Pratique de la dot au Bénin : une coutume marginalisée et vouée à la disparition

Dans la Tradition africaine, la dot est un présent offert  par le fiancé à la famille de la fiancée, pour obtenir celle-ci en mariage. Force est de constater qu’elle perd son aspect symbolique, et est de plus en plus délaissée dans la société béninoise. «Mon homme n’a pas besoin de me doter. S’il m’aime et s’occupe bien de moi ça me suffit».

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C’est  ainsi que Nadège Kakpo,  étudiante, affiche son indifférence à la pratique de  la dot. Se faire doter pour elle, est une manière de se laisser acheter par les parents de son fiancé. Honorine Gbohounon, une femme mariée qui n’a pas été dotée, acquiesce.  «Si j’étais entrée sous le toit de mon mari après la dot, je me sentirais  comme une enfant placée auprès de lui». L’amour, ajoute-t-elle, est le plus important dans un couple. Ce désamour pour la dot n’est pas l’apanage des femmes seulement. Francky Hounzandji, un jeune entrepreneur, déclare : «Je ne pense pas doter une femme, à cause de l’ampleur que la dot a prise. Si pour prendre une femme il faut dépenser une forte somme, alors qu’on s’aime réellement, c’est plus la peine». Le constat est donc là, la jeune génération ne reconnait plus l’importance de la dot.  Et pourtant leurs aînés ne cessent d’en faire l’éloge.

Regards dans le rétroviseur

Du coté des plus âgés, la dot est perçue autrement.  Selon Tossou Germaine, une dame de la soixantaine, «la dot accorde plus de valeur à la femme, et fait d’elle une femme digne et respectable.» Car, poursuit-elle, «on dotait la jeune fille qui est digne, et si de surcroit elle est vierge, après la nuit de noce, il s’avérait que c’est son mari qui l’a déflorée, il revient gratifier les parents de sa femme avec d’autres présents, en guise de reconnaissance de la bonne éducation et du bon encadrement qu’ils ont su apporter à leur fille demeurée vierge jusqu’à ce stade». Hounnon Mintokandji, prête vodoun, la rejoint. Dit-il, quand les jeunes parlent de l’amour, ils ont raison d’une part, mais, d’autre part, ils ont tort parce qu’entre temps on consultait le ‘’fa’’  pour connaître son âme sœur, savoir s’il y a compatibilité entre le fiancé et sa dulcinée. Tout ceci, poursuit le dignitaire vodoun, constitue la phase pré-dot. «On s’assure que celle-ci est issue d’une famille respectable, où les enfants reçoivent une bonne éducation», a expliqué le Bokonon. La dot, rassure-t-il, est un geste de gratitude et de reconnaissance, de la part du marié, à la famille de la femme, pour l’avoir élevée  et pris soin d’elle. Prisca Mitobaba, secrétaire dans une entreprise de la place, est l’une des rares jeunes qui comprennent le langage des aînés. «Sans la dot, je ne bouge pas de chez mes parents», a-t-elle affirmé, avant d’ajouter : «Je ne suis pas une femme facile à avoir, et si l’homme qui veut me prendre  ne peut, ou ne veut pas, remplir cette formalité, je ne le suis pas». Avis donc à ceux qui bafouent la pratique de la dot.

Ce qui  joue contre une pratique pourtant vertueuse

Si Afi pouvait rêver de son jour de dot, Bella de nos jours, n’y songe guère. Rêve utopique pour la plupart des jeunes, la dot est un label  autrefois recherché par  tout candidat à la vie conjugale, pour s’exhiber en tant qu’époux ou épouse de tel ou telle. C’est, pour employer un langage technique, une certification Iso, que les amoureux doivent avoir pour jouir de tous les prestiges qu’elle procure au sein de la société. Mais, tel un  richissime qui a fait faillite, la popularité de la dot a dégringolée et dégringole. Elle est de plus en plus rétrogradée au énième rang des préoccupations des futurs concubins.

Au premier chef des motifs du désamour des jeunes pour une pratique si vertueuse, la modernité, l’occidentalisation des sociétés africaines. L’acculturation de plus en plus poussée, amène les jeunes à préférer se conter fleurette, comme Roméo et Juliette.  Résultat, ce qui conduit désormais les partenaires à la vie conjugale, loin de la dot, est une grossesse piquée au détour d’une nuit entre amoureux à la plage, dans un coin de rue, une chambre de passe… On dotait,  dit la sexagénaire Tossou Germaine «la jeune fille qui est digne». A ne s’en tenir qu’à ce seul critère, à nous appris par Dame Tossou, la baisse de forme observée dans la pratique de la dot s’explique d’elle-même. Avec la dépravation des mœurs, devenue coutume, accentuée par le goût très poussé au matérialisme, les femmes méritantes sont désormais des perles rares, et tout jeune en âge de se marier doit beaucoup chercher pour en trouver. Et ce n’est pas tout, il lui faut avoir les reins solides. En d’autres termes, avoir de quoi assurer les dépenses que cela nécessite.

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Loin d’être un acte symbolique, les constituants de la dot varient en quantité et en qualité, autant que le prestige  et la notoriété de  la belle-famille sont élevés. Ce n’est donc plus un luxe à portée de tous. Encore que le prix du cabri  ou de la bouteille de vin, sans oublier les autres constituants, avec le temps, a évolué de fort belle manière.  Et dire que le jeune, faute d’un travail digne de son rang intellectuel, doit assurer son statut de débrouillard, pour s’offrir juste ce qu’il faut pour ne pas mourir, et le désir de s’engager dans une vie conjugale est de moins en moins ressenti. Le chômage aidant donc, la dot n’est plus la priorité pour le jeune, mais plutôt avoir de quoi payer le loyer pour s’offrir son nid d’amour.
Olivier Ribouis

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