le Mali que les Maliens eux-mêmes. Ni les soldats des pays de la CEDEAO déployés par centaines sur le terrain. Ni les troupes tchadiennes venues prêter main forte. Ni les partenaires techniques et financiers invités à mettre la main à la poche pour financer l’effort de reconstruction du Mali.

C’est sous ce rapport qu’il convient d’apprécier l’élection présidentielle qui vient de rendre son verdict : Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) président ! Que l’étoile du berger reste longtemps dans le ciel. Qu’il guide les premiers pas d’un Mali encore convalescent. Mais d’un Mali redevenu maître de son destin.

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