Message du Chef de l’Etat à la Nation, à l’occasion du 1er Août 2013 : simplement pathétique!

Malgré toute la solennité que requiert l’accomplissement du rituel de la délivrance du message à la Nation, c’est à un Président qui a de la peine à lire le discours qui lui a été rédigé que nous avons eu affaire dans la nuit du 31 Juillet 2013.

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Le Chef de l’Etat, qui ne s’est pourtant départi du texte que pour faire des gestes saccadés, parfois en disharmonie avec son discours, a encore une fois convaincu les Béninois qu’il n’était pas l’homme qu’il fallait, pour conduire la Destinée de notre pays, en ces temps où la gouvernance d’un pays exige tellement de qualités et de compétences.  Du reste, le discours de cette année est truffé de passages qui donnent à croire que, les causes du mal dont souffre notre pays sont à rechercher ailleurs qu’en son propre sein.

Nous voudrions partager avec nos compatriotes, l’analyse que nous inspire cette huitième sortie du Président de la République, à la même occasion. Comme on peut le constater, plus le Chef de l’Etat évolue dans son second mandat, plus il lui est visiblement difficile de convaincre ses compatriotes et arracher leur confiance. L’exercice est devenu pénible, car il ne sert à rien de mentir tout le temps pour gagner du temps, puisqu’au fil des années, le temps finit par avoir raison de vous.

“Une gouvernance de qualité fondée sur les valeurs spirituelles, éthiques et morales”

C’est peut-être l’un des socles de la République à venir, ou du nouveau Bénin, rêvent en solitaire, le Chef de l’Etat et son gouvernement, sept ans après son avènement, et aux dépens et sans la volonté des citoyens que nous sommes. De quelle gouvernance de qualité parle le Chef de l’Etat, à un peu plus de deux ans de la fin de son mandat?   Nous avons connu le changement: échec! On nous a annoncé la refondation, à la veille du frauduleux KO de Mars 2011: échec! Aujourd’hui, on nous promet pour demain, la transformation de notre société. Il semble que ceux qui nous dirigent ne savent plus quoi faire.  Des idées tournent dans leur tête à tous les instants, mais toutes vouées à l’échec. C’est la rançon de l’incompétence, de la précipitation, d’une vision axée sur l’absence de vision réelle, de l’obstination au sectarisme et de l’étroitesse d’esprit. C’est le prix de l’usurpation du pouvoir, que dis-je de l’obsession du pouvoir. Et c’est surtout le prix du bien mal acquis.  A force de jongler et de procéder par ruse, pour ne pas respecter sa propre parole et les textes fondamentaux qui fondent le pouvoir que le peuple vous a confié, à force d’abuser du peuple et des attributs du pouvoir, on en vient à ne plus se convaincre soi-même. Et c’est pathétique. Comme je l’avais écrit dans un de mes articles sur ce régime, il y a quelques mois, Monsieur Boni Yayi peut tout faire, il peut imaginer tous les concepts qui lui passent par la tête, il échouera toujours, les actes majeurs de son régime n’ayant pour fondement la vérité. Tout porte à croire qu’il n’est pas l’homme capable de développer le Bénin, parce que, simplement, il n’en a ni les aptitudes, ni le leadership, ni le charisme, ni la méthode, ni les moyens intellectuels. Et il doit savoir que les Béninois ont assez souffert de son incapacité et de l’incompétence de son gouvernement à régler leurs problèmes, et n’attendent que son départ en Avril 2016.

Petit pays aux ressources limitées, mais riche de part la qualité de ses femmes et hommes, qui étaient jadis connus pour leur capacité de réflexion et d’entreprise, le Bénin avait besoin d’un homme ou d’une femme responsable, politiquement au point, intellectuellement stable et cohérent dans ses actions en faveur du développement du pays, mais surtout respectueux de la loi et des institutions. Ce dont nous continuons de rêver, sept ans après l’avènement du Messie autoproclamé.

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Les visions et les projets du régime actuel sont annoncés sans jamais se concrétiser. Comme l’a dit Charles Beaudelaire, «à quoi bon exécuter des projets, puisque le projet est en lui-même une jouissance suffisante ?». Apparemment, promettre des choses aux Béninois, sans les réaliser et sans même leur expliquer pourquoi on n’y est pas parvenu, est tout sauf  l’obligation de rendre compte, encore moins l’obligation de résultats, l’un des rares récits que le Prince et ses ouailles savent faire sans se tromper. 

Quelle place pour l’éthique et la morale dans sa gouvernance actuelle?

Que viennent chercher l’éthique et la morale dans le discours d’un Président qui a passé son temps à aligner les scandales, avec une impunité déconcertante. Qu’il nous dise, des nombreux scandales dont son régime détient malheureusement le record, lequel est aujourd’hui devant la Justice? Le plus connu et le plus dévastateur d’entre eux, le scandale dit ICC-Services est-il aux mains de la Justice? S’il ne l’est pas, comment le Chef de l’Etat explique une telle situation? N’avons-nous pas une Justice? Le Roi et sa Cour sont coutumiers dans l’alignement des mots, pour dire des choses qu’eux seuls comprennent. A qui veut-il enseigner l’éthique et la morale? Il devrait commencer par transmettre à la Justice tous ces dossiers qui pendent à son cou. Et le plus récent d’entre eux, la construction du siège de l’Assemblée Nationale, attend de recevoir toute l’attention que son traitement mérite de la part de la Justice de notre pays. Comme l’indique l’Abbé Pierre, «Quand on s’indigne, il convient de se demander si l’on est digne.» L’apparente indignation du Chef de l’Etat a simplement valeur de coups d’épée dans l’eau, car, entre le peuple et lui, qui a le droit et même le devoir de s’indigner ?

