Déguerpis d’Agamè : des centaines de refugiés togolais à la belle étoile à Vêdoko

Depuis quatre jours, des réfugiés togolais, dont des vieillards, des femmes enceintes, et des enfants, délogés de leur camp initial d’Agamey, le 10 octobre dernier, ont pris d’assaut le jardin public de Vèdoko, où ils vivent dans des conditions hygiéniques très peu recommandables. 

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De statut de réfugié à celui de «Sans domicile fixe», après avoir été chassés de leur  camp situé à Agamè, dans la Commune de Lokossa, les réfugiés togolais ont, dans des conditions misérables, élus domicile dans le jardin public sis près du collecteur XX, au quartier Vêdoko, depuis bientôt une semaine, sans la moindre réaction du Haut Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés (Unhcr). «Le Chemin de Croix a commencé pour nous depuis le 10 octobre passé, quand des Caterpillars amenés par un Commandant de Brigade, sont venus démolir nos habitations, et raser le site d’Agamé qui abritait notre camp de réfugiés.» Nous apprend, l’air complètement hagard, Koffi Aholou, un des responsables des réfugiés togolais. Des colis à la tête, des nourrissons portés au dos, et des mineurs  pieds nus, ils ont, à l’en croire, marché sur plus de 40 kilomètres. Et chaque fois qu’ils doivent faire escale pour reprendre un peu de forces, sont aussitôt chassés, sur instruction des chefs de villages alertés au sujet de leur passage, et sommés de ne leur  accorder aucun lieu de repos. Epuisés, vidés de toute énergie, avec des pieds enflés pour certains, ils ont pu, grâce  au soutien de la Ligue des Droits de l’Homme, rejoindre Cotonou sans savoir que les portes du Unhcr, censé les protéger, leur serait fermée, et qu’ils allaient souffrir le martyre à Cotonou.

Battus, Humiliés et livrés à leur propre sort

«Arrivés pour exiger des  conditions de vies humaines, à défaut d’avoir une autre terre d’asile, comme nous l’avions souhaité, nous avons été battus, humiliés, renvoyés de la Maison du Peuple où nous avions été logés à notre descente, et jetés dans la nature». Explique, en se lamentant, Maonou Sogbo, un autre responsable des réfugiés togolais, qui  montre la photo  d’une femme avec le bras en plâtre. Tout porte à croire qu’ils sont indésirables auprès du Haut Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés. Car disent-ils, s’ils souffrent le martyre aujourd’hui, c’est parce que l’actuel  Représentant du Unhcr ne leur reconnait plus le Statut de Réfugié, en prétendant qu’ils ne sont plus dans ses bases de données, après avoir demandé une autre terre d’ asile. Oui, reconnaissent-ils, nous avons demandé une autre terre d’asile, parce que notre proximité avec le Togo ne nous met pas à l’abri de la répression, encore que, celui qui a provoqué notre départ en asile, continue de régner en maître. Ils dénoncent également le traitement inhumain dont ils ont été victimes, à leur arrivé à Cotonou. «Nous ne comprenons pas, que des policiers soient venus nous violenter, gaz lacrymogène à l’appui, à la Maison du Peuple de Cotonou, où nous avons été accueillis, après négociations avec des autorités locales», se désole Aholou, le responsable dont la fille a été extirpée, comme plusieurs femmes d’ailleurs, de la douche toute nue. «Nous sommes maintenant sept cent cinq (705) âmes, dont trois cents enfants environ, et deux cents vingt-deux femmes, à dormir ici à même le sol, près d’un caniveau, et sans nourritures. Qu’allons-nous devenir?». Question, à laquelle l’Unhcr, et les autorités diplomatiques togolaises  doivent répondre au plus tôt, avant que la situation ne dégénère, tout au moins sur un plan humanitaire.
Olivier Ribouis

Femmes enceintes, malades et enfants sans un minimum strict d’hygiène

Les enfants, les uns assis à côté de leurs parents sur les bancs du jardin public de vèdoko, les  autres couchés à même le sol. Quelques hommes adossés au collecteur d’eau traversant le jardin, d’autres encadrant des femmes, et certains enfants en file indienne pour prendre leur part d’une demi mesure de gari à eux apportée par un bienfaiteur. C’est l’ambiance qui régnait dans le jardin de Vêdoko, lieu occupé par les réfugiés togolais délogés, depuis quatre jours, du camp des réfugiés d’Agamey, dans l’après-midi de ce jeudi 17 octobre.

Ainsi exposés aux différentes intempéries, qui les contraignent parfois, à aller chercher un abri précaire sous les hangars, le calvaire de ces réfugiés semble plus grand qu’on ne l’imagine.

