L’escargot se mange sans sa coquille : avant-dernier épisode

Résumé : Jérémie, après une sacrée aventure, se retrouve dans la maison de Josée, la fantasque jolie poupée avec qui il a projeté de passer le week-end. Alors qu’il était sur le point de passer à l’acte, un coup de fil d’un ami qui la traite de « salope » vient tout compromettre. La jeune femme lui demande de s’en aller. Mais lui, exige, avant de s’éclipser, le partage des sous que Josée a extorqués des tiroirs du Commandant pendant que tous deux étaient à la brigade. 

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Ekié ? Comment une femme qu’il avait, il y a peu, trouvé presque dans le ruisseau, pourrait lui manquer de respect ? Quand il avait commencé à la zyeuter, Joséphine n’était qu’une jeune fille, certes belle, mais elle sentait encore le mécanicien à deux sous. Puisque, selon les kpakpatos et consorts c’était dans un garage, sous une voiture que son ex- l’avait terrassée, dégustée entrainant par la suite sa grossesse, puis la naissance, neuf lunaisons après, de ce garçon aux oreilles d’éventail. Et elle veut dire quoi, cette prétentieuse ?

Jérémie se promit de ne pas faire des vagues. Elle voulait qu’il débarrasse le plancher ? Eh bien, il s’en irait, mais ce qui lui semblait par contre non-négociable, c’étaient les billets arrachés du tiroir du Commandant. Lui aussi, il devrait en bénéficier. Ce serait, au bas mot, du fifty-fifty. Peut-être même qu’il pourrait exiger les trois quarts en guise de dédommagement, vu les traitements exquis qu’il a subis. Mais déjà une autre obsession lui tourmentait la tête : que sa part du butin atteigne le prix d’un Dream. Car, s’il voulait éviter d’être cramé par Etienne Gbomitan, il se devrait de racheter une nouvelle moto en remplacement de l’autre volée.

-Ecoute, ma chérie, expliqua-t-il, je….

-Commence par retirer « chérie » de ton vocabulaire, rectifia Josée.

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-Quoi ?

-Quelle partie de la phrase tu ne comprends pas ? « Retirer » ou « chérie » ?

Jérémie eut l’impression qu’une boule noire s’était incrustée dans sa gorge, menaçant de l’étouffer. Il inspira, souffla, puis prit une minute de silence pour digérer et intégrer la nouvelle donne.

-Okay, admit-il finalement. Plus de chérie. Tu peux verrouiller ton popi. Tu peux même le cadenasser, mettre autour des barbelés, je dirai, c’est la faute à pas-de-chance. Mais ce dont tu ne pourrais pas me priver, c’est le trésor sur lequel tu veux t’asseoir-là. Les millions du Commandant. Epkin ! Je persiste et signe, je veux ma part.

-C’est ce qu’on verra, jura la jeune femme.

Elle se leva aussitôt, s’engouffra par le couloir qui divisait l’appartement en deux, plongea dans la cuisine et en ressortit quelques secondes après avec un coutelas à la lame zigzaguée. Jérémie se mirait presque là-dedans.

-Oui, j’ai de quoi me défendre, avertit la jeune femme, si tu insistes, alors, je me ferai le plaisir d’utiliser ça.

-Utiliser quoi ?

Un rire de buffle envahit l’ex-escroc qui manqua de tomber car la menace lui parut grotesque et enfantine. Il s’adossa à un des murs, se tint le ventre, s’accroupit, cherchant la position la meilleure pour évacuer le fou rire. Josée le regardait sans rien comprendre, se demandant s’il était dans un autre monde ou si ses boulons avaient lâché. Elle voulut risquer une question en sa direction quand soudain, Lankoukou se retourna et bondit sur elle, sur son poignet. La jeune femme sentit la force de l’homme sur son bras, elle le sentit lui broyer la main. Douleur. Cris. Le coutelas lui échappa, tomba sur le plancher et alla échouer loin, dans un angle de la pièce.

Mais Jérémie n’avait pas fini avec elle. Avec son regard vitreux, ses bras presque rasant le sol, ses jambes écartées, il marcha sur elle comme s’il voulait la culbuter, lui arracher ses petites affaires et la cochonner. Erreur, il visait autre chose : son sac à main. Lankoukou le lui prit, le retourna et en renversa le contenu au sol. Il y en a de tout dans un sac de femme : des tubes de rouge-à-lèvres, un carré de miroir, des cartes de crédit, des bonbons, des préservatifs masculins et même deux chèques sans provisions. Mais ce qui dominait le tout, c’étaient toujours les billets de banque. Vrillés par le courant d’air venant de la fenêtre toute proche, ils s’éparpillèrent et voltigèrent en tous sens.

Debout, Jérémie les regarda avec de gros yeux. Jamais de la vie, il n’avait pensé que le sac de la jeune femme renfermerait trésor si impressionnant. Sourire jusqu’aux oreilles, il se frotta les mains, puis brusquement se jeta sur les billets. On dirait un chat. Car, il sautillait par ici, bondissait par là, cabriolait dans tous le sens. Surprise par sa détermination, Josée se rua à son tour sur les coupures. Elle n’allait quand même pas le laisser la « ruiner ». Elle tendit un foulard à même le sol et commença à y jeter les devises.

Au milieu de ce capharnaüm, un bruit, produit par une main vive, s’entendit du côté de la porte d’entrée. Personne, à l’intérieur, ne répondit. Le toc-toc se répéta. Sans même attendre que la maîtresse des lieux l’autorise, un homme se risqua dans la pièce. Petit râblé, la tête enturbannée par un bonnet de laine aux couleurs de la Jamaïque, il titubait plus qu’il ne marchait, sans doute vertigé par vingt joints de Haschisch vaporeux.

-Hé, cousin ! s’écria Josée en le dévisageant.

-Jah Rasta ! fit le nouveau venu, mais qu’est-ce que …

Il n’eut pas le temps de finir la phrase. Ses yeux, quoique flottant, aperçurent les billets et s‘en émurent. Il ne demanda même pas à la maitresse de maison l’autorisation de participer au ramassage. D’un saut de trapéziste, il atterrit près des premières coupures de Dollar et se mit à en remplir son bonnet. Depuis U Roy et Bob Marley, il est admis que les rastas considèrent le Dollar comme un instrument de domination de Babylone et qu’à ce titre, tout adepte du mouvement devrait développer contre la monnaie américaine, une lutte acharnée. Mais voilà qu’à l’endroit du billet vert, le ci-devant porteur de dreadlocks manifestait de l’amour fou. D’ailleurs, était-il un rasta, un vrai ? Si l’habit ne fait pas le moine, ce ne seraient pas les cheveux qui feraient le rasta.

De toutes les façons, le bonhomme ne s’économisa pas du tout. Bien au contraire, il mit de la force à son entrain, tellement de force qu’un objet, du creux de sa main droite, lui échappa et vint expirer sous le nez de Jérémie. C’était une clé contact, le genre de clé qui ouvre et allume les motos comme les « Dream ».

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Cette série est protégée par les droits d’auteurs et appartient à Florent Couao-zotti, écrivain béninois. Toute copie ou reprise sur un site ou sur tout autre support est strictement interdite et peut faire l’objet d’une poursuite judiciaire.

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