Le Rôle du Leader dans la conduite des réformes politiques, économiques et institutionnelles

Plébiscité en Mars 2006, par 75% de Béninois, pour mettre un terme à la gabegie et aux tâtonnements sur le plan économique du régime du Président Mathieu Kérékou, le Président Boni Yayi avait, à sa disposition, toutes les cartes pour mener à bout un certain nombre de réformes qui devaient propulser le changement qu’il avait promis au peuple béninois.

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Bien que son programme de campagne était inconnu de la plupart des Béninois, sauf de ses thuriféraires qui le brandissaient avec beaucoup de parcimonie, il pouvait mettre en route un certain nombre de chantiers économiques, étant donné que de nombreuses études avaient été déjà réalisées, qu’il s’agisse de la filière cotonnière, des transports, de l’énergie, de l’éducation, de la santé ou des réformes fiscales, y compris les douanes. Mais, l’improvisation et la précipitation, ses péchés mignons, l’en ont empêché.

Et pourtant, les ressources humaines de qualité n’ont pas manqué

Dans l’entourage du Président fraichement élu, il y avait des personnalités crédibles, capables de l’aider à identifier les vraies priorités du pays, ne serait-ce qu’en termes de réformes économiques et institutionnelles, et les conduire à terme avec méthode et rigueur. Il faut dire à sa décharge, qu’il avait réussi, dès son premier gouvernement, à positionner des personnalités connues pour leur compétence. Certains ont séjourné dans le gouvernement, le temps d’un éclair ou d’un arrêt de métro, pour ensuite être débarqué, pour des motifs qui donnent froid dans le dos. C’est le cas de Gaston Dossouhoui à l’Agriculture, de Kpedetin Dossou aux Transports et Travaux Publics. A cette liste bien restreinte, il convient d’ajouter Madame Colette Houeto, à qui incombait la charge de conduire le sous-système de l’enseignement primaire. Elle est connue même au-delà de nos frontières, non seulement comme une personnalité expérimentée dans la maitrise des questions de l’éducation, mais aussi et surtout pour ses qualités de femme empreinte de courtoise et extrêmement sensible au respect de l’autorité. Par contre d’autres, tout aussi reconnus compétents sont restés longtemps dans le système qu’ils viennent de quitter.

C’est surtout le cas de Pascal irénée Koukapi, dont il n’est pas nécessaire de revenir sur les responsabilités successives (du moins apparentes) jusqu’à celles du Premier Ministre qu’il a «assumées» jusqu’au 8 Aout 2013, date à laquelle l’équipe dont il était membre a été dissoute. Une première dans les annales de notre pays, que l’histoire politique pourrait retenir comme la conséquence d’une crise aigue de confiance au sein de l’équipe elle-même, et qui faisait l’effet d’une saute d’humeur du leader que le Président est censé être. Sur les compétences professionnelles de l’ancien Premier Ministre, ainsi que sur ses qualités d’homme de grande rigueur intellectuelle, de méthode, de probité morale et de la maitrise des dossiers de l’Etat, très peu de Béninois qui le connaissent bien, auront à redire. Mais une seule hirondelle ne fait pas le printemps.

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Entre temps, beaucoup d’eau a coule sous le pont, avec un passage de près d’une centaine de personnalités qui auront participe à ce défilé, depuis Mars 2006, dans les gouvernements successifs. On notera également le passage du Dr Kessilé Tchalla Saré, à la Santé, homme affable, pétri de talents et de rigueur, parce que Chirurgien formé pour poser des actes précis et avec méthode, mais pris au piège de l’improvisation du système Yayi. On n’oubliera pas Vicentica Boco qui aurait conduit la campagne du candidat Boni Yayi au premier mandat, et qui, probablement, ne s’est pas retrouvée dans les dédales du système, ayant été éjectée une année environ seulement après son entrée au gouvernement. Même Richard Sènou, haut fonctionnaire de la Banque Mondiale, avec ses expériences des réformes structurelles, n’a pu résister au vent de balayage gouvernemental et à  la pratique presque devenue rituelle de la chaise musicale. L’avenir nous éclaira sur les circonstances du limogeage de ces personnalités qui, très outillées et pétries d’expérience (peut-être pas politique) avaient tout à offrir à leur pays et faire réussir au Président Boni Yayi son  quinquennat, mais surtout faire rêver les Béninois.  Comme la providence nous apportera aussi la lumière sur les circonstances du départ du Gouvernement de Pascal Irénée Koupaki, que certains prétendent qu’il aurait rendu le tablier, alors que d’autres estiment qu’il aurait subi la foudre du Roi, pour son manque d’engouement en faveur de la «révisionniste».