L’éthique et la morale renvoient aussi à l’équité. Peut-on aujourd’hui dire que ce Président traite ses compatriotes avec équité et avec les mêmes égards qui sont dus à la personne humaine? Pour qui envoie t-il des Forces de l’Ordre tirer sur de pauvres citoyens de la partie méridionale de notre pays, dont le seul crime est de vendre du carburant  de contrebande pour entretenir leur famille, dans un pays confronté depuis de nombreuses années à une crise aigue de chômage, et à la morosité économique? Dans le même temps, qu’a-t-il fait en direction des “siens” du septentrion, qui s’adonnent au même trafic? Pourquoi maintient-il en prison d’innocents citoyens que la Justice a déjà rendu des arrêts pour libérer? Pourquoi l’honorable Désiré Vodonon est-il toujours en prison, malgré la décision de justice rendue en faveur de sa libération? Non, c’est un discours creux qui n’a aucune prise avec les réalités que vivent les Béninois, et le Chef de l’Etat et tous ceux qui l’entourent le savent très bien.

Au nom de quelle éthique a-t-il déterré la hache de guerre contre les opérateurs économiques, dont Patrice Talon et Sébastien Ajavon, alors que l’honorable Issa Salifou Sale, dont le gouvernement lui-même a dit qu’il devait 8 milliards de francs à l’Etat, a été absout, après avoir sauté pieds joints dans la marre  de la refondation? Q’on nous explique quelle éthique et quelle morale président aux nominations en Conseil des Ministres, dont la plupart alignent des cadres du Nord à qui on confie des postes de gestion des ressources financières et humaines de l’Etat, alors que ceux du Sud se contentent de strapontins derrière lesquels on les fait courir et travailler comme de beaux diables, et sous la supervision  de hiérarchies incompétentes. Non, il n’y a et il n’y aura ni éthique, ni morale, avec ce régime de prédation, qui a tout dévasté dans notre pays, telle une horde  de taureaux qui traverse un champ de maïs.

Je vous respecte, je vous respecte, je jure… je jure…

Le discours du Chef de l’Etat était ponctué de ces expressions. On se serait cru devant un prétoire ou devant un juge. On se croirait surtout au 6 Avril, à sa prestation de serment en qualité de Président nouvellement élu. Qui a pu lui conseiller ces formules totalement anachroniques et incongrues de la part d’un Chef d’Etat qui a déjà prêté serment de servir le peuple. L’a-t-il fait comme le peuple devrait s’y attendre? De quel respect parle-t-il? Le meilleur respect qui est dû au peuple béninois, c’est celui qui aurait dû commencer le 6 Avril 2006, après son serment, à savoir la mise en œuvre d’une politique cohérente au plan économique et sociale, pour soulager sa misère. C’est le respect des libertés individuelles et collectives. C’est aussi le respect des institutions et de leur fonctionnement harmonieux. C’est enfin la reconnaissance du rôle et de la place du secteur privé et de la Société Civile dans le développement économique et social harmonieux de la Nation. De quel respect parle-t-il, quand certains de ses compatriotes sont en exil sous son règne, et que d’autres sont maintenus en prison pour des complots montés de toutes pièces, et que la Justice de notre pays a eu le mérite, contre toute attente, de démonter. De quel respect parle le Président, quand il a fractionné le pays en deux, à travers une politique de régionalisme honteusement menée par ses sbires, avec sa bénédiction, et en plein 21ème siècle? De quel respect parle-t-on, quand les jeunes citoyens formés dans nos universités, écoles et autres centres de formation, ne peuvent pas passer un concours et avoir la garantie, en toute équité, de réussir, même s’ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes, à cause de la politique éhontée des quotas, véritable poudrière qui va exploser dans quelques années, emportant toute notre administration.

Non, le Chef de l’Etat plaisante. Parle-t-il du même pays ? S’agit-il du même Bénin qu’il traine dans la boue depuis plus de 7 ans, avec mépris, et maladroite condescendance, en traitant ses compatriotes de “petits” et la classe politique de médiocre. Le ridicule ne tue pas au Benin, et c’est le premier d’entre nous qui aurait pâti si c’était le cas. Car son discours était truffé d’incongruités et de banalités. 

Signes évidents de lassitude : la fin du haricot ?

Le discours du Président, ainsi que la posture de celui qui l’a délivré, montrent que la fin n’est plus loin.  Pour un peuple comme le Benin, qui a tant souffert pour s’ouvrir la voie de la démocratie et de la liberté, et qui aujourd’hui  est confronté à un régime de dictature et à une autocratie qui ne dit pas son nom, on ne peut s’étonner que le Chef de l’Etat ne reçoive pas des coups lui-même, plus qu’il en donne.  Les vibrations négatives, émises par des millions de Béninois qui croupissent sous le poids de la misère, finiront par avoir raison de lui. S’il est un homme intelligent, comme il veut en donner l’impression, s’il est le visionnaire dont se vantent ses sbires, il doit avoir compris que la fin du haricot est proche.  En conséquence, il doit abandonner, purement et simplement, son projet controversé de révision de la Constitution, pompeusement baptisé de réforme, et par lequel il prétend moderniser le processus démocratique de notre pays. Il faut qu’il fasse tout pour laisser un minimum de traces positives après son départ en Avril 2016.

Coffi Adandozan
Economiste-Planificateur
Lille, France

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