Inéligibilité (temporaire?) du Benin pour le MCA : la responsabilité personnelle de Boni Yayi et de son gouvernement

Les Béninois ont certainement été surpris d’apprendre, le 10 décembre 2013, que notre pays n’est pas éligible au deuxième compact du MCA, conformément à la décision du Conseil d’Administration réuni le même jour à Washington.

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Pour les observateurs de la scène politique et des réalités  économiques de notre pays, il n’y a pas de surprise. Ce qui s’est passé, est ni plus ni moins le résultat d’une gouvernance brouillonne que notre pays vit depuis l’avènement de Boni Yayi au sommet de l’Etat depuis Avril 2006. N’en déplaise aux tenants de l’idéologie régionaliste, et d’autres pour qui Boni Yayi est tout le Bonheur que les Béninois pouvaient se souhaiter. En ce qui me concerne, je n’ai pas été éduqué avec l’argent du contribuable Béninois, pour couvrir d’éloges un Président dont l’incompétence avérée se révèle tous les jours, et dont l’agenda est tout sauf le développement de notre pays. Je suis donc prêt à répondre de mon opinion.

Pourquoi Boni Yayi est responsable?

L’obtention du Compact du MCA par un pays, est sujet à la satisfaction d’un certain nombre de critères que ce pays doit remplir. Ces critères ne sont rien d’autres que des indicateurs se rapportant, pour la plupart, à la gouvernance du pays. Il s’agit par exemple de l’état de la Justice, de l’environnement des affaires, de l’état de la corruption, pour ne citer que les plus importants. Ces indicateurs, sous le Général Mathieu Kérékou, n’étaient pas très reluisants, mais il y avait un environnement de liberté, marqué par une volonté manifeste du Chef de l’Etat d’aller de l’avant, dans un climat de paix, de dialogue et de concorde nationales. En tout cas, la volonté d’y parvenir était manifeste.

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Or, il se trouve aujourd’hui que tout ce que Boni Yayi et son gouvernement ont fait pour améliorer ces indicateurs, n’étaient que du saupoudrage, voire du folklore. A titre d’exemple, plus que de nombreux pays de la sous-région, le Benin est le pays ou les institutions pullulent, dans le cadre de la lutte contre la corruption. Qu’il s’agisse du Fonac, de l’Observatoire de Lutte contre la Corruption, ou encore de la récente Autorité Nationale de Lutte contre la corruption (Anlc), le Bénin n’a pas tari d’efforts dans la mise en place de ces structures, qui au finish se sont révélées des coquilles vides, exception faite du Fonac et de l’Olc sous Jean-Baptiste Elias, qui ont au moins dénoncé les faits de corruption qui jalonnent la gouvernance actuelle, avec leur cortège d’impunité. A la décharge du Magistrat Guy Ogoubiyi, il faut aussi dire que l’Anlc a récemment tiré la sonnette d’alarme, face à l’incapacité du gouvernement de mettre à la disposition de cette structure, des ressources adéquates pour accomplir sa mission. La Marche Verte contre la corruption suffisait-elle pour conjurer la montée de la corruption dans notre pays. Ce fut une comédie!

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La responsabilité imparable de Boni Yayi

Le Chef de l’Etat, en même temps qu’il nous parle de réformes à foison, s’est engagé dans un bras de fer contre les institutions. Tenez, qui va investir dans le développement d’un pays où les citoyens sont privés de la liberté d’exprimer leur opinion sur la conduite des affaires de leur pays? Comment le Bénin pouvait-il bénéficier d’un second compact, quand les décisions de Justice ne sont pas respectées. Peut-on nous expliquer aujourd’hui, pourquoi Soumanou Moudjaidou, Zoubedath Kora, le Dr Cisse, Johannes Dagnon, le Commandant Zomahoun, sont encore gardés, malgré les ordonnances de non-lieu du Juge Angelo Houssou, confirmées en appel ? Que fait encore l’Honorable Desiré Vodonon en prison? Quid de l’ancien Procureur de la République Georges Constant Amoussou, dont personne ne sait si le dossier d’instruction est en cours, depuis 2010?