Un Messie nous était révélé

A la place d’un leader élu pour conduire les Béninois vers des lendemains qui chantent,  c’est à un messie qu’ils ont eu droit. Le messianisme est défini dans le Dictionnaire Larousse comme «une personne providentielle dont on attend la venue; personne qui se croit investie d’une mission exceptionnelle.». Se prenant comme l’envoyé de Dieu sur terre, et donc investi d’une mission divine, le messie, dans le contexte démocratique tient un discours sur la redevabilité pour anesthésier le peuple, mais adopte curieusement une attitude qui fait de lui le centre de la terre, celui par qui tout doit arriver. Il a  donc des traits caractéristiques proches du narcissisme, avec une bonne dose d’égoïsme et une forte propension à l’idolâtrie et au culte de la personnalité. Un Chef d’Etat qui verse dans ses travers, n’est plus un leader. Le Président Boni Yayi cherche à communiquer avec le peuple, par tous les moyens, même peu orthodoxes, en s’arrêtant dans les rues pour prendre le taxi-moto, ou en soulevant des enfants pour montrer son amour pour le peuple. La filière des microcrédits aux plus pauvres, conçue comme outil de développement, lorsqu’elle est bien pensée et mise en œuvre pour les seuls objectifs de capacitation et de renforcement du pouvoir économique, notamment des femmes, a été détournée à des fins de propagande, où les femmes bénéficiaires sont souvent disposées en haies humaines, pour offrir au Président le bain de foule dont il raffole. On en fera le vrai bilan, tant au plan de l’impact que du remboursement des crédits octroyés.

En clair donc, les conditions de l’échec du quinquennat 2006-2011 étaient réunies avec son cortège de scandales financiers jamais élucidés par la Justice de notre pays, pourtant reconnue par la Constitution du 11 Décembre 1990 comme un des piliers essentiels de notre jeune démocratie. Le plus rocambolesque de ces scandales, dont la liste est longue mais loin d’être exhaustive, est l’affaire ICC Services dont l’avenir s’occupera également. Malgré les jérémiades de l’ancien Procureur de la République, Georges Constant Amoussou, du fond de sa cellule, on ne sait pas encore si ce dossier a connu un début d’instruction. Mais, on saura certainement la vérité un jour.

Le temps des réformes

Apres le temps des scandales économico-financiers du premier quinquennat, le Président du Bénin, candidat à sa propre succession lors de la campagne électorale de Janvier-Mars 2011, a officiellement lancé l’ère des grandes reformes, sans en avoir réellement pris la mesure, comme s’il s’agissait d’en parler pour qu’elles se produisent ou encore que ces réformes, tel un coup de baguette magique, pouvaient effacer les scandales du premier mandat, dont les traces, les manifestations et les conséquences sur la vie économique nationale resteront indélébiles. En effet, quelle réforme économique peut-elle restituer aux spolies de ICC Services, les fonds qui leur ont été extorqués, si la Justice n’en connait pas les tenants et les aboutissants pour rendre justice aux spoliés? Quelle réforme politique ou institutionnelle pourrait réparer le traumatisme d’un peuple terrassé par la mauvaise gouvernance et dont le pouvoir d’achat baisse chaque jour, tel un pot de chagrin, du fait que ces prétendues réformes ont été mal engagées et mal conduites?     

