Déclaration sur l’expropriation et la nationalisation de la Sodeco : les contre-vérités de Komi Koutché

Les déclarations se multiplient et se contredisent au sein du gouvernement au sujet du dossier encore fumant de la Sodeco. Lors d’une conférence de presse donnée mardi 19 novembre par le ministre Koutché dans le cadre de ses 100 premiers jours au ministère de la communication, il a fait des déclarations truffées de contre-vérités  qui prouve que le gouvernement est confus dans ce dossier.

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Le mensonge est devenu depuis quelques mois, un art très prisé des membres du gouvernement. Ils en usent allègrement pour se défendre. Le ministre de la communication Komi Koutché s’y est exercé mardi dernier. Dans un rôle peu élucidé de porte parole du gouvernement, il a dit des contre vérités sur le dossier de la Sodeco qui sautent à l’œil.

Premier morceau choisi : les 17,5% querellés

Le ministre Koutché affirme ceci : « … l’idée inclusive qui a été retenue est de faire en sorte qu’au sein de la SODECO, les producteurs puissent se retrouver même quelque soit la minorité de la part qu’ils détiendraient. Dans la convention initiale, un délai n’avait pas été précisé. A la suite, le  conseil des ministres s’en est rendu compte et a rattrapé en demandant à la SCP de prendre un engagement pour  rétrocéder au public à l’issue de 2 ans ces 17.5%.   Parce que sans ça, on n’aura pas atteint l’objectif. On aura créé les conditions d’un monopole alors que ce qui était voulu, c’est que tous les acteurs s’y retrouvent, et en l’occurrence les producteurs ». Cette déclaration confuse et sujette à embrouiller les esprits vise à leur faire avaler les couleuvres selon lesquelles les 17 ;5% détenus actuellement par le gouvernement comporte ceux  destinés aux producteurs. Cette déclaration manque d’honnêteté. Les 17,5 % son destinés au public béninois et étranger et sont prévus être rétrocédés par le truchement de la Brvm. Seulement 6% sont réservés aux producteurs dans la convention. Il est donc important de rappeler les parts d’action détenues par chaque partie. Etat béninois 33.4% , Ons 0.1%, Collectivités locales 8.5%, Organisations de Producteurs de coton 6%, Personnel de la SODECO 1%. Le ministre continue en disant que : «… cet engagement a été signé en 2009 et donc en 2011 l’engagement est devenu caduque. Ce qui amène logiquement à retourner à la convention initiale. Or la convention initiale ne définit pas le délai de portage de ces 17.5%.». Selon ces explications, la convention n’ayant pas défini le délai de portage des 17.5% par la SCP, en cas de non rétrocession dans les 2 ans au travers de la BRVM, le Gouvernement est en droit de les récupérer à la SCP. Il s’agit là aussi d’une contre vérité qui vise à embrouiller les populations. En effet, dans la convention de création de la société pour le développement du coton (SODECO) signée le 10 octobre 2008 et homologué par jugement n°093/08 du 10 octobre 2008 rendu par le tribunal de première instance de Cotonou, il est dit à l’article 3.2  de la Convention que « Les actions destinées au public seront cédées par l’Etat, au travers de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières de l’UMOA, dans un délai de douze (12) mois à compter de la date de signature, l’Etat faisant son affaire de l’obtention des autorisations nécessaires à cet effet Dans le cas où cette cession n’est pas réalisée au terme de ce délai, les actions en portage seront transférées à la SCP qui s’oblige à en assurer le portage jusqu’à leur rétrocession effective au public. A cet effet, une promesse de cession d’actions entre l’Etat et l’Opérateur est signée dès à présent et annexée à la présente convention ». Le ministre a certainement lu cette convention avec des lunettes colorées. Et le Dossier d’appel d’offres (DAO) lancé le 23 août 2008 de préciser en son article 4.2-d : « Le bénéficiaire des actions promises reste propriétaire porteur des actions qui lui ont été ainsi transférées jusqu’à ce que les conditions de leur rétrocession effective au grand public soient réunies ».