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En effet, s’ils peuvent se permettre d’espérer le passage d’un «bon samaritain» pour se voir offrir quelques poignées de vivres, ce n’est pas le cas pour d’autres besoins, non moindres importants. «Nous sommes contrains de déféquer sur les dépotoirs des parages», avoue Tadjouden Grunitzky, l’un des responsables des réfugiés. Qui ajoute que c’est un réel luxe que de se doucher dans ces conditions. Un luxe que seuls les enfants peuvent s’offrir, en se douchant au bord du collecteur d’eau qui longe le jardin. Quant aux adultes, certains peuvent bénéficier de l’indulgence des populations riveraines, qui leur permettent, à titre exceptionnel, de se doucher chez eux.

Mais le pire est ailleurs. Car, les malades et les femmes enceintes ne bénéficient d’aucune attention particulière. D’après Tadjouden Grunitzky, certains ont pu se rendre à l’hôpital, avec l’aide de certaines bonnes volontés. Quant à ceux qui n’ont pas eu cette chance, c’est l’impasse. «Je ne peux pas aller à l’hôpital, c’est pourquoi je me suis couchée, ici», se plaint l’une des femmes enceintes, qui appelle les bonnes volontés et les autorités béninoises au secours.  

Le Ca 10ème  somme les réfugiés de vider les lieux

La fin de la misère des réfugiés semble ne pas être pour demain. Et pour cause, ils sont sommés de quitter le jardin de vèdoko. En effet, depuis mercredi 16 Octobre dernier, le Chef du 10ème Arrondissement est descendu sur le site, pour s’enquérir des faits. Au cours de cette descente, il a donné aux réfugiés un ultimatum de 24 heures. Un ultimatum que le Chef du quartier Vèdoko, Bara El Hadj Aboudou, a prolongé de 24 heures, hier. Leur décision est motivée par plusieurs constats.

En effet, à en croire Bara El Hadj Aboudou, le Chef du quartier Vèdoko, la présence des réfugiés dans son quartier est une source d’insécurité et d’insalubrité. «Déjà, ils défèquent partout. Et bientôt, ce sont les cas de vol qui suivront», explique-t-il. En ajoutant que c’est une situation que l’Arrondissement ne saurait résoudre, à son seul niveau.
Camille A. Segnigbindé

«Ils ne sont pas réfugiés», clarifie le Représentant résident de l’Unhcr

La situation du groupe de «réfugiés togolais», dénommé «Autres terres d’asile», qui occupe depuis lundi dernier le jardin public du 10ème Arrondissement de Cotonou, émeut et suscite moult interrogations, dont la plus sérieuse est relative à leur statut. La réponse à cette question, fournie par le Représentant résident du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Refugiés (Unhcr) au Bénin, Magatte Guissé, concernant le statut des membres de «Autres terres d’asile», est sans ambages. «Ils ne sont plus demandeurs d’asile, et ils ne sont pas refugiés», précise l’autorité, qui fait remarquer que ce groupe de réfugiés, arrivé au Bénin en 2005 à la suite de la crise postélectorale au Togo, est le seul des 4000 réfugiés à avoir délibérément refusé toutes les propositions de solutions durables – le rapatriement volontaire, l’intégration locale en cours – faites par le Gouvernement béninois en 2012. Propositions avec lesquelles, plus de 3500 Cartes de Résident Privilégié ont été offertes aux réfugiés togolais encore au Bénin. Et, pire, ils se sont exclus du processus de recensement des refugiés, initié par l’Unhcr, qui s’est déroulé en Novembre 2012. Cela en dépit des nombreuses tentatives, et du Unhcr, et des autorités béninoises, et de la Caritas, et des organisations de la Société Civile, comme Alcrer, Amnesty International Bénin, pour ramener à la raison ces refugiés dont les documents légaux étaient arrivés à expiration.

La dernière tentative, le 27 juillet 2013, fut celle de l’Agence Nationale de la Protection Civile, qui les invitait à se présenter à la Commission Nationale pour l’Assistance aux Refugiés, au plus tard le 15 septembre 2013, «en vue de clarifier leur statut actuel». «Nous avons tout fait pour éviter qu’ils se retrouvent dans une situation irrégulière, mais rien», se désole Magatte Guissé. Qui précise que ce groupe, dont les droits n’ont jamais été bafoués, n’est plus sous le mandat de l’Unhcr. Car n’existant pas dans ses bases de données.

Ainsi, ne possédant pas une Attestation Provisoire de Refugié, ni une Carte de Demandeur d’Asile – parce qu’ils l’ont rejetée – «Autres terres d’asile» n’est rien d’autre qu’un groupe d’individus dont le rêve est d’aller à l’étranger. Mais, malheureusement, «l’Unhcr n’est pas une agence de voyage», a tenu à clarifier le Représentant résident de l’Unhcr au Bénin.
Yao Hervé Kingbêwé

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