Non, Boni Yayi a tellement abusé des Béninois et de leur vie, qu’il a fini par prendre l’anormal pour la norme, sans en avoir peut-être conscience. Même si tous les indicateurs en jeu étaient bons, le fait d’avoir donné la chasse à un juge, et de l’avoir séquestrer, alors qu’il a seulement rendu une décision de Justice en toute conscience, est un acte attentatoire aux institutions de la République, et à la démocratie, que le pays par excellence des Droits de l’Homme ne saurait percevoir d’un bon œil.

L’ignorance du fonctionnement d’une démocratie par le Président est patente

Comme l’a maintes fois dit et répété l’Honorable Candide Azanai, Boni Yayi ne comprend ni la démocratie, ni le fonctionnement d’une démocratie. Tenez, des propos tenus par lui-même, illustrent à souhait ce postulat. En Juillet 2012, au milieu d’un champ de coton, le Chef de l’Etat a proclamé qu’il s’engagera désormais dans la “Dictature du Développement”, pour  faire le bonheur des Béninois contre leur gré. A de nombreuses reprises, il a indiqué qu’une “démocratie qui ne nourrit pas, est une démocratie Nescafé”. La démocratie en tant que mode de gouvernance politique d’un Etat, n’a jamais été conçue pour nourrir, mais plutôt pour créer les conditions essentielles et favorables pour la gestion participative des Hommes en société, de façon à ce qu’ils produisent les biens et les services nécessaires pour la vie en communauté, et dans une relation avec le reste du monde. Récemment au Port Autonome de Cotonou, où une quantité importante de produits suspects a été découverte, le Chef de l’Etat, surpris, s’est exclamé : “quelle est cette démocratie?” Comme si ce qui est en cause, c’est la démocratie et non la qualité et la responsabilité des personnes qu’il placées à la tête des structures, et qui passent leur temps à chercher des distinctions honorifiques ou trophées des “affabulateurs  extérieurs” pour le tromper, plutôt que de s’occuper de la gestion rigoureuse des installations portuaires dont la responsabilité leur incombe entièrement.

La démocratie est une entreprise si sérieuse que, lorsqu’un Peuple a eu le courage de s’y engager, ses leaders doivent s’appliquer à la maintenir, l’entretenir, la chérir et la renforcer. Comment le Conseil d’Administration du MCA pouvait-il approuver un deuxième compact au profit du Bénin, avec la danse actuelle organisée autour de la LEPI, dont le projet de correction relève plus de la fiction, de l’imposture que d’un chantier  national? On ne récolte que ce qu’on a semé dit-on.

La complicité des banquiers, économistes et financiers qui peuplent le système Yayi

L’échec de la reconduite du MCA est aussi une contre-performance à la charge des banquiers et autres économistes complices de la mal-gouvernance de Boni Yayi. Il n’est pas possible de comprendre qu’avec une équipe de cadres conduits par Pierre Simon Adovèlandé, et dans une approche multisectorielle qui a bien fonctionné, le Général Mathieu Kérékou ait pu faire le déplacement de Washington, un jour de Janvier-Février 2006, pour apposer sa signature sur le premier compact du MCA pour le Bénin, et que près de 8 ans après, notre gouvernement soit écarté du deuxième Compact. Cela avait nécessité un travail rigoureux, organisé, dans un environnement où tout n’était pas rose, surtout que nous avions dans l’air, la menace  de révision de la Constitution, le débat sur le couplage des élections. Mais, il y avait visiblement une volonté de lutter contre la corruption, débarrassée de clientélisme et de traitement à double-vitesse.

A Lire : Communication sur les retombées du voyage en Turquie : Yayi tente de faire oublier l’échec du Mca

Faut-il féliciter le Président Mathieu Kérékou pour cela ? Pas du tout. Il s’est simplement agi pour lui, comme pour tout Chef d’Etat responsable, de faire pour son pays, le travail pour lequel on a été élu, c’est-à-dire se consacrer à son serment, à l’essentiel qui unit les Peuples et crée les conditions d’un décollage économique. Et cela, le Président Kérékou l’avait si bien compris, qu’après la Conférence Nationale et son retour aux affaires en Avril 1996, il s’est attelé à conforter les bases de notre démocratie, en créant les conditions de Liberté, de Justice, et en maintenant une crédibilité relative à notre pays.