Deuxième morceau choisi : l’égrenage

Le Ministre Koutché a déclaré au sujet des égreneurs que « … La tendance c’est de refuser l’égrenage à façon. … Les propriétaires d’usine  veulent aller acheter le coton sur le marché,…,  à des conditions qui ne sont pas les mêmes que celles annoncées par le Gouvernement aux producteurs, ce qui met le Gouvernement déjà en difficulté. Or les prix fixés  par le Gouvernement c’est dans le sens de motiver les producteurs à faire mieux. .. ». Là aussi contre vérité. Dans les nombreuses correspondances qu’ils ont envoyées au ministre Marcel De Souza, président du comité interministériel. Selon un Extrait du Courrier N° 76 du 31 octobre 2013 portant proposition de plan de campagne 2013-2014. Les égreneurs proposaient ceci : « Achat de coton graine au prix à convenir avec le Gouvernement. Ce prix prendra en compte le prix net aux producteurs  et les fonctions critiques de la filière assurées par l’Etat dans la mise en place des intrants et la promotion de la filière ». Concernant les réquisitions,  il trouve que si on laissait les égreneurs mettre leur plan en application, environ  110 000 tonnes de coton seront laissés en rade car les huit usines restantes n’ont que la capacité totale d’égrenage de 300.000tonnes. , donc si nous arrivons à obtenir les 300 000 tonnes, nous aurons 90 000 tonnes en rade… ». Selon les spécialistes, il y a en plus 8 autres usines privées au Bénin qui ont une capacité totale de 300 000 tonnes et qui ont d’ailleurs toutes participé à la campagne d’égrenage à façon 2012-2013 ». Ajoutant aussi que ce sont eux les égreneurs qui ont bloqué les négociations. Au total, le ministre Koutché a menti sur toute la ligne juste pour défendre le gouvernement. 