N’est pas leader qui veut

Comme le ver dans le fruit, les prémisses de l’échec de la quasi-totalité des réformes, dont le catalogue a été révélé avant et après le mémorable KO électoral de Mars 2011, étaient intrinsèques au Chef de l’Etat lui-même. La réussite d’une réforme, quelle que soit son importance, suppose des pré-requis que Monsieur Boni Yayi, en tant que Président de la République n’avait pas, et n’a jamais cherché à acquérir, ou à défaut embrasser. Il s’agit des qualités d’un bon leader qui écoute. Il s’agit aussi de mettre en place les conditions transparentes pour concevoir et mettre en œuvre ces réformes. Mais, il s’agit surtout de dire la vérité au peuple et d’avoir le courage d’accepter la contradiction, d’où qu’elles viennent. Le Président Boni Yayi n’avait aucun de ces pré-requis, en dehors de sa volonté longtemps ressassée de changer les choses. Pire, il a donné l’impression qu’il ne savait pas ce qu’il appelait réforme. Aussi, a-t-il mis dans la tête de certains Béninois, notamment de ses partisans, que tous les actes qu’il pose étaient des réformes. On a pu entendre des marcheurs de certaines régions du pays, à l’occasion de l’affaire de tentative d’empoisonnement et de coup d’Etat, dire qu’il faut laisser le Chef de l’Etat faire ses réformes. Les réformes sont-elles pour le Chef de l’Etat ou pour le peuple? Lorsqu’on en arrive à ce niveau de confusion, où la communication est brouillée à dessein dans la tête des Béninois, on ne peut réussir aucun acte majeur, a fortiori, une réforme dans l’intérêt et au profit réel du peuple.

Le leader doit aussi être transparent et au-dessus de la mêlée. Tenir des propos qui divisent le peuple, en reconnaissant les siens, crée déjà les conditions d’échec d’une réforme. Le Président Boni Yayi et ses affidés ont monopolisé l’ORTB, pompeusement baptisé de «chaine des grands évènements» pour soigner son image et organiser la propagande insipide autour de ses actions, dans le cadre d’un monologue repoussant qui rappelle l’époque à jamais révolue de la pensée unique. Comment réussir une réforme dans un système de gouvernance où les laudateurs du Président sur la Télévision Nationale le disputent à ceux qui, parfois ministres devant le Prince, investissent «leurs contrées» pour vendre les trouvailles du Président. Dès que le Président a sorti une idée qui rencontre la moindre réserve ou la résistance d’une opposition politique pourtant affaiblie, on organise une campagne pour emballer le peuple du Benin dit profond, dans une propagande qui frise souvent le culte de la personnalité: «le Président a dit……., le Président veut…, qui sont-ils pour refuser au Président, élu de Dieu et venant directement après lui, le droit de faire ses réformes?» Et de quoi ont-ils peur?

Le Président lui-même ne fait pas dans la dentelle. Aussi, après réception de la lettre à lui récemment adressée par la Conférence Episcopale du Benin, s’est-il senti obligé de réagir et de rappeler aux Evêques que lui aussi est une créature de Dieu qui a droit au respect sacré. Un geste  tout à fait aux antipodes de l’humilité qui doit caractériser un bon leader à qui l’Eglise vient de rappeler, de la manière la plus élégante, ses obligations, et qui de surcroit reconnait le malaise qui est décrit. Aussi est-il allé, comme d’habitude, jusqu’à demander des explications au Clergé sur ce que lui-même reconnait comme malaise et qui n’est que la conséquence d’un enchevêtrement de faits, les uns et les autres découlant de la manière confuse et peu transparente dont il conduit les affaires de l’Etat.    

