Le Bénin est mon temple

Des interrogations exprimées par la plupart des citoyens réunis dans ce village de Sodokomin À Bohicon, ce 16 novembre 2013, comme ceux regroupés à Acajamey dans l’arrondissement de Pahou un mois plutôt, ou encore ceux rencontrés courant juillet à Tchakoloké-Camaté, dans la commune de Glazoué,  celle relative au désintérêt ou, précisément, à l’indifférence de nos compatriotes m’avait particulièrement interpellé : « Ne trouvez-vous pas justifiée, ma décision de renoncer à toute activité politique ? » interrogent certains participants, en forme de défiance à la Res publica.

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Non, répondis-je, cette indifférence n’est pas justifiée. Ni dans la vie publique, ni dans nos rapports avec la politique. Non que la déception née de l’activisme enthousiaste ne génère aucune souffrance, non que l’espoir étouffé ne conduise point au découragement, mais que l’indifférence est la morgue du citoyen et le cimetière de la République. Insidieuse, c’est cette indifférence qui prive de réaction, lorsque l’un des nôtres, Dangnivo, fut enlevé, et que nous n’exigeons ni vérité, ni justice. Apathique, elle prive d’action lorsque certains parmi nous sont arbitrairement privés de liberté. Affreuse, elle tétanisa, et les voisins et toute la rue de Gaston Zossou lorsque le domicile de celui-ci fut pris d’assaut par la police et la gendarmerie ce 1er août 2013. Elle enterre ICC Services dans la résignation, les scandales de la CEN-SAD et du siège de l’Assemblée nationale dans le silence.  Cette indifférence-mutisme qui nous enferme, nous emmure, nous enserre et nous tue.

Entre le sujet et le citoyen, il y a une différence de nature : celui-là subit, par indifférence, celui-ci agit, par défiance. Une élève de nationalité étrangère est-elle expulsée en France ? Les lycéens descendent dans la rue. Un béninois est-il lâchement enlevé, ces compatriotes fuient la rue !

Je dus insister encore : en politique, la déception est  l’indice de l’erreur dans le choix, l’appel à la correction de la lucarne, de la direction, du contrôle. Dans un pays où la foi est ostensible, cela paraît une suprême injure à Dieu de voir remplir paroisses, temples et mosquées à la quête du paradis, alors que la modeste part de sa création qu’est le Bénin est dégradée par notre indifférence et notre inaction. Je prétends aussi être homme de foi. Mais la mienne s’exprime plus ouvertement dans ce temple qu’est le Bénin. Elle est la négation de l’indifférence.

2. « Les fantômes du Brésil »

c’est le roman de Florent Couao-Zotti dont, après mes échanges politiques matinaux, j’avais surpris la lecture par un jeune garçon de 15 ans. Sa silhouette piégeait sa présence sous un arbre de la paroisse Saint Pierre de Sinhoué Lègo, commune de Agbangnizoun. Son transport au ciel de l’imaginaire me subjugua autant qu’il me renvoya à mes lectures en retard : « Je t’ai dit, frère en âme : que le soleil ne peut pas affamer le jour parce que c’est le jour qui tolère sa sortie ; que le silence ne se négocie pas parce qu’il s’arrache à la dictature du bruit. Je t’ai dit que les oreilles ne peuvent jamais dépasser la tête parce que c’est la tête qui autorise leur existence » (ibid, Laha éditions, pages 27). A qui cette interrogation pourrait-elle s’adresser ? A Pierre, le personnage principal, où ou à Thomas, qui a la direction de ce pays ? J’aurai peut-être la réponse, auprès de ce jeune élève, quand il aura fini sa lecture.

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3. «Qu’avons-nous à faire, Professeur?»

C’est la question que me posa, à brûle-pourpoint, l’un des jeunes dont l’association avait invité une délégation de Alternative citoyenne dans laquelle je me fus glissé, à une discussion ce même 15 novembre, à Agla, commune de Cotonou. D’abord identifié les défis majeurs : 1°) Parce que dans un Etat démocratique, ce n’est point au représentant de rassurer les représentés du respect du mandat, mais aux représentés d’assurer le représentant que ce mandat sera bien respecté, il nous faut, avec vigilance et intelligence, veiller à la conclusion de l’actuelle gouvernance dans le délai constitutionnel. 2°) Parce que les échéances électorales ne sont, dans ce pays, que des occasions de rejet d’une équipe, il faut invoquer en chacun l’esprit du choix. Choisir une politique, des principes, une méthode et une équipe, c’est, ce me semble, contribuer à la résurrection, et de l’Etat, et de la Nation. Ensuite, œuvrer dans l’action : au sein de la famille, des communautés, des associations, des partis politiques. C’est par l’action politique positive, notamment celle des jeunes, qu’on triomphe de cette « politicanaille du chaudron en perpétuel bouillonnement » (Bhêly-Quenum, Olympe, « L’initié », Présence Africaine, p. 126)  qui enfonce dans le gouffre l’économie et avilit les peuples d’Afrique.

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