Cette performance, nos économistes, financiers et banquiers venus de la cuisse de Jupiter, n’ont pu la maintenir. Ce flambeau allumé par le Général Mathieu Kérékou, malgré tout ce qu’on peut dire de ses régimes successifs, n’a pu être maintenu par les économistes, financiers et banquiers à col blanc. Mais, il ne pouvait en être autrement. Ces derniers, fascinés par leur prétendu Leader, captifs d’un système de gouvernance où le culte de la personnalité, le mépris de l’excellence, le régionalisme, le clientélisme, la gabegie sur fond de haute corruption (cf. siège de l’Assemblée Nationale et de nombreux éléphants blancs) et l’incompétence ont droit de cité tous les jours, se sont laissés aller au péché mignon des cadres, à savoir jouir et chanter les louanges pour rester, même si on est devant la triste réalité d’un pays dont les indicateurs économiques virent progressivement au rouge, au point de tenir un temps la lanterne rouge au sein de l’Uemoa.

Faut-il craindre d’autres rejets?

Le Bénin n’est pas à l’abri d’autres surprises. Personne ne peut se réjouir de ce qui vient de se produire, mais prendre des actions vigoureuses pour améliorer la gouvernance actuelle du pays, est une meilleure option, au-delà des gémissements et autres récriminations. Si le Chef de l’Etat aime vraiment son pays, il faut qu’il se départisse, ici et maintenant, de sa tendance lourde actuelle qui consiste à poursuivre son mépris du secteur privé, ses tentatives de corruption, notamment par l’achat de députes, pour faire passer des réformes par la force. De façon concrète, il a le devoir sacré de nous éviter un deuxième rejet en Décembre 2014, synonyme de désastre. On peut tout dire d’un nationalisme grégaire, sauf à cracher sur un pactole de près de 200 milliards de francs Cfa qui n’est pas un prêt, mais plutôt un don.

Que faire alors?

Concrètement, il faut que le Chef de l’Etat:

1. Libère dans les meilleurs délais, tous ceux qui sont encore abusivement gardés en prison, malgré des décisions de Justice les élargissant ;

2. Entreprenne véritablement une lutte implacable contre la corruption, en sortant les grands dossiers (machines agricoles, ICC Services, CENSAD, siège du Parlement National, etc.) ainsi que de nombreux rapports pondus par l’IGE, et qui sont restés dans les tiroirs. Dans ce cadre, il faut absolument donner les moyens qu’il faut aux structures dédiées à la lutte contre la corruption;  

3. Renoue le dialogue franc, sincère et transparent, avec les opérateurs du secteur privé, en mettant en œuvre, sans ambages, les recommandations de la Table Ronde tenue il y a plus d’un an, sur le partenariat public-privé;

4. Crée les conditions de transparence dans la passation des marchés publics. Même si les responsables du MCA ne le disent pas, il reste anachronique de penser que les Américains vont continuer d’investir massivement dans les infrastructures au Bénin, sans s’assurer que les procédures d’attribution des marchés remplissent les normes internationales de transparence;

5. Crée les conditions d’une enquête sereine et rigoureuse sur l’agression armée subie par Martin Assogba, Président de l’ONG ALCRER, activiste, défenseur des Droits de l’Homme et acteur de la lute contre la corruption. La confusion orchestrée autour de ce dossier, dès son avènement, par le DG de la Police Nationale, ne rassure pas;

6. Lève la main sur la conduite effective de la LEPI. Il s’agira de conduire un audit complet, avec la mise en place de structures purement techniques comprenant l’INSAE, d’autres services techniques et la Société Civile, pour conduire un processus qui sera encadré par une nouvelle Loi votée en procédure d’urgence par l’Assemblée Nationale. Ensuite, un chronogramme clair des élections sera établi et discuté avec la classe politique, pour servir de boussole au projet de réexamen de la LEPI,

Enfin, le Chef de l’Etat doit ouvrir un dialogue franc et sincère avec l’Opposition, dont le droit d’accès aux médias de service public doit être strictement respecté, comme prévu par la Constitution. Un dialogue national est indispensable pour instaurer un climat de paix et de confiance nationale, qui sont des pré-requis du succès durable de toute réforme.

C’est le minimum, si nous voulons encore obtenir le deuxième compact.

Coffi Adandozan
Economiste-Planificateur
Lille France

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