L’économie de vérité: la tasse de thé du Président

L’histoire du Bénin, depuis son indépendance, n’a pas encore rapporté une crise de confiance aussi aigue et aussi longue que celle que nous vivons aujourd’hui. Même si à des moments donnés, on a eu droit à des épisodes qui se sont hâtivement soldés par des coups de force qui peut-être ne se justifiaient pas, jamais la suspicion, la méfiance et la crise de confiance n’ont atteint un degré aussi élevé. Je n’ai pas vocation à ressasser le contenu de la lettre des Evêques du Bénin, mais il faut, à la vérité, dire que notre pays souffre de manque de vérité. En lieu et place de l’économie réelle, c’est l’économie de vérité qui est faite. La forme achevée de cette économie, c’est lorsque le Chef de l’Etat clame sous tous les toits Européens, Américains, et à la maison même, devant le Pape Benoit XVI, qu’il est en train d’accomplir son deuxième et dernier mandat et qu’il quitterait le pouvoir en 2016, et que la plupart de ses compatriotes restent dubitatifs. La raison est que lui-même nous a habitués à l’économie de vérité, au cours des 7 dernières années. Et son comportement quotidien, de même que la machine à propagande déployée dans le cadre de son projet machiavélique de révision de la Constitution, ne convainquent personne de sa volonté de conduire une réforme qui mette les Béninois et leur pays à l’abri du risque d’implosion. Voici quelques morceaux choisis qui illustrent le manque de vérité dont soufre le Président:

•Le Chef de l’Etat n’a rien fait pour que le processus de la LEPI soit mené dans le cadre d’un consensus. Il n’a pas démenti son actuel ministre des Affaires Etrangères, M. Nassirou Arifari Bako, quand ce dernier a déclaré et répété plus d’une fois, que la LEPI ne se faisait pas pour être utilisée dans le cadre de l’élection présidentielle de Mars 2011. La cour de Dossou n’avait fait qu’entériner une situation de ruse rondement menée.

•Le Chef de l’Etat a toujours dit n’avoir jamais été informé des nombreux scandales qui ont émaillé sa gouvernance, y compris celui d’ICC Services, qu’il ne montre curieusement aucun empressement à laisser la Justice démêler.  Pire, il a promis, lors de sa campagne de Février-Mars 2011, de tout faire pour rembourser les spoliés. Quand le fera t-il? Les intéressés attendent toujours.

• D’anciens ministres et proches collaborateurs, comme l’ancien Procureur actuellement en détention, ont publié des memoranda sur ces scandales, avec des détails troublants, sans que personne ne les ait contestés. L’un deux, en l’occurrence l’ancien ministre des Finances, Soule Mana Lawani, avait même menacé d’aller plus loin dans le déballage, si on persistait dans sa persécution. Dans quel Etat sommes-nous?

•Le Chef de l’Etat n’était pas au courant de la disparition de Urbain Dagnivo. Mais, il n’a pourtant montré aucun intérêt pour le traitement de ce dossier pour que justice soit rendue au disparu et à sa famille. Dans les pays où le Chef de l’Etat est un bon leader, la disparition d’un petit enfant fait l’objet de toutes les recherches, dans le cadre d’une procédure transparente où le point est fait régulièrement aux parents et à l’opinion. Peut-on en dire autant de la disparition de Dangnivo ? Nous sommes convaincu que l’histoire jugera, Il y aura définitivement une justice pour Urbain et sa famille.  

•Le Chef de l’Etat a clamé avec les «siens» qu’on a tenté de l’empoisonner et de le renverser par coup d’Etat. Sans préjuger de l’issue finale de ce dossier, la Justice Béninoise a déjà rendu et confirmé deux ordonnances de non-lieu. Le chemin est plutôt plus balisé pour le doute que pour la vérité. Ne disons-nous pas toujours de faire confiance à la Justice de notre pays?