L’intégralité de la déclaration du ministre Komi Koutché

« Pour ce qui est de la Sodéco, je voudrais d’entrée déplorer tout ce que j’ai lu dans la presse ce matin (NDLR : Hier). Sur ce dossier, ce qui s’est passé n’est pas exactement ce qui a été relayé par les médias. Certains ont parlé de braquage des actions de la SCP. D’autres ont parlé de nationalisation et de rupture du partenariat public-privé. Pour moi, ce sont des erreurs d’appréciation du dossier. Et lorsque les gens sortent des choses du genre, ils risquent d’embrouiller ceux (notamment les étrangers qui viennent dans notre pays) qui ont lu la décision prise très récemment par le conseil des ministres des 16 et 17 novembre 2013. Et naturellement, ces étrangers s’interrogeront sur le type de journalistes que nous avons au Bénin. En réalité, de quoi retourne ce dossier et pourquoi le gouvernement a décidé d’agir dans l’intérêt de la majorité et non de celui d’un individu? En 2008-2009, le Bénin, dans la dynamique de renforcer et de développer le partenariat public- privé, a décidé de transférer progressivement l’outil industriel de la Sonapra au secteur privé et de concentrer la Sonapra sur la question de la diversification des filières. C’est comme cela que la Sodéco avait été constituée. Au commencement, l’Etat avait 66,4 % du capital social de la Sodéco, la Société commune de participation (SCP) 33,4 %, l’ONS 0,1 % et Patrice Talon 0,1 %. Dans la convention de création de la Sodéco, il était prévu qu’au bout d’un an, l’Etat béninois devrait céder une partie de ses actions (17,5 %) au public. En réalité, l’Etat béninois n’assurait que le portage de ces actions. Mais si au bout de ce délai d’un an, l’Etat béninois n’arrivait pas à céder au public cette partie de ses actions, il se verrait obliger de transférer ces actions à la Société commune de participation (SCP) qui se chargerait de les porter jusqu’à les céder à une certaine échéance. Ce qui fait qu’un an après la signature de la convention, le capital de la Sodéco devrait alors se recomposer comme suit: Etat béninois 33,4 %, SCP 33,4 %, ONS 0,1 %, Patrice Talon 0,1 %, les Collectivités locales 8,5 %, les Organisations de producteurs de coton 6 % et le personnel de la Sodéco 1 %. Cette vision était une vision inclusive parce que la culture du coton est l’une des rares activités où ceux qui _ profitent sont ceux qui ne savent pas si le coton pousse en tubercule ou en fruit. Donc en réalité, les producteurs produisent et enrichissent les autres. Mais l’idée inclusive qui a été retenue est de faire en sorte qu’au sein de la Sodéco, les producteurs aussi puissent se retrouver quoi qu’en soit la minorité de la part d’actions qu’ils détiendraient. Conformément à la convention, l’Etat au bout des douze mois a transféré les 17,5 % à la SCP. Les 17,5 % dont il est question aujourd’hui ont été bel et bien transférés à la SCP qui devrait les porter sur un certain nombre d’années et l’ouvrir au public par le biais de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM). Il faut être honnête lorsqu’on fait des communications. Dans la convention initiale, un délai n’avait pas été précisé. Il s’agit du délai au bout duquel la SCP devrait se débarrasser des 17,5% d’actions Sodéco réservés au public béninois et étranger. Mais par la suite, le conseil des ministres s’en est rendu compte et a rattrapé en demandant à la SCP de prendre un engagement pour rétrocéder au public après deux ans ces 17,5 % d’actions parce que sans cela, l’objectif visé n’aurait pas été atteint et on aurait créé les conditions d’un monopole alors que ce qui était voulu, c’est que tous les acteurs se retrouvent au sein du conseil d’administration de la Sodéco (de l’Etat à la SCP en passant par les collectivités locales, les producteurs, les travailleurs, l’ONS … ). Dans les pays qui nous entourent comme le Burkina Faso, c’est comme cela que les choses sont structurées. Cet engagement a été pris. Est-ce que oui ou non l’Etat a décidé de faire porter les 17,5 % d’actions Sodéco par un privé? Oui l’Etat l’a fait! Est-ce que oui ou non ce privé devrait rétrocéder ces actions à un temps donné? Oui ce privé devrait le faire! Donc il ya eu un engagement notarié qui a été pris. Les éléments du dossier sont là et au bout de deux ans, ce dernier devrait rétrocéder les actions ; mais malheureusement dans cet engagement qui est unilatéral, et qui a été versé au dossier, la SCP a joué à la ruse. Dans cet engagement, elle disait qu’elle s’engage à rétrocéder les 17,5 % d’actions Sodéco au public à l’issue de deux ans mais par le biais de la BRVM après l’introduction de la Sodéco en Bourse. Mais il se fait que la décision de l’introduction de la Sodéco en Bourse ne dépend que de la gouvernance des dirigeants de la Sodéco. Et passé le délai de deux ans, cet engagement pris sera frappé de caducité. C’est ce que la SCP a mis dans son acte notarié unilatéral. Cet engagement a été signé en 2009, donc en 201 il est devenu caduc. Ce qui amène logiquement à retourner à la convention initiale. Or la convention initiale ne définit pas le délai de portage de ces 17,5 % d’actions Sodéco. Voilà pour ce qui est de 1 ‘histoire de la convention de création de la Sodéco. Maintenant, qu’est- ce qui a amené le gouvernement à prendre les décisions issues du conseil des ministres des 16 et 17 novembre 2013 ? Selon vous, entre t’intérêt d’un grand groupe de personnes que sont les producteurs et l’intérêt d’un privé tel que présenté par les médias, quel est le choix que doit faire un