Pour ne s’en tenir qu’à ces exemples sélectionnés parmi la multitude, il faut avoir le courage de dire que le mal du Bénin vient du sommet, et que l’état de délabrement des finances publiques, de l’économie en général, voire d’aggravation de la pauvreté, n’est que la conséquence de ces faits qui, mis ensemble dans la balance, plombent les promesses de prospérité partagée dont on nous rabat les oreilles

Convaincre par le comportement et prêcher par l’exemple

Le dialogue est l’outil irremplaçable pour réussir toute réforme. Dans les conditions actuelles du Bénin, il n’y a pas de dialogue, et le responsable de ce déficit chronique de dialogue, est encore le Chef de l’Etat. Point n’est besoin de revenir sur son comportement qui favorise plutôt la division, alors que le discours officiel parle de travailler ensemble. Comment obtenir l’adhésion à une réforme si on ne parle pas avec les bénéficiaires, dont les leaders d’opinion constituent un pan non-négligeable. Peut-on faire des réformes seulement avec des gens qui ne comprennent presque rien de ce qu’on veut faire pour eux? Et le Chef de l’Etat ne semble montrer aucune bonne volonté dans ce cadre. Qu’il s’agisse du Projet de révision de la Constitution du 11 Décembre 1990, du PVI, ou encore du Ramu, c’est le passage en force qui est manifestement mis en œuvre comme stratégie. Quand le Chef de l’Etat et ses obligés parlent du consensus, on dirait qu’ils donnent à ce mot un sens différent de la vision qu’ont certains groupes sociopolitiques et les leaders d’opinion. On ne peut aujourd’hui compter le nombre de groupes et personnalités qui ont demandé au Président de la République de faire l’option d’un dialogue national. En réponse à ces appels incessants, le Chef de l’Etat compte sur son «peuple à lui» et sa majorité mécanique à l’Assemblée Nationale, convaincu qu’il est, que c’est lui qui y a envoyé ces députés, et qu’ils doivent agir comme bon lui semble.

Lorsqu’un Député comme l’honorable André Okounlola se présente à la Télévision Nationale pour lire un communiqué du Bureau de l’Assemblée Nationale visant à rassurer les Béninois, on peut légitimement se demander quel crédit accorder, aussi bien au message qu’au porteur du message. Car, le message lui-même est perçu comme la résonnance de la position d’une mouvance qui manque, en dehors de quelques exceptions, d’esprit critique. Quant au porteur du message lui-même, il n’est ni crédible, ni un modèle pour délivrer un tel message. Dans un pays où les règles du jeu démocratique sont respectées, il devrait être à la disposition de la Justice dans le cadre du scandale jamais élucidé des machines agricoles. Comble de ridicule, c’est le dénonciateur de ce scandale qui a raté son siège à l’Assemblée Nationale, alors que le suspect l’y a remplacé. Mais, l’heure de la vérité sonnera.

Le dernier gouvernement mis en place le 11 Aout dernier, donne plus d’indications sur la volonté du Chef de l’Etat de monopoliser le débat sur le projet controversé de révision de la Constitution. De nombreux analystes estiment en effet que la plupart des personnalités cooptées dans cette équipe, dont certains ont visiblement du mal à s’exprimer dans un Français correct, ou à lire leur discours, sont celles qui sont prêtes à donner leur tête à couper pour que passe le projet, conformément à la volonté du Prince. Si cette analyse est fondée, ce que je crois, elle donne la preuve que le Chef de l’Etat fait plutôt le choix de l’aventure, que de l’intérêt de la majorité des Béninois. Depuis qu’il a déclaré qu’il fera la «dictature du développement», concept aux contours flous mais en parfaite adéquation avec sa vision de la gestion de la chose publique, on ne peut s’empêcher de comprendre qu’il n’y a rien à attendre, s’agissant d’un dialogue qui mettrait  les Béninois autour d’une table pour se prononcer sur les réformes qui engagent leur vie économique et sociale,

Pas de chances pour les réformes donc peu de résultats à espérer

Dans les conditions et l’environnement qui sont décrits ci-dessus, on ne peut s’étonner de la maigre moisson générée par le système de Boni Yayi, face au vaste espoir qu’a suscité son avènement au pouvoir. La réforme de la Constitution, pourtant nécessaire, en tête, aucune d’entre elles ne saurait aboutir dans de telles conditions. Le «oui» et après le «non» au PVI, constituent une autre illustration du manque le dialogue franc, sincère, ouvert, transparent et ayant pour socle la vérité, et pour seul objectif l’intérêt général.  A défaut de cela, on parlera toujours de réformes comme des potions magiques ou comme la panacée pour que notre pays avance sur le chemin du progrès. Il est vrai que l’absence de réformes est aussi un frein au progrès. Mais, elles doivent être conçues sous un leadership éclairé, facilitateur dans le cadre d’une vision claire qui est discutée avec tous les concernés, à travers un dialogue inclusif. Le leader doit être aussi entouré de personnes ayant compris sa vision, qui la partagent et sont prêtes à l’accompagner parce qu’elle s’inscrit dans le sens de l’intérêt général.

Ce dont le Benin a sans aucun doute besoin aujourd’hui, c’est un leader politique ayant une vision claire des défis de développement de notre pays, et donc des besoins prioritaires de son peuple. Il doit être entouré de cadres compétents (pas des cadres encadrés comme le dit l’éminent Professeur Honorat Aguessy), engagés et humbles, prêts à se sacrifier pour poser des actes significatifs de développement et avoir le courage de dire la vérité au Chef, si celui-ci arrivait à s’égarer. Nous ne voulons plus des personnalités comme l’ancien ministre Blaise Ahanhanzo-Glèlè qui, imitant les collaborateurs du feu Président Mobutu Séssé Séko de la Rdc, au temps fort du Mobutisme, a conduit les têtes couronnées au Palais de la Présidence, pour danser à la gloire du Roi. Encore moins voulons-nous de ceux qui, sachant que le projet de révision de la Constitution, tel que mené tambour battant par le Prince refondateur, comporte des germes  d’implosion du pays, s’y sont néanmoins engouffrés pour gagner des galons dans le gouvernement. Le Bénin compte beaucoup de personnalités qui peuvent faire les choses autrement, si on laisse de côté un certain nombre de considérations contre-productives qui prédominent aujourd’hui, comme le clientélisme, le régionalisme, le larbinisme, le culte de la personnalité, le mensonge, la ruse et la tricherie. L’obligation de rendre compte et l’obligation de résultats cesseront alors d’être des refrains quotidiennement psalmodiés pour la consommation de ceux qui n’y comprennent pas grande chose. «Le tigre ne proclame pas sa tégritude. Au contraire, il tombe sur sa proie et la dévore» a dit Wolé Soyinka de regrettée mémoire.    

Si on peut se permettre d’adresser une seule requête au Président de la République, c’est de prendre en charge une seule réforme, à l’exception du projet à polémique de révision de la Constitution autour duquel il s’abstient délibérément de réaliser le consensus, et de le conduire à terme avant son départ des affaires le 5 Avril 2016. Il aurait rendu un grand service à lui-même d’abord, au peuple qui se souviendra de lui et au pays.

S’il choisit de faire comme l’actuel Président, le successeur du Président Boni Yayi, quelle que soit son intelligence, court aussi le risque de l’échec cuisant. Mais, tous les leaders sont-ils préoccupés par l’échec, et sont-ils prêts à en assumer les responsabilités? Question ouverte. Il nous appartient donc d’éviter de recourir à des messies, en lieu et place de leaders visionnaires, pour conduire notre destinée. Mais, sommes-nous capables d’un tel discernement qui nous éviterait de nous jeter dans les bras d’autres imposteurs? L’oiseau rare perd des plumes, mais veut s’accrocher, malgré sa nudité…

Coffi Adandozan
Economiste-Planificateur
Lille, France

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