gouvernement responsable ? A mon sens, quel que soit le prix à payer, l’Etat a l’obligation de préserver l’intérêt public. Et comment cet intérêt public s’est manifesté dans ce dossier? Avec tous les efforts qui ont été consentis, on attend une production prévisionnelle de 300.000 tonnes de coton. Ces 300.000 tonnes de coton ne peuvent pas être égrenés sans les usines de la Sodéco. Et qu’il vous souvienne qu’avant que l’Etat ne décide formellement d’aller vers un partenariat public-privé, l’outil industriel de la Sonapra était dans le patrimoine public. Mais entre-temps, dans la dynamique d’aller dans le partenariat public-privé, cet outil industriel a été transféré dans ce mode de collaboration que je viens de décrire. Nous attendons à peu près 300.000 tonnes de coton. Du point qui a été fait par les représentants du gouvernement chargés de négocier avec les propriétaires d’usine, il ressort que la Sodéco ne serait pas ouverte aux options du gouvernement. Et la tendance, c’est de refuser j’égrenage à façon proposé par le gouvernement. Les propriétaires d’usine, y compris la Sodéco, veulent aller acheter le coton à des conditions qui ne sont pas les mêmes que celles annoncées aux producteurs, l’égrener et le placer sur le marché international. Ce qui met déjà le gouvernement en difficulté. Or les prix fixés par le gouvernement le sont dans le sens de motiver les producteurs à faire mieux. Le coton est la première culture qui soutient aujourd’hui notre économie en attendant le développement des autres filières. Les discussions ont donc été bloquées. Sans les usines de la Sodéco, le Bénin est incapable d’égrener les 300.000 tonnes de coton attendus en termes de prévision. Une simulation a été faite et elle suggère que même si les usines des autres privés qui existent décident dans l’ensemble d’égrener le coton, elles ne peuvent faire qu’environ 110.000 tonnes. Et les 190.000 tonnes qui restent? Où allons-nous les égrener si la Sodéco refuse de réviser ses machines, si la Sodéco bloque les négociations? Au Burkina Faso? L’Etat a alors dit que si les discussions sont bloquées avec la situation actuelle où les privés ont la majorité, il ne peut faire autrement que de dénoncer la convention qui le lie à la SCP dans la création de la Sodéco pour lui permettre de sauver la campagne cotonnière en cours. Ceci est une mesure conservatoire et le Bénin n’est pas une exception en la matière. La dénonciation de cette convention permet à l’Etat de récupérer les 17,5 % des actions Sodéco. Ce qui lui permet de devenir l’actionnaire majoritaire et de s’approprier la gouvernance de l’entreprise pour prendre les décisions utiles qui lui permettront de sauver la campagne en cours. Pendant ce temps, la raison peut revenir de part et d’autre et les débats peuvent s’ouvrir à nouveau. C’est donc une dénonciation de convention pour prendre une part qui était en portage et qui n’ajamais été une part de la SCP et non d’une nationalisation. L’histoire économique du monde ces derniers moments nous enseigne qu’il y a moins de deux ans, les Etats-Unis qui sont l’un des pays les plus démocratiques au monde ont été obligés de nationaliser des banques et des sociétés d’automobile pour des raisons d’intérêt public. Barak Obama l’a fait. Dans le cas de la Sodéco, il ne s’agit pas d’une nationalisation, il s’agit d’une dénonciation de convention pour permettre à l’Etat de régler un blocage parce que, avec cette dénonciation et cette récupération de portage de 17,5%, l’Etat devient actionnaire majoritaire, peut composer son conseil d’administration, nommer un nouveau Directeur général au niveau de la Sodéco et régler les questions d’égrenage de cette campagne cotonnière en cours. Mais les 17,5 % n’ont pas été récupérés sans contrepartie. Les 17,5 % font 6.125.000.000 de Cfa. L’Etat a estimé que – puisqu’il n’y a plus le dialogue entre les parties et qu’il est obligé de dénoncer la convention et de prendre d’autorité une décision en faveur de l’intérêt général – la contrepartie qu’i1 a immédiatement est de remettre en place pour le compte de la SCP les 6.125.000.000 de Fcfa correspondant aux 17,5 % des actions Sodéco qui devraient revenir au public par le biais de la BRVM. Malgré cette décision éclairée, tous les acteurs initiaux continuent d’être dans le système avec leurs actions initiales (33,4 %) pour la SCP, 33,4 % pour l’Etat avec en portage les 17,5% que détenait la SCP et les 8,5 % des producteurs sans oublier les 1% du personnel). Il ne s’agit pas d’une nationalisation, encore moins d’un braquage des actions. Nous sommes 27 personnes autour de la table du conseil des ministres. On ne peut pas être tous bêtes. Si vous aimez les producteurs, qu’est-ce que vous auriez fait? Vous les auriez laissé produire puis après laisser leurs productions à la merci de n’importe qui? Ce n’est pas comme cela qu’on va construire notre pays. L’Etat ne tue pas le partenariat public-privé, au contraire, l’Etat a beaucoup fait pour ce partenariat. L’Etat a initié un projet de loi dans le cadre du renforcement du partenariat public-privé. Ce que nous percevons, je ne sais pour quelle raison, comme mauvais dans notre pays est valorisé ailleurs. Notre gouvernement vient de décrocher récemment un prix à l’extérieur pour toutes les dispositions que nous prenons pour le renforcement du partenariat public-privé … Il nous faut travailler à construire notre pays plutôt que de salir avec une facilité déconcertante son image … »  

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